Global Freedom of Expression

Analyse de la jurisprudence sur la liberté d’expression

Vous trouverez ci-dessous des traductions d’analyses de notre Base de données de jurisprudence anglaise relative à des décisions de justice fondamentales concernant la liberté d’expression dans le monde entier. Ces affaires, provenant de tribunaux nationaux ou régionaux, ont établi des normes mondiales et ont influencé les tribunaux au-delà de leurs frontières ou de leurs juridictions.

Cette page existe grâce au soutien de l’UNESCO.

Recueil spécial

de jurisprudence en matière de liberté d’expression

Système interaméricain des droits de l’homme

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Recueil spécial de jurisprudence du système africain des droits de l’homme et des peuples

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Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme

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Notre passé a-t-il un droit à l’oubli par Internet? Jurisprudence sur le « droit à l’oubli »

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Les coupures de l’accès à Internet en droit international

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Jurisprudence sur le discours de haine : La question persistante des seuils

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Tribunaux régionaux

Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH)

Dickinson c. Turquie 
Date de la décision: 2 février 2021
Thèmes: Expression artistique
Mots-clés: Insulte, Satire/Parodie
Résumé:
Le
2 février 2021, la Cour européenne des Droits de l’Homme a statué à l’unanimité que la procédure pénale contre le collage satirique d’un artiste “insultant” le Premier ministre turc a violé son droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Dans l’affaire Dickinson c. Turquie , la Cour européenne des Droits de l’Homme a confirmé qu’un politicien doit faire preuve d’une plus grande tolérance à l’égard de la critique, surtout lorsque l’expression prend la forme de satire. Plus important encore, la Cour européenne des Droits de l’Homme a estimé que l’article 10 avait été violé, même lorsque le requérant n’avait été “que” poursuivi pénalement, sans qu’aucune sanction ne soit infligée. La Cour européenne des Droits de l’Homme a estimé que le fait d’être poursuivi pour insulte à un dirigeant politique, au risque d’être emprisonné, a un effet dissuasif sur le droit à la liberté d’expression.

M.L. et W.W. c. Allemagne
Date de la décision: 28 juin 2018
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Liberté de la presse, Droit à l’oubli
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme (« CEDH ») a rejeté une requête concernant la violation du droit à la vie privée et une demande de droit à l’oubli, en ce qui concerne une condamnation pour meurtre au titre de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (« CEDH »). L’affaire concerne deux individus allemands, M.L. et W.W., qui ont été condamnés à la prison à vie pour le meurtre d’un acteur allemand populaire en 1991. En 2000, ils avaient demandé la réouverture de l’affaire, mais sans succès, à la suite de quoi les médias locaux avaient relaté, à l’occasion de l’anniversaire du meurtre, l’histoire et la tentative de réouverture de l’affaire par le requérant à l’époque. En 2007, les intéressés ont demandé l’anonymisation de ces reportages. La Cour fédérale allemande a jugé qu’ils n’avaient pas droit à l’anonymisation, au motif que cela portait atteinte au droit du public d’être informé des questions d’intérêt public. Les personnes concernées se sont ensuite adressées à la CEDH, qui a confirmé la conclusion de la Cour fédérale allemande selon laquelle il existe un intérêt public permanent pour des événements survenus dans le passé. La Cour a conclu que le droit du public à la liberté d’expression l’emportait sur le droit à la vie privée et ne constituait donc pas une violation de leur droit au titre de l’article 8.

Telegraaf Media Nederland Landelijke Media c. Pays-Bas 
Date de la décision: 17 novembre 2018
Thèmes: Cybersécurité / cybercriminalité ; vie privée, protection et conservation des données ; violence contre les orateurs / impunité
Mots-clés: Violence ; protection des sources ; surveillance ; sécurité nationale
Résumé:
Dans lʼaffaire Telegraaf Media Nederland Landelijke Media c. Pays-Bas, la troisième section de la Cour européenne des droits de lʼhomme (CrEDH) a estimé que les Pays-Bas a violé les droits dʼune société de presse et de deux journalistes au titre de lʼarticle 8 (droit au respect de la vie privée et familiales) et de lʼarticle 10 (liberté dʼexpression) de la Convention européenne des droits de lʼhomme (CEDH). Le journal a publié plusieurs articles, co-écrits par les deux journalistes, qui étayaient le contenu de documents ayant fait lʼobjet de fuites au sein des services secrets néerlandais (« AIVD »). Ces documents sont issus des enquêtes réalisées entre 1997 et 2000 autour des allégations de corruption dʼagents publics par le (réseau de) trafiquants de drogues et dʼarmes Mink K. L’enquête a été classée sans suite faute de preuves tangibles. Les articles de presse rapportaient que ces dossiers avaient été obtenus par des contacts criminels qui les ont longtemps fait circuler au sein de leurs réseaux à Amsterdam. En réponse à ces révélations, lʼAIVD a ouvert une enquête et a utilisé des mesures de surveillance à l’encontre des potentiels journalistes impliqués dans cette fuite. Le ministère public a en outre ordonné à la société de presse impliquée de remettre les documents originaux afin de les retirer de la circulation publique. Le journal en question et les journalistes se sont toutefois plaints que les deux mesures visaient en fait à divulguer leurs sources journalistiques. Quant aux mesures de surveillance, la Cour européenne des droits de lʼhomme a admis que lʼun des objectifs de lʼAIVD – bien que n’étant pas son objectif principal – était dʼidentifier la ou les personnes ayant fourni les documents secrets aux journalistes et a conclu que la base légale invoquée ne fournissait pas de garanties appropriées contre une telle surveillance ciblée des journalistes visant (indirectement) à divulguer leurs sources. Il y a donc eu violation de lʼarticle 8 ainsi que de lʼarticle 10 de la CEDH. Concernant lʼordre de remise, la Cour européenne des droits de lʼhomme a jugé que lʼordre nʼétait pas motivé par des raisons « pertinentes et suffisantes » et quʼil ne remplissait donc pas le critère de « nécessité dans une société démocratique » justifiant lʼingérence dans lʼarticle 10 de la CEDH.

Najafli v. Azerbaijan
Date de la décision: 2 octobre 2012
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence
Résumé:
Dans lʼaffaire Najafli c. Azerbaïdjan, la première section de la Cour européenne des droits de lʼhomme (CrEDH) a estimé à lʼunanimité que lʼAzerbaïdjan a porté atteinte aux droits de M. Ramiz Huseyn oglu Najafli, journaliste, au titre de lʼarticle 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) et de lʼarticle 10 (liberté dʼexpression) de la Convention européenne des droits de lʼhomme (CEDH). Najafli et cinq de ses collègues ont été sévèrement battus par la police alors quʼils effectuaient un reportage sur une manifestation politique non autorisée à Bakou. Non seulement les maltraitances elles-mêmes, mais aussi le fait que les autorités nʼaient pas mené dʼenquête pénale effective sur lʼincident, ont entraîné une violation de lʼarticle 3 de la CEDH. En outre, le fait que Najafli nʼétait pas un participant à la manifestation, mais un journaliste professionnel exerçant sa mission de diffusion dʼinformations et dʼidées sur des questions dʼintérêt public, a conduit la Cour à conclure à une violation de lʼarticle 10 de la CEDH.

Tusalp c. Turquie
Date de la décision: 25 mai 2012
Thèmes: Diffamation civile/ Réputation, Expression Politique, Journalisme
Mots-clés: Diffamation civile/ Journalisme
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a statué en faveur du journaliste et chroniqueur turc Erbil Tusalp, estimant que sa condamnation pour la publication d’articles critiques à l’égard du Premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, constituait une violation de sa liberté d’expression. Tusalp avait été reconnu coupable d’avoir porté atteinte aux droits de la personne d’Erdogan en relation avec deux articles publiés dans le journal de Birgün qui soutenaient qu’Erdogan avait menti sur l’ordre public, s’était livré à la corruption et présentait des troubles psychologiques. La Cour européenne a jugé que les jugements civils étaient en violation de l’article 10 au motif que les remarques de Tusalp, bien qu’offensantes ou inélégantes, étaient des jugements de valeur fondés sur des faits ou des événements particuliers. La Cour a toutefois souligné que les propos offensants peuvent « échapper à la protection de la liberté d’expression s’ils constituent un dénigrement injustifié, par exemple lorsque la seule intention de la déclaration offensante est d’insulter ». Dans ce cas, la Cour a conclu que les remarques contenues dans les articles n’étaient pas de simples attaques personnelles contre le Premier ministre, mais qu’il s’agissait bien d’opinions sur des sujets d’intérêt public.

Axel Springer AG c. Allemagne
Date de la décision: 7 février 2012
Thèmes: Diffamation / Réputation
Mots-clés: Censure, Corruption, Élections, Fonctionnaires, Éditeur, Journalisme, Intérêt public, Diffamation
Résumé:
La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a statué, par douze voix contre cinq, que l’Allemagne avait violé le droit à la liberté d’expression du requérant en infligeant une amende à un magazine et en interdisant la poursuite de la publication d’articles concernant l’arrestation d’un acteur pour possession de cocaïne. L’acteur avait intenté une action alléguant que le magazine avait violé son droit à la vie privée. La Cour a estimé que les articles concernaient des faits judiciaires publics obtenus de sources officielles concernant une personne célèbre et son arrestation dans un lieu public, quand bien même il s’agissait d’un délit mineur et courant, et que, bien que les sanctions soient légères, elles n’étaient pas nécessaires dans une société démocratique et étaient disproportionnées par rapport au but légitime poursuivi. Les juges dissidents ont approuvé l’appréciation des faits par la majorité, mais ils ont estimé que celle-ci était simplement parvenue à une conclusion différente, accordant plus de poids à la liberté d’expression qu’à la vie privée, par rapport aux juridictions internes, et qu’elle avait donc outrepassé le mandat de la Cour, qui n’est pas censée « répéter à nouveau des appréciations dûment réalisées par les juridictions internes ».

Von Hannover c. Allemagne
Date de la décision: 7 février 2012
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Vie privée, Intérêt public, Fonctionnaires
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme (« CrEDH ») a estimé que deux photographies représentant une famille royale en vacances et publiées dans deux journaux allemands violaient le droit au respect de la vie privée conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (« CEDH ») car elles ne reflétaient aucune question d’intérêt public exposée en détail dans le texte d’accompagnement. Cependant, une troisième photographie montrait un Prince en mauvaise santé. Etant donné que la santé du Prince est un sujet d’intérêt public, la CrEDH n’a pas trouvé de violation de l’article 8. En rendant son arrêt, la CrEDH a énoncé des critères que les tribunaux nationaux doivent suivre pour mettre en balance le droit à la vie privée en vertu de l’article 8 et le droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 10. Premièrement, la question de savoir si l’information contribue à un débat d’intérêt général ; deuxièmement, la notoriété de la personne concernée et du sujet du reportage ; troisièmement, le comportement préalable de la personne concernée ; quatrièmement, le contenu, la forme et les conséquences de la publication ; et cinquièmement, les circonstances dans lesquelles les photos ont été prises.

