Diffamation / réputation, Expression politique
Tusalp c. Turquie
Turquie
Affaire résolue Élargit l'expression
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La Cour suprême des États-Unis a annulé une décision de la Cour suprême de l’Alabama contre le New York Times, et a établi la norme de la « malveillance réelle » pour assurer la protection des déclarations erronées faites dans l’intérêt public. Le New York Times avait publié une publicité créée par des partisans du Dr Martin Luther King qui comportait certaines inexactitudes et critiquait la police de Montgomery, en Alabama. Sullivan, un commissaire de la ville de Montgomery, a poursuivi le Times pour diffamation au motif qu’en tant que superviseur de la police, les déclarations contenues dans l’annonce étaient personnellement diffamatoires. Constatant que les lois de l’Alabama sur la diffamation ne protégeaient pas suffisamment la liberté de la presse, la Cour a étendu les protections constitutionnelles à la diffamation présumée en invoquant les premier et quatorzième amendements pour interdire aux élus de recouvrer des dommages et intérêts pour de fausses déclarations concernant leur conduite officielle, sauf si elles ont été faites avec une « réelle malveillance ». L’ »intention malveillante réelle » a créé un critère de faute différent de celui de la mauvaise volonté, et a exigé d’un plaignant qu’il prouve par des preuves claires et convaincantes que les déclarations fausses ou inexactes ont été faites en connaissance de leur inexactitude, ou avec un mépris imprudent pour la vérité.
Dans le tumulte du mouvement des droits civils des années 60, le Comité de défense de Martin Luther King de lutte pour la liberté dans le Sud a décidé en 1960 de passer à l’acte avec une annonce publicitaire sur une page entière publiée par le journal New York Times. L’annonce a brassé large en exprimant des griefs politiques et en nommant ceux qui soutenaient la cause du comité. Elle a également parlé des évènements oppressifs que les afro-américains avaient récemment connus et a essayé de lever des fonds au profit du Fonds de défense juridique du Dr. Martin Luther King Junior. Le titre de l’annonce était “Tenez compte de leurs revendications ” et le texte décrivait comment les divers organes gouvernementaux tels que la police ont bafoué les droits civils des afro-américains du Sud et notamment ceux de Montgomery en Alabama.
Mais comme la Cour l’a indiqué, plusieurs des déclarations dans l’annonce publicitaire étaient soit fausses ou, du moins, trompeuses. Les évènements décrits dans la page publicitaire ne reflétaient pas comment ils se sont passés en réalité. Une partie du langage critique utilisé était de l’exagération et les critiques spécifiques adressées à la police étaient injustifiées ; par exemple, la police n’avait pas en fait “cadenassé” les portes de l’université locale pour réprimer la manifestation et ne s’est pas croisée les bras alors que la maison de MLK était attaquée mais les agents de police étaient à la poursuite des criminels.
Le plaignant, L.B. Sullivan, était l’un des trois membres élus du conseil local de la ville de Montgomery, Alabama. Ces membres supervisaient tous les corps administratifs de la ville dont la police qui a été lourdement critiquée dans l’annonce publicitaire. Sullivan a été poursuivi pour calomnie en arguant qu’en sa qualité de superviseur de la police il était impliqué dans les fausses déclarations mais le nom de Sullivan n’a jamais été mentionné dans l’annonce. Le juge du procès a informé le jury que dans les cas de calomnie proprement dite comme lorsqu’une fausse déclaration porte préjudice à la fonction de quelqu’un, le plaignant portant les accusations de diffamation n’a pas besoin de prouver comment le préjudice est fait ni sa valeur pécuniaire. En d’autres termes, il suffit de prouver que les déclarations dans l’annonce critiquaient à tort la fonction de Sullivan pour que ce dernier ait droit à une indemnité. Sullivan a demandé 500,00 $ et le jury lui a accordé le montant entier.
The New York Times a fait appel mais la Cour suprême de l’Alabama a confirmé la décision du jury. La cour d’état a aussi fait d’autres conclusions juridiques en estimant que l’on pouvait déduire de la publication de l’annonce une réelle malveillance parce que le New York Times n’a procédé à aucune vérification des faits dont il était question dans l’annonce et n’a pas vérifié que les noms cités comme étant des supporters des causes défendues par le Comité les soutenaient en fait. Le New York Times a ensuite déposé un recours extraordinaire (“certiorari ») auprès de la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique qui fut accepté.
La Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique a statué que les lois de l’état de l’Alabama en matière de calomnie étaient totalement inappropriées en termes de garantie des libertés constitutionnelles d’expression et de presse au profit des journaux et étant donné l’invalidité des textes en vertu desquels le New York Times a été tenu civilement responsable, la Cour suprême a décidé de renvoyer toute l’affaire pour examen de nouveau conformément à la constitution des Etats-Unis.
La Cour a d’abord rapidement écarté deux questions qui ont été déclarées inapplicables par les tribunaux de l’Alabama. Premièrement, le quatorzième amendement s’applique aux poursuites privées et ne se limite pas aux actions intentées par l’état ou le gouvernement local. Le New York Times avait le droit donc à une protection en vertu de cet amendement. Deuxièmement et probablement encore plus important, l’examen plus rigoureux appliqué au discours “commercial” ne s’applique pas dans cette affaire. Bien au contraire, et étant donné que l’annonce publicitaire transmettait des griefs politiques d’un intérêt public des plus grands, elle devait bénéficier de la protection totale offerte par les libertés d’expression et de presse garanties de par la constitution.
La Cour a noté, de manière un peu philosophique, qu’alors que le discours qui critique le gouvernement peut être “caustique” ou offensant, l’intérêt public derrière la protection de cette forme de discours l’emporte sur une déclaration de temps à autre “erronée” à propos d’un agent public. La Cour a plutôt statué que la norme qui devait être appliquée par les tribunaux quand les journaux font des déclarations sur des agents publics ou gouvernementaux ne doit pas se limiter à déterminer si la déclaration est juste ou fausse. L’agent public qui dit être victime de diffamation doit prouver que la publication a présenté les déclarations avec l’intention « réelle de nuire ». La Cour suprême a défini l’intention de nuire comme étant la publication d’une déclaration tout en sachant que l’information était fausse ou en négligeant de vérifier sa véracité. Si le plaignant est dans l’incapacité de prouver une telle intention de nuire alors la publication se préserve le privilège de la liberté d’expression et ne peut être tenue de réparer les préjudices causés par la calomnie ou la diffamation.
Le problème essentiel posé par la législation de l’Alabama est qu’elle n’exige pas de démontrer l’intention de nuire pour qu’un agent public puisse réclamer des dommages-intérêts à un journal national. Lors du renvoi de l’affaire, le tribunal de première instance doit exposer au jury la définition de l’intention de nuire et n’accorder des dommages-intérêts que si l’intention réelle de nuire est démontrée.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
L’affaire renforce clairement la liberté d’expression dans les cas où un agent public poursuit une publication pour diffamation. Dans le cas présent, la Cour suprême a jugé qu’il ne suffisait pas de prouver que la déclaration est fausse pour exiger des dommages-intérêts ; et partant, les agents publics sont tenus de prouver que la publication a agi «dans l’intention de nuire » afin de pouvoir prétendre à des dommages-intérêts pour diffamation.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
Cette décision crée, bien sur, un précédent d’ application obligatoire pour toutes les cours fédérales et d’état aux États-Unis d’ Amérique.
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