MGN Limited c. Royaume Uni
Date de la décision: 18 janvier 2011
Thèmes: Liberté de la presse, vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Liberté de la presse
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’une restriction à la publication d’informations privées ne violait pas les droits de l’article 10 de l’éditeur. Toutefois, des honoraires de résultat excessifs constituent une violation de l’article 10. Le requérant était l’éditeur du quotidien national du Royaume-Uni, le Daily Mirror. Le journal a publié plusieurs articles concernant la toxicomanie de Mme Naomi Campbell. Les articles donnaient des détails sur la dépendance et le traitement, ainsi que deux photographies de Mme Campbell attendant devant le lieu de traitement. Dans une décision de 6 contre 1, la Cour a estimé que la divulgation du fait que Mme Campbell était une toxicomane qui suivait un traitement, était dans l’intérêt du public car Mme Campbell avait précédemment nié publiquement l’usage de drogues. Cependant, les détails supplémentaires sur sa méthode de traitement et les deux photographies n’étaient pas d’intérêt public et violaient le droit à la vie privée de Mme Campbell. Dans le cadre d’une convention d’honoraires conditionnels, la requérante a été tenue de payer 95 % et 100 % des frais engagés devant la Chambre des Lords à titre d’honoraires de résultat aux avocats concernés. La Cour a estimé que les honoraires de résultat constituaient une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression de la partie requérante, car ils pouvaient avoir un effet dissuasif sur les organisations médiatiques, en les décourageant de publier des informations légitimes et en les encourageant à arriver à un règlement à l’amiable au lieu de se défendre.

White c. Suède
Date de la décision: 19 septembre 2006
Thèmes: Liberté de la presse, vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Vie privée, Liberté de la presse, Diffamation
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que des informations diffamatoires publiées de bonne foi et dans l’intérêt public ne portent pas atteinte au droit à la réputation d’un individu protégé par l’article 8 de la Convention. Le requérant, M. White, a introduit une requête contre l’État, affirmant que les tribunaux suédois n’ont pas protégé sa réputation contre les articles diffamatoires publiés par deux grands journaux – Expressen et Aftonbladet. Ces articles l’accusaient d’être impliqué dans des infractions pénales, notamment le meurtre d’Olof Palme, le Premier ministre suédois. La Cour a estimé que la liberté de la presse permet de recourir à un certain degré d’exagération et de provocation. Toute restriction à ce droit doit être interprétée strictement et établie de manière convaincante. En l’espèce, les journalistes ont pris des mesures pour vérifier les informations et ont présenté des points de vue équilibrés, y compris des déclarations du requérant et de tiers rejetant les allégations. Étant donné que la presse avait agi de bonne foi et que la publication concernait des questions d’intérêt public, l’intérêt du public pour la publication de ces informations l’emportait sur le droit à la réputation du requérant.

Gongadze c. Ukraine 
Date de la décision: 8 novembre 2005
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence
Résumé:
La Cour européenne des droits de lʼhomme (CrEDH) a conclu que lʼUkraine a violé les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de lʼhomme (CEDH) à lʼégard du mari décédé de la requérante. Le mari de la requérante, M. Gongadze, journaliste de son état, a disparu en septembre 2000. En novembre 2000, les proches de M. Gongadze ont appris par un bref article de presse quʼun corps non identifié avait été retrouvé, décapité. En examinant le corps, les proches ont identifié des bijoux et une cicatrice qui correspondaient à ceux de M. Gongadze. À partir de cette date, il a été allégué que le procureur avait commencé à entraver activement lʼenquête. La Cour a conclu à une violation de lʼarticle 13 (droit à un recours effectif) en raison du manquement à lʼobligation dʼenquêter correctement sur lʼaffaire et de lʼimpossibilité de réclamer un préjudice pénal en vertu du droit national. La Cour a en outre considéré que le manque et le détournements dʼinformations fournies aux proches du défunt leur a causé une souffrance grave qui sʼapparente à un traitement dégradant de l’enquête, contraire à lʼarticle 3 de la CEDH.

Kiliç v. Turkey
Date de la décision: 28 mars 2000
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence
Résumé:
La première section de la Cour européenne des droits de lʼhomme (« la Cour ») a conclu que les autorités turques « nʼont pas pris les mesures raisonnables à leur disposition pour prévenir un risque réel et immédiat » pour la vie dʼun journaliste (le frère du requérant) travaillant pour le quotidien Özgür Gündem à Şanlıurfa. La Cour a également estimé que les autorités nʼont pas mené dʼenquête effective sur les circonstances de sa mort. Le journaliste a été tué en 1993, malgré ses demandes urgentes de mesures de protection en raison dʼattaques et de meurtres visant des personnes travaillant pour Özgür Gündem. Le requérant a fait valoir que les autorités turques ont violé (entre autres) lʼarticle 2 de la Convention européenne des droits de lʼhomme (CEDH), qui consacre le droit à la vie, et quʼelles nʼont pas mené dʼenquête effective sur la mort de son frère. La Cour a considéré que les autorités avaient connaissance du risque spécifique, réel et immédiat auquel le journaliste était confronté. Le gouvernement nʼa pas pris les mesures que lʼon pouvait raisonnablement attendre de celui-ci afin d’éviter ce risque et nʼa donc pas rempli son obligation positive au titre des articles 2 et 13 de la CEDH. En outre, le dossier dʼenquête était inactif et aucune enquête nʼa été menée sur la possibilité que le journaliste ait été ciblé en raison de son travail pour Özgür Gündem. Cela a notamment rendu lʼenquête infructueuse.

Sürek and Özdemirv c. Turquie
Date de la décision: 8 juillet 1999
Thèmes: Sécurité Nationale, Terrorisme, Discours politique, Journalisme
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la condamnation du propriétaire et de l’éditeur en chef d’un journal pour la publication d’un entretien avec le dirigeant du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) constituait une violation du droit à la liberté d’expression. Le propriétaire du journal avait était condamné à une amende et l’éditeur en chef à une amende et à six mois de prison. En dépit des préoccupations croissantes quant à la situation sécuritaire dans certaines parties du pays, la Cour a estimé que la simple publication d’un entretien avec une organisation hostile ne pouvait pas justifier l’ingérence dans la liberté d’expression des requérants. La Cour a également estimé que les tribunaux turcs n’ont pas suffisamment pris en considération le droit du public à être informé.

Otto-Preminger-Institut c. Autriche
Date de la d
écision: 20 septembre 1995
Thèmes: Censure, Expression Religieuse, Bien-fondé de l’action reconnu, Sanctions pénales
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a déterminé que la saisie et la confiscation d’un film par le gouvernement ne violait pas le droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le ministère public autrichien a engagé une procédure pénale contre le Preminger-Institut für audiovisuelle Mediengestaltung (OPI) en vertu de l’article 188 du code pénal, à la demande de l’Église catholique romaine, pour avoir projeté un film qui dénigrait les doctrines religieuses. En vertu de la loi autrichienne sur les médias, le procureur a ensuite saisi le film et en a empêché la diffusion publique. La Cour a estimé que l’absence d’une position uniforme en Europe sur l’importance de la religion dans la société signifiait que les autorités nationales avaient droit à une certaine marge d’appréciation pour évaluer la nécessité d’imposer des restrictions pour éviter d’offenser les croyances religieuses.

Lingens c. Autriche
Date de la décision: 8 juillet 1986
Thèmes: Diffamation criminelle /Réputation, journalisme, Intérêt public, Discours politique
Mots-clés: Calomnie, Journalisme, Diffamation criminelle, Intérêt public, Discours politique
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la condamnation pour diffamation d’un journaliste qui avait critiqué un homme politique constituait une violation de son droit à la liberté d’expression. Le journaliste avait dénoncé l’attitude complaisante d’une personnalité politique envers un ancien nazi, président du parti libéral, qui continuait à prendre part à la vie politique en Autriche. La Cour européenne a estimé qu’à cause de leur position dans la société démocratique, les politiciens devaient tolérer un degré élevé de critique.

The Sunday Times c. Royaume Uni  
Date de la décision: 26 avril 1979
Thèmes: Ordre Publique, Réglementation des médias
Mots-clés: Réglementation des médias
Résumé:

La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que l’injonction interdisant au Sunday Times de publier un article relatif à un règlement négocié à l’amiable était en violation de la liberté d’expression. En 1972, le journal britannique le Sunday Times a publié des articles concernant les négociations de règlement relatives aux « enfants de la thalidomide », suite à l’utilisation par des femmes enceintes de la thalidomide, un médicament qui a entraîné de graves malformations congénitales. Le journal avait critiqué les propositions de règlement et par la suite, une injonction a été émise au motif que de futures publications constitueraient un outrage au tribunal. Bien que la Cour ait estimé que l’ingérence était proscrite par la loi et poursuivait l’objectif légitime de sauvegarder l’impartialité et l’autorité du pouvoir judiciaire, celle-ci n’était pas nécessaire dans une société démocratique. La Cour a observé que le droit à la liberté d’expression garantit non seulement la liberté de la presse d’informer le public, mais aussi le droit du public à être correctement informé, et que la catastrophe de la thalidomide était incontestablement une question d’intérêt public. La Cour a noté que l’article proposé était modéré et équilibré dans ses arguments sur un sujet qui avait été largement débattu dans la société et que, par conséquent, le risque de porter atteinte à l’autorité du pouvoir judiciaire était minime. La Cour a conclu que l’ingérence ne correspondait pas à un besoin social suffisamment pressant pour l’emporter sur l’intérêt public en matière de liberté d’expression au sens de la Convention européenne.

Handyside c. Royaume Uni
Date de la décision: 7 décembre 1976
Thèmes: indécence/obscénité, interdiction
Mots-clés: Obscénité, Interdiction, Libertés
Résumé:
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la confiscation d’un livre jugé obscène ne violait pas le droit à la liberté d’expression. Richard Handyside qui a acheté les droits britanniques d’un livre qui visait à éduquer les lecteurs adolescents sur la sexualité (y compris des sous-sections sur des questions telles que la masturbation, la pornographie, l’homosexualité, l’avortement, etc.) a été condamné pour possession de publications obscènes dans un but lucratif en vertu de la loi sur les publications obscènes. La Cour a conclu que l’intention de la loi de protéger les mineurs, ainsi que son application mesurée et précise, remplissaient les conditions pour une restriction de la liberté d’expression dans la marge d’appréciation d’un État pour déterminer ce qui était « nécessaire dans une société démocratique ». Ce fut l’une des premières affaires de liberté d’expression examinées par la Cour, et elle a établi une norme solide pour l’examen de ces affaires, qui est appliquée jusqu’à ce jour. En particulier, elle a établi le principe selon lequel « la liberté d’expression … est applicable non seulement aux ‘informations’ ou ‘idées’ qui sont accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives ou neutres, mais aussi à celles qui offensent, choquent ou perturbent l’État ou une quelconque partie  de la population ».

Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE)

Les affaires de Privacy International, la Quadrature du net et al.
Date de la décision: 6 octobre 2020
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Protection et conservation des données, Droit à la vie privée
Résumé:
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans deux arrêts de Grande Chambre connexes, a statué que le droit de l’UE s’opposait à une législation nationale exigeant des fournisseurs de services de communications électroniques qu’ils procèdent à une transmission générale et indiscriminée des données relatives au trafic et des données de localisation aux agences de sécurité et de renseignement dans le but de protéger la sécurité nationale. Dans le cadre de demandes conjointes du Royaume-Uni, de la France et de la Belgique, la CJUE a cherché à déterminer la légalité d’une législation nationale qui prévoyait l’obligation pour les fournisseurs de services de communications électroniques de transmettre les données relatives au trafic et les données de localisation des utilisateurs à une autorité publique, ou de conserver ces données de manière générale ou indifférenciée pour des raisons de prévention de la criminalité et de sécurité nationale. La Cour a estimé qu’une telle obligation non seulement interférait avec la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, mais était également incompatible avec le principe de la liberté d’expression prévu par l’article 11 de la Charte de l’Union européenne. La Cour a toutefois précisé que la conservation des données est justifiée en cas de menace grave pour la sécurité nationale ou l’ordre public, la nature de la mesure doit être « strictement » proportionnée à l’objectif poursuivi. En outre, la Cour a également clarifié l’étendue des pouvoirs conférés aux États membres par la directive sur la vie privée et les communications électroniques en ce qui concerne la conservation des données aux fins susmentionnées.

Google Spain SL c. Agencia Española de Proteccion de Datos
Date de la décision: 13 mai 2014
Thèmes: Vie privée, Protection et non-divulgation des données, Droit à l’oubli, Internet
Mots-clés: Google, Renseignements personnels, Vie privée, Protection et non-divulgation des données, Droit à l’oubli, Internet

Résumé:
La Cour européenne de justice a consacré le « droit à l’oubli » qui permet aux utilisateurs de demander que des informations privées soient « supprimées des listes » ou « déréférencées » des résultats de recherche portant sur leur nom. L’Espagne a présenté un certain nombre de questions à la Cour concernant l’applicabilité de la directive européenne 95/46 (protection des données à caractère personnel) aux moteurs de recherche sur Internet, dans une affaire concernant une demande de retrait d’informations obsolètes concernant l’historique financier du demandeur des archives d’un journal en ligne et de Google. La Cour a estimé que les moteurs de recherche sont considérés comme étant les « responsables » en ce qui concerne le « traitement » des données à caractère personnel par le fait qu’ils localisent, répertorient, stockent et diffusent ces informations. Par conséquent, les moteurs de recherche peuvent être obligés de supprimer de leur liste certains types d’informations publiées par des tiers. La Cour a concilié les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel avec l’intérêt du public à avoir accès à ces informations pour statuer que les particuliers peuvent « demander que les informations en question ne soient plus mises à la disposition du grand public » car leurs droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel l’emportent « non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche mais aussi sur l’intérêt du grand public à avoir accès à ces informations », dans des circonstances où le contenu semble « inadéquat, non pertinent ou ne plus être pertinent ».

Cour interaméricaine des droits de l’homme

SRL Bedoya Lima c. Colombie
Date de la décision: 26 août 2021
Thèmes: Violence contre les orateurs / Impunité
Mots clés:Violence, Journalisme
Résumé:
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré l’État colombien responsable de la violation du droit à l’intégrité personnelle, à la liberté personnelle, à l’honneur et à la dignité, et à la liberté de pensée et d’expression de la journaliste colombienne, Jineth Bedoya. Le 25 mai 2000, la journaliste s’est rendue à la prison « La Modelo » à Bogota, en Colombie, pour réaliser une interview, mais avant d’entrer dans la prison, elle a été enlevée, séquestrée et emmenée dans un entrepôt où elle a été victime d’abus sexuel et d’agressions commis par plusieurs hommes. La CIADH a considéré que l’État a violé son obligation de garantir la sécurité de Madame Bedoya parce qu’il n’a pas mis en œuvre des mesures de protection efficaces pour la victime, alors qu’il était conscient du risque qu’elle courait en raison de ses sujets et de son statut en tant que femme journaliste.

Granier c. Venezuela
Date de la décision: 22 juin 2015
Thèmes: Accréditation et régulation des médias, Censure, Restriction fondée sur le contenu, Propriété des médias
Mots-clés:Censure, Restriction fondée sur le contenu, Pluralisme médiatique, Propriété des médias, Diversité des médias, Réglementation des médias
Résumé:
Radio Caracas Television (RCTV) est une station de télévision du Venezuela qui transmettait des reportages d’actualité et des programmes d’opinion qui critiquaient souvent le gouvernement du président Hugo Chávez au pouvoir à l’époque. Le gouvernement Chávez a accusé, à plusieurs occasions, la station RCTV d’être en faveur d’un coup d’état et de la déstabilisation du gouvernement du Venezuela.  L’accréditation de RCTV n’a donc pas été renouvelée.  La Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que le gouvernement du Venezuela a refusé de renouveler la licence de RCTV en raison de ses critiques envers le gouvernement. La Cour a conclu que l’action de l’état constituait une violation de l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme qui garantit le droit à la liberté d’expression.

Luis Gonzálo “Richard” Vélez Restrepo c. Colombie
Date de la décision: 3 septembre 2012
Thèmes: Violence à l’égard de orateurs/ Impunité, Enfants, Intérêt public, Vidéos
Mots-clés: Violence à l’égard de orateurs/ Impunité, Enfants, Intérêt public, Vidéos
Résumé:
La Cour interaméricaine des droits de l’homme (Cour IDH) a estimé que la Colombie avait violé l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme (CADH) lorsque des officiers militaires avaient agressé un journaliste qui couvrait une manifestation antigouvernementale. Le tribunal a écrit que l’article 13 englobe à la fois un droit individuel de rechercher et de répandre des informations, y compris leur diffusion massive, et un droit social collectif de recevoir des informations fournies par d’autres. En outre, le tribunal a conclu que l’attaque visait à faire taire le journaliste, ce qui pourrait avoir un effet dissuasif sur d’autres journalistes. Parce que l’État a également omis de protéger et d’enquêter sur les menaces et le harcèlement subis par sa famille, leurs droits à un traitement humain, la protection de leur honneur et de leur dignité, leur droit à la liberté de mouvement et de résidence et le droit à la protection judiciaire, entre autres, ont été violés.

Gomes Lund c. Brésil
Date de la décision: 24 novembre 2010
Thèmes: Accès à l’information publique, Expression politique, Droit à l’information
Mots-clés: Droit à l’information
Résumé:
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué que le Brésil a violé l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme (droit à l’information). Le Brésil n’avait pas divulgué d’informations sur les membres disparus du mouvement Araguaia Guerrilla, un groupe d’activistes politiques. La Cour a estimé que les ayant droits des guérilleros du mouvement Araguaia avaient le droit à l’information sur la disparition de leurs proches. La Cour a souligné que le droit à l’information est plus fort lorsqu’il concerne les victimes de violations des droits de l’homme, y compris les disparitions d’individus. Ainsi, la Cour a estimé que le Brésil avait le devoir de fournir au plus proche parent survivant des informations concernant les lieux de sépulture de leurs proches. Il a également décidé l’octroi d’indemnisations de l’ordre de 45 000 dollars pour chaque parent direct et de 15 000 dollars pour chaque parent indirect de victimes disparues du mouvement Araguaia Guerrilla.

Claude Reyes c. Le Chili
Date de la décision: 16 septembre 2006
Thèmes: Accès à l’information publique, Intérêt public, droit à l’information
Mots-clés: Intérêt public, droit à l’information
Résumé:
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que le Chili avait violé les droits à la liberté d’expression, au droit à une procédure régulière et à la protection judiciaire en refusant la demande des requérants d’obtenir des informations détenues par l’État sans fondement juridique et sans fournir une décision justifiée par écrit expliquant les raisons du refus. Elle a également conclu que le Chili avait manqué à son obligation d’adopter des dispositions juridiques internes pour rendre effectif le droit d’accéder aux informations détenues par l’État.  Marcel Claude Reyes, directeur exécutif de l’organisation environnementale Fundación Terram, a porté plainte contre le Comité chilien des investissements étrangers pour avoir refusé sa demande d’informations détenues par l’État sur le projet Río Cóndor, un projet d’exploitation forestière ayant un impact potentiel sur l’environnement.

La Cour interaméricaine a estimé que le Chili n’avait pas prouvé que les restrictions imposées au droit des requérants d’accéder aux informations détenues par l’État répondaient à un objectif légitime car l’autorité responsable n’avait pas adopté de décisions écrites justifiées communiquant les raisons de la restriction. En outre, cette restriction n’était pas fondée sur la loi car le Chili n’avait pas, à l’époque, de législation réglementant les restrictions au droit d’accéder aux informations détenues par l’État. La Cour a par ailleurs estimé que les droits à une procédure régulière et à la protection judiciaire avaient été violés à la fois dans la procédure initiale devant le Comité et dans la procédure judiciaire ultérieure, car aucune des décisions rendues n’avait satisfait à la garantie essentielle de justification.

Herrera-Ulloa c. Costa Rica
Date de la décision: 2 juillet 2004
Thèmes: Règlementation du contenu/ Censure, Diffamation/ Réputation, Journalisme
Mots-clés: Censure, loi sur la diffamation, journalisme
Résumé:
La Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a estimé que la loi pénale sur la diffamation du Costa Rica violait l’article 13 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH), qui garantit la liberté d’expression. Le journaliste Mauricio Herrera-Ulloa a publié sept articles dénonçant la corruption d’un agent public costaricien, ce qui lui a valu d’être condamné pour diffamation criminelle. Le tribunal a estimé que les actions de Herrera-Ulloa englobaient à la fois un droit individuel et une protection sociale à la liberté d’expression. Par conséquent, lorsque le Costa Rica a demandé à Herrera-Ulloa de prouver les déclarations citées dans ses articles, il a imposé une limitation excessive à sa liberté d’expression, violant directement l’article 13. Le tribunal a également ordonné au Costa Rica d’octroyer des indemnisations à Herrera-Ulloa en réparation des dommages subis du fait de la violation par l’État de ses droits.

Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Lohé Issa Konaté c. République du Burkina Faso
Date de la décision : 5 décembre 2014
Thèmes : Régulation du contenu/ Censure, Diffamation / Réputation, Expression politique, Agents publics
Mots-clés: Emprisonnement, agents publics, diffamation criminelle
Résumé :
Le 5 décembre 2014, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu un arrêt historique dans sa première affaire concernant la liberté de la presse. Le jugement a annulé la condamnation du journaliste Lohé Issa Konaté qui avait fait l’objet de sévères sanctions pénales imposées par le Burkina Faso suite à des accusations de diffamation pour avoir publié plusieurs articles de journaux alléguant la corruption d’un procureur. La Cour a estimé que la condamnation constituait une ingérence disproportionnée dans les droits à la liberté d’expression garantis au requérant. Elle a noté que les personnalités publiques telles que les procureurs doivent tolérer plus de critiques que les particuliers.  En outre, la Cour a ordonné au Burkina Faso d’amender sa législation sur la diffamation afin de la rendre conforme aux normes internationales en abrogeant les peines privatives de liberté pour les actes de diffamation ; et d’adapter sa législation afin de garantir que les autres sanctions pour diffamation remplissent les critères de nécessité et de proportionnalité, conformément aux obligations internationales du pays.

Cour de justice d’Afrique de l’Est

Union Burundaise des Journalistes c. Procureur Général
Date de la décision: 15 mai 2015
Thèmes: Accréditation de la presse, Régulation des médias, Journalisme
Résumé:
La Cour de Justice de l’Afrique de l’Est a jugé que les alinéas (b), (g), (i) et partiellement (j) de l’article 19 ainsi que l’article 20 de la loi sur la presse du Burundi de 2013 présentaient une violation du Traité instituant la Communauté d’Afrique de l’Est.  La Cour a statué que les alinéas susmentionnés de l’article 19 imposaient une restriction abusive aux journalistes en leur interdisant de diffuser des informations relatives à la stabilité monétaire, des rapports injurieux sur des personnes physiques et morales, des informations pouvant porter préjudice à l’autorité de l’état et à l’économie nationale, et des documents et enregistrements sur les activités diplomatiques et la recherche scientifique. La Cour a aussi estimé qu’il était déraisonnable de forcer les journalistes, en vertu de l’article 20, à révéler leurs sources d’information concernant la sécurité de l’état, l’ordre public, les secrets militaires et l’intégrité morale et physique des individus.

Cour de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (« CEDEAO »)

Amnesty International Togo and Ors c. République togolaise
Date de la décision: 25 juin 2020
Thèmes: Accès à l’information publique, Régulation de contenu/censure, Coupure d’internet
Mots-clés: Coupure d’internet, sécurité nationale, sûreté publique
Résumé:
La Cour de justice communautaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a estimé que le gouvernement togolais avait violé le droit à la liberté d’expression des requérants en coupant Internet lors de manifestations en septembre 2017. La Cour a estimé que l’accès à Internet est un “droit dérivé” car il ” renforce l’exercice de la liberté d’expression.” En tant que tel, l’accès à Internet est “un droit qui nécessite la protection de la loi” et toute ingérence dans celui-ci “doit être prévue par la loi avec justificatif des restrictions au droit garanti.” [Paragraphe 11] Comme il n’existait pas de loi nationale permettant de déroger au droit d’accès à Internet, la Cour a conclu que l’Internet n’était pas coupé conformément à la loi et que le gouvernement togolais avait violé l’article 9 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. La Cour a par la suite ordonné à l’État togolais de prendre des mesures nécessaires pour éviter que cette “situation” ne se reproduise à l’avenir, de promulguer des lois pour s’acquitter de ses obligations en matière de droit à la liberté d’expression et de payer une indemnité à chaque requérant d’un montant de 2 000 000 F CFA (env. 3 500 USD).

Hydara c. Gambie
Date de la décision: 10 juin 2014
Thèmes: Violence à l’égard des orateurs/ Impunité, Services de renseignement, Journalisme, Liberté de la presse
Résumé:
Deyda Hydara, activiste pour la liberté des médias tout en critiquant le gouvernement, faisait partie des journalistes les plus éminents de la Gambie. Il a été assassiné le 16 décembre 2004. Sa famille et la Fédération Internationale des journalistes ont déposé une requête auprès de la Cour de justice de la Communauté de la CEDEAO (CJCC) contre la Gambie au motif que le gouvernement gambien n’avait pas réussi à élucider le crime et en agissant de la sorte il a consacré l’impunité, a violé le droit à la liberté d’expression et n’a pas accordé de réparation. Le gouvernement gambien a rejeté l’ensemble des allégations. La CJCC a jugé que la Gambie n’a pas correctement enquêté sur le crime, a consacré l’impunité et violé le droit à la liberté d’expression. La Cour a également statué que le gouvernement gambien était dans l’obligation d’accorder réparation à la famille Hydra parce qu’il n’a pas enquêté correctement sur le crime.

 

Tribunaux nationaux

Afrique du Sud

Mohamed c. le président de la République d’Afrique du Sud
Date de la décision: 30 avril 2020
Thèmes: Covid-19, droit à la liberté de religion
Résumé:
La Haute Cour du Gauteng du Nord en Afrique du Sud a estimé que les réglementations promulguées en rapport avec la COVID-19 interdisant le culte religieux dans les lieux de culte constituaient une limitation raisonnable et justifiable aux droits à la dignité et à la liberté de religion, de circulation et d’association. Deux personnes et un Centre islamique ont saisi la Haute Cour en faisant valoir que ces règlements les empêchaient de s’acquitter de leur obligation religieuse de se rendre à la mosquée pour les cinq prières quotidiennes, et ont demandé leur modification de façon à permettre la circulation entre les lieux de résidence et les lieux de culte. La Cour a estimé que les règlements adoptés avaient été mis en œuvre pour limiter la propagation du coronavirus et qu’en tant que mesure rationnelle adoptée pour atteindre cet objectif, ils constituaient une limitation raisonnable et justifiable du droit à la liberté de religion.

NM c. Smith
Date de la décision: 4 avril 2007
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Droit à la vie privée, Liberté d’expression, Publication
Résumé:
En mars 2002, New Africa Books (Pty) Ltd a publié une biographie de Patricia de Lille, membre du Parlement sud-africain, écrite par Charlene Smith. Le livre comprend un chapitre sur le travail de Mme de Lille dans la campagne pour les droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA. En 2001, le rapport Strauss (une enquête sur les essais cliniques réalisés par l’université de Pretoria) a été communiqué à Mme de Lille. Il faisait référence à trois femmes vivant avec le VIH qui avaient participé à des essais cliniques de médicaments – NM, SM et LH. Smith a reçu le rapport Strauss, mais ni elle ni de Lille n’ont reçu les annexes contenant les formulaires de consentement des participants au rapport. Les formulaires de consentement ne permettaient pas la divulgation publique complète de l’identité des participants et le fait qu’ils vivaient avec le VIH/SIDA, mais seulement une divulgation limitée aux fins de l’enquête de l’université. Smith a essayé d’obtenir les annexes du rapport auprès du professeur Grove, mais celui-ci n’a pas répondu à ses appels et elle a alors renoncé à obtenir les annexes et a tenté de rencontrer NM, SM et LH, mais sans succès. Cependant, Smith estimait que rien dans le rapport, ni dans la lettre d’accompagnement envoyée à de Lille, ne laissait entendre que le rapport était confidentiel.

Argentine

Pando de Mercado v. Gente Grossa SRL
Date de la décision: 20 décembre 2020
Thèmes: Diffamation / Réputation
Mots-clés: Satire/Parodie
Résumé:
La Cour suprême d’Argentine a estimé que la publication par un magazine d’un photomontage d’une femme qui s’était enchaînée devant un bâtiment d’État pour protester contre les conditions d’emprisonnement de son mari ne violait pas le droit à l’honneur de cette femme. Après la publication du photomontage, la femme, présidente de l’Association des proches et amis des prisonniers politiques d’Argentine, a poursuivi le magazine en faisant valoir que la publication avait violé ses droits à l’honneur, à la vie privée et à l’intégrité morale et a demandé une injonction pour retirer le magazine de la circulation. Deux tribunaux inférieurs se sont prononcés en faveur de la femme, mais la Cour suprême a estimé que le photomontage constituait une satire et une critique politique et a souligné que cette forme d’expression permettait un débat politique solide. La Cour a déclaré qu’un tribunal ne devrait se prononcer en faveur de la réputation et de l’honneur d’une personne qui fait l’objet de critiques que lorsque cette critique est incontestablement préjudiciable et sans rapport avec les idées ou les opinions exprimées par cette personne.

Majul c. Moyano 
Date de la décision: 16 octobre 2020
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence
Résumé:
La Cour dʼappel nationale argentine en matière criminelle et correctionnelle a décidé de clore lʼenquête sur P. Moyano, car les éléments requis de menace criminelle nʼétaient pas réunis. Luis Majul, un journaliste, a intenté une action pénale contre P. Moyano pensant que Moyano était responsable de la coordination dʼun groupe de personnes ayant accroché des affiches contre lui et sa femme le long des voies publiques. Ces affiches contenaient les insultes « Maître-chanteur et extorqueur de juges et de procureurs » et « Méprisez et souvenez-vous de ce visage ». La Cour dʼappel a considéré que même si les affiches visaient à porter atteinte à la réputation professionnelle de M. Majul, elles nʼatteignaient pas le seuil nécessaire pour constituer une menace de M. Moyano contre le plaignant. La Cour a estimé quʼil nʼétait pas prouvé que les communications contenaient « lʼannonce dʼun préjudice futur certain et manifeste, condition incontournable de la qualification pénale proposée par le demandeur dans son recours » [p. 4].

Pavolotzki, Claudio et. al c. Fischer Argentina S.A.
Date de la décision: 10 juillet 2015
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Surveillance
Résumé:
Le Tribunal d’appel du travail de Buenos Aires a jugé que le mandat d’une entreprise d’installer une application de localisation dans les téléphones de ses employés en déplacement était injustifié et arbitraire, car cela constituait une intrusion dans l’intimité et la vie privée des travailleurs. Le logiciel fourni par l’entreprise permettait de suivre la localisation GPS exacte des employés pendant 24 heures, même avant et après la journée de travail. La Cour a conclu que la mesure prise par l’employeur n’était pas conforme aux principes de caractère raisonnable et de nécessité de la loi sur les contrats de travail ou de la réglementation sur la protection des données. Selon la Cour, l’entreprise n’a pas fourni d’explication raisonnable pour cette mesure et n’a pas donné aux travailleurs des informations suffisantes sur la manière dont les informations allaient être traitées. La Cour a souligné que les appareils mobiles n’étaient pas limités aux activités professionnelles puisque les frais de service étaient payés par les vendeurs et pouvaient être utilisés à des fins personnelles.

Rodriguez c. Google Inc.
Date de la décision: 28 octobre 2014
Thèmes: Régulation de contenu/ Censure Indécence/ Obscénité, Diffamation/ Réputation, Internet
Résumé:
La Cour suprême de justice a statué que les fournisseurs de services de moteurs de recherche en ligne peuvent être jugés responsables par négligence concernant les contenus qui portent atteinte à la réputation ou au droit à la vie privée d’une personne. Un mannequin argentin a intenté une action civile contre Google et Yahoo, demandant des dommages-intérêts pour les préjudices qu’elle a subis en raison de l’association de son nom et de ses images à des sites web ayant des contenus sexuels et pornographiques.  Elle a également demandé une injonction permanente pour bloquer et supprimer des résultats de recherche toutes les vignettes utilisant ses images. Se fondant sur le droit international des droits de l’homme, la Cour a noté que les opérateurs de moteurs de recherche jouaient un rôle essentiel dans la promotion de la liberté de ses utilisateurs de rechercher et de recevoir des informations en ligne.  Cependant, la Cour a souligné que les moteurs de recherche assumaient la responsabilité de fournir un accès à des contenus non autorisés ou illégaux. Selon la Cour, les opérateurs de moteurs de recherche sont strictement responsables de la mise à disposition de matériel qui présente clairement un danger ou un préjudice pour le public, tel que la pornographie enfantine ou des contenus qui facilitent ou incitent à commettre des crimes. Ils peuvent en outre être tenus pour responsables par négligence de contenus qui portent atteinte à la réputation ou au droit à la vie privée d’une personne.

Australie

Jeremy Lee c. Superior Wood
Date de la décision: 1er mai 2019
Thèmes: Protection et conservation des données
Résumé :
La Fair Work Commission (tribunal australien des relations de travail) a estimé que le refus de communiquer des informations personnelles sensibles à un employeur ne peut constituer un motif légitime de licenciement. Un salarié avait refusé de consentir à l’utilisation de données biométriques par le biais d’un scanner d’empreintes digitales pour le contrôle des présences sur son lieu de travail et a été licencié suite à la mise en place du système. Le salarié a fait part de ses préoccupations concernant l’utilisation des scanners et des données, ainsi que l’absence de garantie que les données seraient stockées de manière sécurisée et ne seraient pas partagées avec des tiers. Il a contesté le motif de son licenciement auprès de la Fair Work Commission, et un commissaire, statuant seul, a initialement jugé que la rupture était justifiée. En appel, la Commission a souligné que les salariés ont le droit de protéger leurs informations personnelles sensibles en vertu de la Loi nationale sur la protection de la vie privée de 1988, et a estimé que l’absence d’avis de collecte de données personnelles et de politique de protection de la vie privée de la part des employeurs violait le texte. La Commission a estimé qu’il n’était pas « raisonnablement nécessaire » que l’employeur mette en place les scanners biométriques.

Brésil

Affaire des caméras de reconnaissance faciale du métro de São Paulo
Date de la décision: 7 mai 2021
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Droit à la vie privée, Protection et conservation des données, Reconnaissance faciale
Résumé:
Un tribunal civil de São Paulo, au Brésil, a jugé que l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale sur une ligne de métro constituait une violation du droit à la protection de l’image et à la liberté d’information. Une organisation de défense des droits des consommateurs s’est adressée à la Cour pour demander des dommages et intérêts et une injonction interdisant l’utilisation d’un équipement permettant l’affichage de publicités personnalisées aux passagers sur la base des informations recueillies par la technologie de détection dans une ligne de métro à São Paulo. La Cour a estimé que l’utilisation de tout logiciel de reconnaissance ou de détection faciale nécessitait le consentement des utilisateurs, et a ordonné à l’exploitant du métro de cesser d’utiliser cette technologie.

Nelson Curi et al c. Globo Comunicação e Participações S/A
Date de la décision: 11 février 2021
Thèmes: Réglementation du contenu / Censure, vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés:  Droit à l’oubli
Résumé:
La Cour suprême fédérale du Brésil a estimé qu’un droit général à l’oubli est incompatible avec la Constitution fédérale. En 2004, la famille d’une femme assassinée avait saisi les tribunaux, soutenant que l’utilisation d’images de la femme et de ses proches dans la diffusion d’un programme télévisé détaillant son assassinat en 1958 portait atteinte à leur droit à la vie privée. La Cour a déclaré que la Constitution protège effectivement les droits à la vie privée, à l’honneur, à l’image et à la personnalité et que les situations qui ont invoqué le droit à l’oubli peuvent être déterminées en vertu de ces lois existantes. Elle a estimé qu’un droit à l’oubli général et abstrait constituerait une restriction excessive et autoritaire du droit à la liberté d’expression et d’information.

Hélio Schwartsman c. le Ministre de la justice et de la sécurité publique 
Date de la décision: 25 août 2020
Thèmes: Covid-19, la sécurité nationale,
Résumé :
Une Cour supérieure brésilienne a suspendu l’enquête sur un journaliste qui avait rédigé un article dans lequel il a cité les résultats positifs que pourrait engendrer le décès du président Jair Bolsonaro. L’article a été écrit peu de temps après que le président ait été testé positif à la Covid-19 et il y est mentionné que la mort du président sauverait des vies du moment où elle mettrait fin au discours qui minimisait l’importance de la pandémie. Le ministre de la justice a ordonné à la Police fédérale d’ouvrir une enquête sur le journaliste pour d’éventuelles violations de la loi sur la sécurité nationale. La Cour a suspendu l’enquête, estimant que le comportement présumé du journaliste ne répondait pas aux critères définis par la loi sur la sécurité nationale pour déterminer une atteinte réelle ou potentielle à l’intégrité territoriale, à la souveraineté ou à la démocratie.

Conseil fédéral de l’Ordre des avocats brésiliens c. le Président Bolsonaro
Date de la décision: 7 mai 2020Thèmes: Covid-19, la confidentialité des données, droit à la vie privée
Résumé :
La Cour suprême du Brésil a suspendu l’application d’une mesure provisoire qui obligeait les opérateurs téléphoniques à partager toutes les données de leurs abonnés avec l’agence brésilienne des statistiques. Après que le recensement prévu ait changé les entretiens individuels en entretiens téléphoniques à la suite de la pandémie Covid-19, le président brésilien a promulgué la mesure, à la demande de l’agence des statistiques. L’ordre des avocats brésilien a contesté cette mesure, arguant qu’elle violait les protections constitutionnelles du droit à la vie privée, de la confidentialité des communications et du respect de la vie privée. La Cour a estimé que la mesure manquait de mesures de protection et de transparence et que sa portée était trop large pour justifier les limitations importantes des droits à la vie privée et à la protection des données.

Canada

R c. Jarvis
Date de la décision: 14 février 2019
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Vie privée, voyeurisme
Résumé :
La Cour suprême du Canada a condamné un enseignant pour des faits de voyeurisme. Ce dernier avait filmé ses élèves à leur insu dans les parties communes d’une école. Le voyeurisme est une infraction constituée par l’usage de tout moyen visant à observer les parties intimes d’une personne à son insu et sans son consentement, dès lors que celle-ci peut s’attendre raisonnablement au respect de sa vie privée. La Cour a conclu que l’enseignant a agi sans égard pour le respect de la vie privée des ses victimes lorsqu’il a filmé la poitrine, les visages et le haut du corps des élèves à l’aide d’un stylo-caméra lors d’activités scolaires. La Cour a statué qu’il existe un degré raisonnable de protection en matière de vie privée dans les espaces publics, tels que les cours d’école, et que lorsqu’une personne « se trouve dans des circonstances où elle ne s’attend pas à une protection totale de sa vie privée qu’elle ne renonce pas à toute attente raisonnable à cet égard » [paragraphe 61].

Colombie

Restrepo Barrientos v. Journal El Colombiano 
Date de la décision: 14 mai 2021
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence, harcèlement sexuel
Résumé:
La Cour constitutionnelle de Colombie a jugé quʼun journal de presse avait porté atteinte aux droits fondamentaux dʼune journaliste en violant particulièrement les droits suivants : une vie sans violence, la non-discrimination à lʼégard des femmes, le droit au travail et le droit de pétition. Toutes ces violations ont eu lieu après avoir été harcelée sexuellement par un collègue. Par ses actions et omissions, le journal de presse a manqué à son devoir de prévenir, dʼenquêter et de punir les violences dont elle a été victime, ne mettant en place aucune politique ni procédure nécessaire tenant compte de la dimension de genre. La Cour a analysé le phénomène de la violence sexuelle contre les femmes journalistes et ses répercussions sur lʼautocensure. Pour la Cour, lʼÉtat et les individus ont des obligations claires en matière de prévention, dʼenquête, de poursuite et de sanction des violences et/ou des discriminations fondées sur le genre, notamment dans le domaine du journalisme et des médias.

Carrillo et Barreto v. l’Unité nationale de protection (UNP)
Date de la décision: 3 novembre 2020
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Journalisme, Violence, Déclarations menaçantes, Défenseurs des droits de lʼhomme (DDH)
Résumé:
La Cour constitutionnelle de Colombie a décidé dʼaccorder la protection des droits à la vie, à lʼintégrité et à la sécurité de Saúl David Carrillo et Francisco Barreto, défenseurs des droits de lʼhomme, suite à la décision du Département de la protection nationale de supprimer ou de réduire leur dispositif de sécurité. La Cour a estimé que les irrégularités et omissions des autorités créaient un doute raisonnable quant au risque réel des plaignants. Elle a également mis en évidence un problème structurel concernant la sécurité des leaders sociaux en Colombie.

Constitutionnalité du décret législatif n° 540 de 2020
Date de la décision: 24 juin 2020
Thèmes: Covid-19
Résumé :
La Cour constitutionnelle de Colombie a déclaré constitutionnel le décret n° 540. Le décret, signé par le Président, a été promulgué en vertu des pouvoirs découlant de la précédente déclaration de l’état d’urgence dans le contexte de la pandémie COVID-19. Le décret contient deux mesures visant à répondre à la demande accrue de services de télécommunications en raison de l’isolement et de la distanciation sociale requis, ce qui a créé de sérieux problèmes quant à la satisfaction, entre autres, aux droits à l’éducation, au travail, à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. La Cour a conclu qu’en réduisant les charges administratives en rapport avec la prestation des services de télécommunications, ainsi que les coûts des services mobiles au profit des personnes à revenus limités, le décret atténue les difficultés résultant de la crise et contribue à garantir l’exercice des droits et libertés fondamentaux.

Constitutionnalité du décret législatif n° 516 de 2020
Date de la décision: 17 juin 2020
Thèmes: le droit à la culture, Covid-19
Résumé:
Le 17 juin 2020, la Cour constitutionnelle de Colombie a rendu un avis sur la constitutionnalité du décret législatif n ° 516 signé par le Président et promulgué en vertu des pouvoirs découlant de la précédente déclaration de l’état d’urgence dans le contexte de la pandémie COVID-19. L’article 1er, qui prévoit la réduction du quota national de diffusion lors de l’état d’urgence économique, social et écologique, a été jugé inconstitutionnel. Le quota national est un instrument qui oblige les opérateurs de télévision qui diffusent sur les chaînes nationales, régionales et locales à inclure des productions nationales dans leur grille de programmation à certains horaires et avec des pourcentages fixes. La Cour a conclu que la réduction du quota national peut affecter de manière disproportionnée le droit à la culture, étant donné que le service public essentiel assuré par la télévision contribue au développement de la culture.

Nieto Marquez v. Las Igualadas
Date de la décision: 6 août 2019
Thèmes: Diffamation / Réputation, expression politique
Mots-clés: Figures publiques
Résumé:
La Cour constitutionnelle de Colombie a estimé que la vidéo en ligne dʼun journaliste commentant et critiquant lʼopinion dʼun influenceur sur la communauté LGBTI ne portait pas atteinte à ses droits fondamentaux à la dignité, l’honneur et la réputation. La Cour a établi un test pour distinguer les informations factuelles des opinions en considérant six éléments contextuels. Certains sujets, en raison de leur valeur dʼintérêt public, tels que lʼégalité des sexes ou la discrimination à lʼencontre de la communauté LGBTI, devraient être considérés comme des discours spécifiquement protégés à la lumière des normes colombiennes et interaméricaines de la liberté dʼexpression. La Cour a donc estimé que la vidéo était protégée par le droit à la liberté dʼexpression car elle représentait une opinion critique fondée sur des faits accessibles au public, vrais et vérifiables, liés à une question sociale importante.

Classification de l’enlèvement, torture et viol de la journaliste Jineth Bedoya comme des crimes contre l’humanité
Date de la décision: 10 septembre 2012
Thèmes: Violence contre les orateurs/ Impunité, Obligations en matière de liberté
Résumé:
Le ministère public de Colombie a déclaré que l’enlèvement, la torture et les agressions sexuelles commis contre Jineth Bedoya, journaliste du quotidien El Espectador, par des paramilitaires en collusion avec des agents de l’État constituaient des crimes contre l’humanité. Avant son enlèvement, Jineth Bedoya Lima enquêtait sur une série de crimes commis par des paramilitaires et des agents de l’État dans la prison Modelo à Bogota. La phase préliminaire de l’enquête sur les crimes commis contre elle a duré 11 ans sans donner de résultats. Par conséquent, le délai de prescription des crimes contre Jineth Bedoya avait expiré et pour engager des poursuites, les procureurs devaient déterminer si les crimes contre elle relevaient des crimes contre l’humanité, prolongeant ainsi la prescription.

Équateur

Affaire des photographies à caractère pornographique envoyées aux parents de la victime sans son consentement
Date de décision: 27 janvier 2021
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Protection et conservation des données, Vidéos, Honneur et réputation, Intimité, Pornographie non-consensuelle (revenge porn)
Résumé:
En janvier 2021, la Cour constitutionnelle de l’Équateur a jugé que le stockage et le partage de photographies sexuelles sans le consentement de la victime constituaient une violation de ses droits constitutionnels à la protection des données personnelles, à la réputation et à l’intimité. La victime a intenté une action en habeas data contre la défenderesse, qui avait trouvé ses photographies sur un ordinateur familial, les avait enregistrées sur une clé USB puis envoyées aux parents de la victime. La Cour a estimé que ces images intimes étaient des données personnelles envoyées exclusivement au partenaire de la défenderesse et ne pouvaient être utilisées sans le consentement préalable de celle-ci. La sauvegarde et le partage des photographies a causé un préjudice et violé ses droits à la dignité et l’autodétermination informationnelle.

Constitutionnalité du décret d’urgence n° 1074
Date de décision: 9 juin 2020
Thèmes: Covid-19, droit à la liberté de mouvement, droit de réunion, droit d’association
Résumé:
Le 29 juin 2020, la Cour constitutionnelle de l’Équateur a rendu un avis sur la constitutionnalité du décret n° 1074 signé par le Président concernant la prolongation de l’état d’urgence pendant la pandémie COVID-19. La Cour, qui a validé le décret prévoyant la mobilisation des forces armées et de la police nationale pour rétablir “l’ordre public” ainsi que la suspension et la limitation des droits à la liberté de circulation, de réunion et d’association, a décidé d’inclure dans son jugement des considérations supplémentaires concernant le droit à la liberté d’expression dans le contexte de la pandémie. Notamment, le gouvernement doit élaborer des mesures pour combler le fossé numérique auquel sont confrontés les groupes vulnérables et à faible revenu et assurer l’accès le plus large possible aux informations relatives à la situation d’urgence en matière de santé publique.

États Unis

La Gambie c. Facebook
Date de la décision: 22 septembre 2022
Thèmes: Droits numériques, discours de haine, vie privée, protection et conservation des données
Résumé :
Le 22 septembre 2021, le tribunal de district des États-Unis a estimé que Facebook devait divulguer des documents relatifs à l’incitation à la haine ethnique contre la minorité musulmane des Rohingyas au Myanmar. En novembre 2019, la République de Gambie a engagé une procédure contre le Myanmar pour violation de ses obligations en vertu du droit international en raison des mauvais traitements infligés à la minorité rohingya. La Cour internationale de justice (« CIJ »), en janvier 2020, a déclaré des mesures conservatoires exigeant que le Myanmar empêche que des actes génocidaires soient commis contre les musulmans rohingyas. Compte tenu du rôle de Facebook en tant que principale plateforme d’information en ligne au Myanmar à cette époque, la Gambie a déposé une demande de communication préalable auprès du tribunal de district des États-Unis pour le district de Columbia afin de divulguer des communications publiques et privées ainsi que des documents concernant le contenu que Facebook avait supprimé à la suite du génocide. Le tribunal a accédé à la demande de la Gambie concernant le contenu supprimé et les documents d’enquête interne, en déterminant que le contenu supprimé par Facebook n’était pas soumis à la règle de non-divulgation de la loi sur les communications stockées (Stored Communications Act, SCA) et que les pages ou les publications qui étaient accessibles au public avant leur suppression par Facebook relevaient de l’exception légale à la règle de non-divulgation.

Patel c. Facebook
Date de la décision: 8 août 2019
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Vie privée, données biométriques, médias sociaux, Facebook, reconnaissance faciale
Résumé :
La Cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit a estimé que la technologie de reconnaissance faciale utilisée pour créer des modèles de visage sans consentement préalable porte atteinte aux intérêts et à la vie privée des personnes. En 2010, Facebook a commencé à utiliser la technologie de reconnaissance faciale pour développer sa fonctionnalité de suggestions de tags sans le consentement écrit préalable des utilisateurs et sans calendrier de conservation des informations biométriques. Trois utilisateurs de Facebook en Illinois ont déposé une plainte en 2015, alléguant que la technologie de reconnaissance faciale de Facebook violait la loi sur la confidentialité des informations biométriques de l’Illinois. La Cour a confirmé la décision de la Cour de district des États-Unis pour le district nord de la Californie, confirmant que la technologie de reconnaissance faciale de Facebook affectait la vie privée et les activités personnelles des utilisateurs, et a noté l’impact que les avancées technologiques peuvent avoir sur la vie privée.

United States Telecom Association c. FCC
Date de la décision: 14 juin 2016
Thèmes: Premier amendement, Internet, Fournisseurs d’accès à internet, Expression en ligne
Résumé :
La Cour pour le circuit du district de Columbia a entériné les nouvelles règles de neutralité du Net émises par la FCC (Commission fédérale des communications). La FCC a classé les services à haut débit en tant que services de télécommunication et donc en tant que transporteur public au sens de la législation fédérale. Les fournisseurs des services internet sont classés comme canaux de discours et non en tant qu’orateurs auxquels est accordée la protection du premier amendement. L’affaire a pour origine la récusation de la Règle de l’Internet Ouvert adoptée par le FCC qui a cherché à imposer aux fournisseurs d’accès à haut débit les règles de neutralité du Net et d’obéir au principe d’égalité du traitement du trafic internet quelle qu’en soit la source.

New York Times Co. c. Sullivan
Date de la décision: 9 mars 1964
Thèmes: Expression politique, Diffamation criminelle, Emprisonnement, Calomnie
Résumé:
La Cour suprême des États-Unis a annulé une décision de la Cour suprême de l’Alabama contre le New York Times, et a établi la norme de la “malveillance réelle” pour assurer la protection des déclarations erronées faites dans l’intérêt public. Le New York Times avait publié une publicité créée par des partisans du Dr Martin Luther King qui comportait certaines inexactitudes et critiquait la police de Montgomery, en Alabama. Sullivan, un commissaire de la ville de Montgomery, a poursuivi le Times pour diffamation au motif qu’en tant que superviseur de la police, les déclarations contenues dans l’annonce étaient personnellement diffamatoires. Constatant que les lois de l’Alabama sur la diffamation ne protégeaient pas suffisamment la liberté de la presse, la Cour a étendu les protections constitutionnelles à la diffamation présumée en invoquant les premier et quatorzième amendements pour interdire aux élus de recouvrer des dommages et intérêts pour de fausses déclarations concernant leur conduite officielle, sauf si elles ont été faites avec une “réelle malveillance”.  L'”intention malveillante réelle” a créé un critère de faute différent de celui de la mauvaise volonté, et a exigé d’un plaignant qu’il prouve par des preuves claires et convaincantes que les déclarations fausses ou inexactes ont été faites en connaissance de leur inexactitude, ou avec un mépris imprudent pour la vérité.

Ghana

Justice Dery c. Tiger Eye
Date de la décision: 4 février 2016
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Protection du pouvoir judiciaire / Outrage à magistrat, Droit à la vie privée, Confidentialité
Résumé:
La Cour suprême du Ghana a statué que l’article 146(8) de la Constitution, qui prévoit que la procédure de destitution des juges se déroule à huis clos, interdit la publication d’informations relatives à cette procédure. Le président de la Cour suprême et une société privée avaient publié les noms et les détails d’une requête en destitution d’un juge de la Cour suprême accusé d’avoir accepté des pots-de-vin et commis des actes de corruption. Le juge en question a sollicité la Cour pour faire valoir que cette publication violait la Constitution et rendait la procédure de destitution nulle et non avenue. La Cour a estimé que la divulgation des noms avant qu’une décision sur la recevabilité de la destitution n’intervienne,  violait l’article 146(8) sans que cela n’invalide l’ensemble de la procédure de destitution. La Cour a souligné la nécessité de trouver un équilibre entre le droit à la vie privée et à la confidentialité du juge et le droit de l’État d’enquêter sur les allégations portées contre les juges. Elle a également souligné que la publication d’informations portant sur une procédure de destitution n’était interdite que pendant la période de mise en accusation et que toute injonction permanente contre la publication de telles informations entraverait l’exercice de la liberté d’expression.

Inde

Manohar c. Union of India
Date de la décision: 27 octobre 2021
Thèmes: Liberté de la presse, Sécurité nationale, Vie privée, Protection et conservation des données
Mots-clés: Sécurité nationale, Droit à la vie privée, Liberté de la presse, Surveillance
Résumé:
La Cour suprême de l’Inde a estimé qu’il existait un motif suffisant pour créer un comité d’experts chargé d’examiner les allégations de surveillance non autorisée et de violation de la vie privée de citoyens indiens par le gouvernement indien et des entités étrangères. De nombreux pétitionnaires, dont des journalistes, des avocats et d’autres militants des droits de l’homme, ont allégué que leurs appareils numériques avaient été compromis par le logiciel espion Pegasus, développé par une entreprise technologique israélienne, sur la base d’une enquête menée par dix-sept organisations médiatiques du monde entier. La Cour a statué que la surveillance non autorisée des données stockées sur les appareils numériques des citoyens par le biais d’un logiciel espion pour des raisons autres que la sécurité nationale serait illégale, répréhensible et susceptible d’avoir de lourdes conséquences non seulement sur le droit à la vie privée, mais aussi sur le droit à la liberté d’expression. Compte tenu du refus du gouvernement de fournir des informations sous la couverture de la “sécurité nationale”, la Cour a estimé que celui-ci n’avait pas fourni suffisamment d’informations pour justifier sa position et a donc ordonné la création d’un comité indépendant pour enquêter sur les allégations des requérants.

Puttaswamy c. Union of India (II)
Date de la décision: 26 septembre 2018
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Vie privée, Données biométriques, Données personnelles
Résumé:
Cinq juges de la Cour suprême de l’Inde statuant ensemble ont confirmé la validité constitutionnelle du Targeted Delivery of Financial and Other Subsidies, Benefits, and Services Act, 2016 (« Aadhaar Act ») tout en annulant certaines dispositions de la loi. Aadhaar, un numéro d’identification à 12 chiffres délivré par la Unique Identification Authority of India (« UIDAI ») aux résidents de l’Inde, permet un processus plus efficace de délivrance de plusieurs régimes de protection sociale aux résidents de l’Inde. Ce système a été contesté principalement pour atteinte aux droits fondamentaux garantis par les articles 14, 19 et 21 de la Constitution indienne. La Cour a estimé que l’utilisation d’Aadhaar aux fins des programmes d’aide sociale était constitutionnelle car la loi Aadhaar a résisté aux tests constitutionnels de l’objectif légitime de l’État, de la nécessité et de la proportionnalité. Elle a également estimé que, puisque l’objectif de la loi était de créer une identification unique permettant aux bénéficiaires méritants d’accéder à des subventions ou à des services (dont les dépenses sont prélevées sur le Fonds consolidé de l’Inde), la loi Aadhaar a été valablement adoptée en tant que loi de finances. La Cour a également confirmé la liaison obligatoire d’Aadhaar avec les cartes PAN, tout en déclarant que la liaison obligatoire d’Aadhaar avec les comptes bancaires était inconstitutionnelle et disproportionnée. Plus important encore, la Cour a estimé que les entreprises privées ne pouvaient pas exiger des citoyens qu’ils fournissent leur numéro Aadhaar pour la prestation de services.

Halvi c. État du Kerala
Date de la décision: 20 août 2015
Thèmes: contrôle de la presse écrite, contrôle des médias électroniques
Résumé:
La Haute Cour du Kerala a refusé de passer toute directive relative à la réglementation et au contrôle de la presse écrite et des médias électroniques, comme le demandait le requérant. Le requérant avait affirmé que les nouvelles fausses et scandaleuses publiées par les médias pour salir l’image du système judiciaire, des fonctionnaires du gouvernement, des forces de police et des dirigeants politiques violaient la liberté d’expression et de parole prévue à l’article 19(1)(a) de la Constitution indienne.  Les juges ont estimé que la jurisprudence indiquait clairement que l’élaboration de directives générales pour la réglementation de la presse n’était pas autorisée et qu’il existait suffisamment de garanties pour le redressement des griefs du requérant en vertu d’autres lois, notamment la loi sur le Conseil de la presse de 1978 et l’article 19(2) de la Constitution.

Shreya Singhal c. Union Indienne
Date de la décision: 24 mars 2015
Thèmes: Règlementation du contenu/ Censure
Mots clés:  Sites web, Sécurité informatique, Media sociaux, Expression en ligne
Résumé:
La Cour suprême de l’Inde a invalidé la section 66A de la loi sur les technologies de l’information de 2000 dans son intégralité.  Les requérants ont fait valoir que la section 66A était inconstitutionnellement vague et que la protection qu’elle visait à assurer contre les désagréments, les inconvénients, les dangers, les obstructions, les insultes, les blessures, l’intimidation criminelle ou la mauvaise volonté dépassait le cadre des restrictions autorisées par l’article 19(2) de la Constitution indienne. La Cour a convenu que l’interdiction de diffuser des informations au moyen d’une ressource informatique ou d’un dispositif de communication destiné à causer des désagréments, des inconvénients ou des insultes ne relevait d’aucune exception raisonnable à l’exercice du droit à la liberté d’expression. Elle a en outre estimé que, du fait que la disposition ne définissait pas des termes tels que « gêne ou désagrément », « une très vaste proportion de discours protégés et innocents » pouvait être réduite et que, par conséquent, son champ d’application était trop large et trop vague.

National Legal Service Authority c. Union Indienne
Date de la décision: 15 avril 2014
Thèmes: Identité sexuelle/ Orientation sexuelle
Résumé:
La Cour suprême de l’Inde a accueilli une requête au nom de la communauté transgenre du pays et a estimé que le droit d’exprimer son identité dans un genre non binaire était un élément essentiel de la liberté d’expression. Elle a demandé au gouvernement d’accorder une reconnaissance légale au troisième sexe, de sorte que les individus puissent s’identifier en tant qu’homme, femme ou du troisième sexe. Il a également ordonné au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éliminer la stigmatisation sociale, promouvoir des programmes de santé spécifiques aux transgenres et leur accorder une protection juridique égale. Pour parvenir à sa décision, la Cour a examiné en détail la jurisprudence progressive d’autres pays, tels que le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, en vue de reconnaître les droits fondamentaux des personnes transsexuelles. Elle a jugé nécessaire que l’Inde respecte les conventions internationales sur les droits de l’homme et les principes non contraignants, car le pays ne dispose pas d’une « législation appropriée protégeant les droits des membres de la communauté transsexuelle ». La Cour a donc interprété la Constitution indienne à la lumière des conventions et des principes des droits de l’homme. Elle s’est référée à l’article 14 qui stipule que « l’État ne peut refuser à ‘toute personne’ l’égalité devant la loi ou une protection juridique égale sur le territoire de l’Inde ». La Cour a estimé que l’article accorde une protection à « toute personne », « les personnes transgenres qui ne sont ni hommes ni femmes sont couvertes par le terme ‘personne’ et, par conséquent, ont droit à la protection juridique des lois dans tous les domaines d’activité de l’État, y compris l’emploi, les soins de santé, l’éducation ainsi que l’égalité des droits civils et de citoyenneté, comme tout autre citoyen de ce pays ».

Jamaïque

Robinson c. Le Procureur général
Date de la décision: 12 avril 2019
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Données biométriques, Droit à la vie privée, Informations personnelles, Données personnelles
Résumé:
Trois juges de la Cour suprême de la Jamaïque ont qualifié la loi nationale sur l’identification et l’enregistrement (« NIRA » ou ” « la Loi »), dans son intégralité, d’inconstitutionnelle au motif qu’elle violait le droit à la vie privée et à l’égalité. La Loi exigeait que les citoyens jamaïcains et les résidents de plus de six mois soient inscrits dans une base de données et fournissent des données biographiques et biométriques. Pour garantir l’application de la Loi, des sanctions pénales étaient prévues pour les personnes qui ne s’inscrivaient pas. La Cour, tout en donnant une interprétation extensive du droit à la vie privée, a estimé que la nature obligatoire de la Loi et les sanctions pénales constituaient une violation de la vie privée et de la liberté individuelle. Les mesures disproportionnées utilisées pour faire appliquer la Loi, l’absence d’objectif nécessaire et légitime ainsi que l’absence de garanties contre l’utilisation abusive des données collectées en vertu de la loi sont les principaux motifs pour lesquels la Cour a déclaré la Loi inconstitutionnelle.

Kenya

Nubian Rights Forum c. Le Procureur général
Date de la décision: 30 janvier 2020
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots-clés: Droit à la vie privée, données biométriques
Résumé:
La Haute Cour du Kenya a estimé que la collecte de données ADN et GPS constituait une atteinte injustifiable au droit à la vie privée et était donc inconstitutionnelle, et que le cadre général de protection des données était insuffisant. Trois organisations non gouvernementales ont saisi la Cour après l’adoption d’amendements à la loi sur l’enregistrement des personnes qui eurent pour conséquence la création d’une base de données centrale d’informations biométriques et la mise en place d’un système de numéros d’identification uniques. La Cour a concédé la nécessité pour l’État de collecter et de détenir certaines informations biométriques, mais a estimé que les risques posés par la collecte de données ADN et GPS n’étaient pas compensés par ses avantages et n’étaient donc pas justifiables. Malgré l’adoption de la loi sur la protection des données pendant la procédure, la Cour a estimé que le cadre réglementaire régissant la collecte des données n’était pas suffisamment élaboré. Elle  a donc déclaré que l’ensemble du système ne pourrait être mis en œuvre qu’après l’adoption d’un cadre réglementaire complet en matière de protection des données.

Audrey Mbugua c. Conseil national des examens du Kenya
Date de la décision: 7 octobre 2015
Thèmes: Discrimination, Genre social, LGBTI, Identité/ orientation sexuelle, Expression sexuelle
Résumé:
La Haute Cour du Kenya à Nairobi a rendu une ordonnance obligeant le Conseil national des examens du Kenya à changer le nom et à supprimer la mention du sexe sur un certificat universitaire, comme l’avait demandé une kenyane transsexuelle. Audrey Mbugua Ithibu a introduit le recours après que le Conseil ait refusé d’apporter les changements dans leurs dossiers en invoquant des contraintes financières et autres. La Cour a estimé que la loi régissant le Conseil n’interdit pas expressément le changement de nom sur les certificats délivrés, ni n’exige que le sexe figure sur les diplômes. La Cour a également fondé sa décision sur les articles 10 et 28 de la Constitution kenyane sur le respect et la promotion de la dignité humaine.

Malawi

Kathumba c. le Président du Malawi
Date de la décision: 3 septembre 2020
Thèmes: droit à la liberté, droit de conscience, droit de religion, droit d’association
Résumé :
La Haute Cour du Malawi a estimé que les règles de confinement mises en œuvre en réponse à la pandémie du Coronavirus avaient un impact si important sur les droits fondamentaux qu’elles constituaient une dérogation à ces droits et étaient donc inconstitutionnelles. Un groupe d’individus et d’organisations de la société civile a saisi la Cour, faisant valoir que les règles adoptées par le ministre de la santé en vertu de la loi sur la santé publique n’avaient pas été correctement mises en œuvre et qu’elles portaient gravement atteinte à un ensemble de droits protégés par la Constitution – notamment les droits à la liberté de conscience, de religion et d’association. Bien que le ministre de la santé ait révoqué le règlement avant l’audience, la Cour a poursuivi, estimant qu’il était probable que des règles similaires puissent être adoptées à l’avenir. La Cour a estimé que les restrictions annulent le « contenu essentiel » des droits et constituent donc des dérogations et non de simples limitations des droits. La Cour a estimé que, comme les dérogations ne sont autorisées que lorsque l’état d’urgence a été déclaré et qu’il ne peut jamais être dérogé aux droits à la liberté de conscience, de religion et d’association, les Règles étaient anticonstitutionnelles.

Mexique

Affaire du Journaliste c. Winckler Ortiz
Date de la décision: 29 mars 2019
Thèmes: Accès à l’information publique
Mots-clés: Fonctionnaires, Droit à l’information, Vie privée
Résumé:
En mars 2019, la Cour suprême de justice du Mexique a estimé que le compte Twitter d’un procureur général était une source d’information publique et que, par conséquent, bloquer son accès à un journaliste était illégal. M. Jorge Winckler Ortiz, qui exerçait la fonction de procureur général de l’État de Veracruz, avait bloqué l’accès à son compte Twitter (@AbogadoWinckler) à un journaliste qui avait déposé un recours en protection constitutionnelle (Amparo) pour obtenir l’accès au compte. Bien que le défendeur ait créé le compte avant sa prise de fonction, il l’utilisait à des fins professionnelles. La Cour a estimé que le défendeur avait volontairement décidé de se placer dans une fonction publique et d’être soumis à l’examen du public, de sorte que sa sphère privée était limitée. En mettant dans la balance la vie privée et l’accès à l’information, la Cour a accordé une protection renforcée à ce dernier et a estimé que le procureur général devait permettre au journaliste d’accéder au compte.

Norvège

Rolfsen et Association des Éditeurs Norvégiens c. Ministère Public de la Norvège
Date de la décision: 20 novembre 2015
Thèmes: Protection de sources, Intérêt public, Journalisme, Terrorisme
Résumé:
La Cour suprême de Norvège a décidé à l’unanimité d’accorder une large protection contre la divulgation des sources journalistiques, même dans le cadre d’une enquête anti-terroriste du gouvernement. Le cinéaste norvégien Ulrik Imtiaz Rolfsen réalisait un documentaire sur l’extrémisme islamiste dans lequel figurait un citoyen norvégien qui était sous la surveillance du Service de sécurité de la police norvégienne (PST) et qui a ensuite été arrêté et inculpé pour avoir tenté de rejoindre l’ISIS en Syrie. La PST a ensuite inspecté et saisi le film de Rolfsen concernant le suspect terroriste. La cour de première instance et la cour d’appel ont confirmé la demande de maintien de la saisie de l’enregistrement au motif que les circonstances spécifiques de l’affaire, notamment l’intérêt public pour la sécurité nationale, ont créé une exception à la protection des sources. La Cour suprême de Norvège a toutefois annulé l’ordre de saisie. Elle a estimé que le contenu de l’enregistrement du film ne constituait pas une exception au titre de l’article 125 de la procédure pénale car il n’avait pas de “signification vitale” pour l’enquête en cours contre le suspect terroriste. En outre, la Cour a évalué l’intérêt de la protection des sources contre l’intérêt du public dans la prévention des crimes graves conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a estimé que le documentaire de M. Rolfsen était “au cœur du journalisme d’investigation” et qu’une protection efficace de ses sources était essentielle à la conception du film. D’autre part, la Cour a estimé que la PST disposait d’autres méthodes d’enquête et qu’il n’était pas clair dans quelle mesure l’enregistrement était nécessaire dans le cadre de l’enquête anti-terroriste.

Ouganda

Human Rights Network Ouganda c. Procureur général
Date de la décision: 25 mars 2020
Thèmes: Liberté d’association et de réunion / Protestation
Mots-clés: Nuisance publique, ordre public
Résumé:
La Cour constitutionnelle ougandaise a déclaré inconstitutionnelle une disposition de la Loi sur le maintien de l’ordre public (POMA) qui autorisait les policiers à empêcher et à disperser les rassemblements publics.  La Loi, promulguée en 2013 après que la Cour constitutionnelle eut invalidé une disposition similaire en 2005, a été contestée par un groupe d’organisations non gouvernementales, un député et un éminent dirigeant de l’église. Tout en reconnaissant que la protection de l’ordre public est nécessaire et que les lois qui régissent l’ordre public sont justifiables dans les démocraties, la Cour a souligné que ce règlement ne peut pas permettre la suppression des rassemblements publics ou exiger une autorisation préalable pour un rassemblement public. La Cour a conclu que, bien que la formulation de l’article 8 de la Loi sur le maintien de l’ordre public différait de celle de la disposition antérieure son “objet, sa teneur, son but et son effet” étaient les mêmes et, par conséquent, il s’agissait d’une interdiction plutôt que d’une réglementation. La Cour a critiqué la tentative du Parlement de circonvenir sa décision antérieure en adoptant cette loi et a estimé que la disposition violait à la fois l’interdiction constitutionnelle pour le Parlement d’adopter des lois qui annulent les décisions judiciaires et la protection constitutionnelle du droit à la liberté de réunion.

Kyagulanyi c. le procureur général
Date de la décision: 23 janvier 2021
Thèmes: Droit à la liberté de la personne
Résumé :
La Haute Cour ougandaise a jugé que l’assignation d’un candidat à la présidence à son domicile de la part des forces de sécurité constituait une détention illégale et a ordonné la levée de l’assignation. Le jour des élections présidentielles en Ouganda, des membres de la police et de l’armée ougandaise ont encerclé le domicile d’un candidat à la présidence et ont affirmé qu’il était nécessaire de le maintenir, lui et les membres de sa famille, à domicile pour neutraliser des menaces pour la sécurité. Ayant été empêchés de le rencontrer, les avocats du candidat ont présenté devant la Haute Cour une demande en habeas corpus alléguant que son droit à la liberté de la personne avait était violé. Neuf jours après les élections, la Cour a estimé que le maintien à domicile du candidat constituait une détention et que n’ayant pas été conduit à un poste de police ou n‘ayant pas comparu devant un juge, sa détention devient illégale et a ainsi ordonné la levée des restrictions à ses déplacements et le rétablissement de sa liberté individuelle.

Columbia Global Freedom of Expression pense que cette affaire peut avoir des motivations politiques et bien qu’elle ne soit pas légalement en rapport avec la liberté d’expression, eVie privée, Surveillancelle constitue une violation de ces droits.

Pakistan

Rana Muhammad Arshad v. Pakistan
Date de la décision: 3 novembre 2020
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence, surveillance
Résumé:
La Haute Cour dʼIslamabad, une cour constitutionnelle du Pakistan, a estimé que lʼenquête ouverte contre le journaliste Rana Muhammed Arshad par lʼAgence fédérale dʼinvestigation au moyen dʼun avis non daté constituait un abus de la procédure établie par la loi, et que le journaliste était en fait « visé en représailles de son travail ». La Cour a estimé quʼune telle action violait le droit fondamental à la liberté de parole et dʼexpression, à la liberté de la presse et le droit dʼun citoyen dʼaccéder aux informations dʼimportance publique consacrés par les articles 19 et 19A de la Constitution de la République islamique du Pakistan de 1973. La Cour a en outre estimé que lorsquʼune agence dʼinvestigation abuse de ses pouvoirs coercitifs, cela affecte profondément la liberté de la presse et lʼindépendance dʼun journaliste, et donne lieu à la perception de représailles pour ses fonctions professionnelles. Par ces observations, la Cour a ordonné à lʼAgence fédérale dʼinvestigation dʼélaborer des directives spéciales concernant les procédures contre les personnes exerçant la profession de journaliste.

Shahid Akbar Abbasi v. Commissaire en chef
Date de la décision: 20 juillet 2020
Thèmes: Violence à l’encontre des orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence
Résumé:
La Haute Cour dʼIslamabad, dans le cadre dʼune requête en habeas corpus déposée autour de lʼenlèvement du journaliste Matiullah Jan, a ordonné au gouvernement fédéral de mener lʼenquête sur lʼenlèvement de Matiullah Jan, avec transparence et diligence afin dʼappréhender ceux qui « ont tenté de terroriser de manière ciblée les journalistes » [§ 6]. La Haute Cour a déclaré que les auteurs de son enlèvement devaient être traités « de manière à ce quʼaucun journaliste dans le pays ne craigne être blessé pour avoir voulu exposer la vérité » [§ 6]. Matiullah Jan, un critique virulent du gouvernement, de lʼarmée et de lʼestablishment pakistanais, a été enlevé la veille du jour où il devait comparaître devant la Cour suprême dans une affaire dʼoutrage à magistrat concernant un tweet quʼil avait publié sur les réseaux sociaux. Il a été enlevé en pleine journée par des hommes, certains en uniforme, dʼautres en civil, et son enlèvement a été filmé par une caméra de vidéosurveillance. Il a été torturé et menacé pendant environ neuf heures. Après son enlèvement, le frère de Matiullah Jan, Shahid Akbar Abbasi, a déposé une requête en habeas corpus devant la Haute Cour dʼIslamabad, demandant sa libération immédiate. Matiullah Jan a été libéré environ 12 heures après son enlèvement et avant que le jugement ne soit rendu par la Haute Cour dʼIslamabad. Après la libération de Matiullah Jan, lʼaffaire a été portée devant la Haute Cour le 22 juillet 2020. Notant lʼimportance de la profession de journaliste de Matiullah Jan et le rôle de la presse en tant que contre-pouvoir, la Haute Cour a estimé que lʼÉtat devait « démontrer quʼil existe une volonté politique de mettre fin à lʼimpunité pour les crimes commis contre les citoyens et de protéger les journalistes contre les atteintes à lʼexercice de leur droit à la liberté dʼexpression » [§ 5].

Pays-Bas

L’affaire de l’incendie criminel de la rédaction du De Telegraaf
Date de la décision: 28 septembre 2020
Thèmes: Violence à lʼégard des orateurs
Mots-clés: Emprisonnement
Résumé:
La section du droit pénal du tribunal de district dʼAmsterdam (un tribunal de première instance) a condamné deux hommes à une peine de prison de 10 ans et 4 ans et demi respectivement le 28 septembre 2020. Ces hommes ont été condamnés pour avoir mis le feu à la rédaction du journal néerlandais De Telegraaf et pour avoir appartenu à une organisation criminelle axée sur la criminalité automobile. De Telegraaf sʼest vu attribuer plus de 200 000 euros de dommages matériels. La Cour a souligné lʼimportance vitale de la liberté de la presse dans une société démocratique et a estimé que par leurs actions, les deux défendeurs avaient attaqué la liberté de la presse.

L’affaire du harcèlement en ligne de la chroniqueuse néerlandaise de NRC, C. Gargard
Date de la décision: 17 novembre 2018
Thèmes: Violence à l’encontre des
orateurs / Impunité
Mots-clés: Violence ; Genre ; Harcèlement sexuel
Résumé:
La section du droit pénal du tribunal de district dʼAmsterdam (tribunal de première instance) a condamné 24 défendeurs pour le harcèlement en ligne de la chroniqueuse C. Gargard du journal néerlandais NRC. Le 17 novembre 2018, C. Gargard a reçu 7 600 messages après avoir posté un livestream de manifestations contre le « Zwarte Piet » (Pierre le Noir) à Amstelveen. Pierre le Noir est un personnage controversé des festivités de Noël néerlandaises qui aide « Sinterklaas » (un amalgame néerlandais de Saint Nicolas et du Père Noël) à distribuer des cadeaux, mais dont lʼapparition est vécue comme un vestige de lʼesclavage. Après avoir enquêté sur environ 200 de ces messages, le procureur général a engagé des poursuites contre 25 suspects. La Cour a jugé que 24 défendeurs étaient coupables dʼincitation à lʼagression, au meurtre et à lʼhomicide involontaire, à la discrimination et/ou à la diffamation. La Cour a noté que la discrimination raciale est inacceptable et que les personnes de toutes origines sociales et culturelles doivent pouvoir jouir de leurs droits civils et se sentir en sécurité et acceptées aux Pays-Bas.

Pérou

Acuña c. Minera Yanacocha SRL
Date de la décision: 30 juillet 2020
Thèmes: Vie privée, protection et conservation des données
Mots clés: Vie privée, Surveillance
Résumé:
La majorité de la Cour constitutionnelle du Pérou a estimé que l’utilisation continue de technologies de surveillance entraîne une violation du droit à la vie privée. La requête a été introduite par une militante écologiste locale contre une société minière pour l’utilisation de caméras de surveillance et de drones qui ont enregistré et pris des photos de son domicile. La Cour a souligné que l’utilisation de ces dispositifs n’était pas inconstitutionnelle en soi, mais seulement lorsqu’ils étaient employés de manière déraisonnable ou disproportionnée. La Cour a estimé que l’utilisation permanente de la caméra vidéo et la possibilité de survol constant de la résidence de la plaignante constituaient une contrainte pour ses libertés et sa vie privée.

Royaume Uni

Le Directeur des poursuites pénales c. Ziegler
Date de la décision: 25 juin 2020
Thèmes: Liberté d’association et de réunion / Protestations
Mots-clés: Intérêt public
Résumé:
La Cour suprême du Royaume-Uni a confirmé la décision de la Cour de district selon laquelle l’arrestation et la poursuite d’un groupe de manifestants portaient atteinte à leurs droits à la liberté d’expression et de réunion en vertu des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’affaire concernait un groupe de manifestants appréhendés pour s’être allongés au milieu de la route d’un côté de l’autoroute, bloquant la circulation vers le lieu où se tenait un salon des armes. Le juge de district a conclu que les manifestants n’étaient pas coupables d’une infraction criminelle puisque leurs droits à la liberté d’expression et de réunion leur procuraient une excuse légitime pour protester. Toutefois, l’accusation a interjeté appel sur un point de droit et la Cour divisionnaire a annulé les acquittements. La Cour suprême a conclu que l’accusation n’avait pas réussi à prouver que l’utilisation de l’autoroute par les prévenus était déraisonnable et a, par conséquent, annulé la décision de la Cour divisionnaire et les condamnations ont été révoquées.

Zimbabwe

Madanhire c. Procureur Général
Date de la décision: 12 juin 2014
Thèmes: Diffamation/ Réputation, Diffamation criminelle, Emprisonnement, Calomnie
Résumé:
La Cour constitutionnelle du Zimbabwe a déclaré que le délit de diffamation criminelle était inconstitutionnel et incompatible avec la protection de la liberté d’expression prévue par l’ancienne constitution du pays. En novembre 2011, un journaliste et un rédacteur en chef ont été accusés de diffamation criminelle après la publication d’un article critiquant une société d’aide médicale. La Cour a estimé que la criminalisation des déclarations diffamatoires manquait de proportionnalité et n’était pas un moyen nécessaire pour protéger la réputation, les droits et les libertés des individus. La Cour a en outre estimé que l’imposition de sanctions pénales contre la publication de déclarations inexactes ou erronées a intrinsèquement pour effet de réduire au silence la libre circulation des informations sur les affaires publiques. Toutefois, la question de savoir si la criminalisation de la diffamation serait autorisée en vertu de la nouvelle Constitution reste ouverte.

Le 6 février 2016, la Cour constitutionnelle a affirmé dans l’affaire MISA-Zimbabwe c. Ministre de la justice que les sanctions pénales pour diffamation constituaient une ingérence disproportionnée et inutile dans la liberté d’expression.