Shumba c. Zimbabwé

Affaire résolue Expression contractuelle

Key Details

  • Mode D'expression
    Expression non verbale
  • Date de la Décision
    octobre 20, 2021
  • Résultat
    Loi ou action maintenue
  • Numéro de Cas
    Communication 430/12
  • Région et Pays
    Zimbabwe, Afrique
  • Organe Judiciaire
    Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP)
  • Type de Loi
    Droit international/régional des droits de l'homme
  • thèmes
    Expression politique
  • Mots-Cles
    Élections

Ce cas est disponible dans d'autres langues:    Voir en : English

Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission) a estimé qu’une loi zimbabwéenne limitant le droit de vote aux citoyens résidant dans le pays ne violait pas la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte). Un groupe de Zimbabwéens résidant en Afrique du Sud ont saisi la Commission, arguant que leurs droits à la liberté d’expression et à la participation au gouvernement étaient enfreints par ladite loi. La Commission a accepté l’argument du gouvernement zimbabwéen selon lequel les non-résidents ne sont pas principalement affectés par le résultat des élections et a estimé que, comme les non-résidents pouvaient revenir et voter au Zimbabwé, la limitation de leurs droits était justifiée.


Les Faits

Le 27 décembre 2012, l’organisation Zimbabwe Lawyers for Human Rights (Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’homme) a déposé une plainte auprès de la Commission au nom de cinq Zimbabwéens vivant en Afrique du Sud, Gabriel Shumba, Kumbirai Tasuwa Muchemwa, Gilbert Chamunorwa, Diana Zimbudzana et Solomon Sairos Chikohwero.  Les demandeurs se sont vu refuser la possibilité de voter lors du référendum constitutionnel du Zimbabwé en mars 2013 parce qu’ils étaient hors du pays et n’étaient pas en mesure de se rendre au Zimbabwé pour voter.

L’article 58 de la Constitution du Zimbabwé régit les élections et son annexe trois permet que des « conditions de résidence » puissent être imposées par la loi. L’article 23 de la loi électorale prévoit de telles « conditions de résidence » et le paragraphe 1 prévoit que « sous réserve de la Constitution et de la présente loi, pour satisfaire aux conditions de résidence requises pour être inscrits comme électeur dans une circonscription particulière, le demandeur doit résider dans cette circonscription à la date de sa demande » et le paragraphe 3 ajoute qu’ « un électeur inscrit sur la liste des électeurs d’une circonscription, autre qu’un électeur inscrit dans cette circonscription en vertu de la disposition du paragraphe 1, n’a pas le droit d’être maintenu sur cette liste si, pendant une période continue de douze mois, il a cessé de résider dans cette circonscription ». L’article 72 de cette loi autorise le vote par correspondance pour les citoyens « affectés au service du gouvernement à l’extérieur du Zimbabwé » et leurs conjoints.

Shumba s’est adressé à la Commission, afin d’obtenir une déclaration selon laquelle le Zimbabwé avait violé la Charte et pour obtenir une ordonnance de modification de la Constitution et de lois zimbabwéennes pour permettre aux Zimbabwéens vivant à l’étranger de voter. Shumba faisait valoir que les lois limitant le droit de vote en fonction de la résidence au Zimbabwé violaient les articles 2, 3, 9 et 13 de la Charte.

L’article 2 de la Charte prévoit que « chaque personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis par la présente Charte sans distinction d’aucune sorte, telle que la race, le groupe ethnique, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale et sociale, la fortune, la naissance ou tout autre statut » et l’article 3 ajoute que « les personnes sont égales devant la loi » et que « chaque personne a droit à la protection de la loi de manière égale ».

L’article 9 protège quant à lui le droit à la liberté d’expression en édictant que : « (1) toute personne a le droit de recevoir des informations. (2) Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le respect de la loi ».

L’article 13 protège enfin le droit de chacun de participer librement au gouvernement. L’article prévoit ce qui suit : « (1) Tout citoyen a le droit de participer librement au gouvernement de son pays, soit directement, soit par le biais de représentants librement choisis, conformément aux dispositions de la loi. (2) Tout citoyen a droit à l’égalité d’accès à la fonction publique de son pays. (3) Toute personne a le droit d’accéder aux biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi ».


Aperçu des Décisions

La Commission s’est principalement penchée sur la question de savoir si l’exigence relative au lieu de résidence pour voter et la possibilité de voter à l’étranger pour une catégorie de citoyens seulement étaient permises en vertu de la Charte.

Shumba faisait valoir que l’exigence de résidence dans la Constitution et dans la loi était une forme de discrimination et que le fait de permettre uniquement aux fonctionnaires basés à l’étranger de voter violait le principe d’égalité devant la loi. Il a fait valoir que le fait de refuser aux Zimbabwéens vivant à l’étranger la possibilité de voter violait leur droit à la liberté d’expression puisque le droit de « participer au gouvernement de leur pays d’origine est une extension de leur droit d’exprimer et de diffuser librement leurs opinions politiques dans les limites de la loi » [para. 51]. Shumba ajoutait que les droits de participer au gouvernement de son pays sont mis en œuvre par des lois qui garantissent le droit de vote, et qu’en limitant le droit de vote, l’État violait l’article 13 de la Charte. Il soutenait que « le droit de vote est un droit inhérent à tous les citoyens et que son exercice est un élément crucial de la démocratie, de sorte que son déni même mettrait en péril une démocratie » [para. 52].

Le Zimbabwé faisait valoir que l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’inclut pas la résidence dans les motifs de discrimination interdits et que ses lois à l’égard des citoyens vivant à l’étranger ne constituaient pas une discrimination illégale. Il ajoutait que cet article permet des restrictions raisonnables aux droits, et que l’article 13 de la Charte devrait donc être interprété de la même manière. Le Zimbabwé faisait également valoir que la restriction imposée aux citoyens vivant à l’étranger pourrait être justifiée par le coût de l’organisation du vote pour ces citoyens et que les citoyens qui ne vivent pas au Zimbabwé ne sont pas conscients des réalités politiques et ne sont pas affectés par les décisions politiques au Zimbabwé. La restriction était donc fondée sur un motif légitime. L’État soutenait  que, comme les citoyens pouvaient retourner au Zimbabwé pour voter, on ne leur refusait pas le droit de vote en soi et que le droit de vote à l’étranger n’était pas un élément traditionnel de la démocratie.

La Commission a souligné l’importance du droit de participer au gouvernement et a déclaré que ce droit «  fait partie intégrante et inextricable de la démocratie, de sorte qu’un État ne peut être considéré comme une démocratie s’il ne garantit pas le droit de ses citoyens de participer au gouvernement par le biais d’élections libres et équitables » [para. 69]. La Commission a noté que ce droit est inclus dans la Charte et dans le Protocole de la Charte, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, la Déclaration de l’Union africaine sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique et l’Acte constitutif de l’Union Africaine. Elle a également expliqué que, bien que le droit de participer au gouvernement puisse être restreint par des lois légitimes promulguées par les États, la Commission avait le pouvoir de veiller à ce que ces restrictions soient conformes à la Charte.

La Commission a référé à son arrêt dans l’affaire Purohit et Moore c. La Gambie et  à l’affaire Sitaropoulos et Giakoumopoulos c. La Grèce portée devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), ayant conclu que le droit de vote ne pouvait être légitimement restreint que lorsqu’une telle restriction est « objective et raisonnable » et ne vide pas le droit de sa « substance » [para. 73-74].

En examinant si les restrictions étaient prévues par la loi, la Commission s’est référée à la Cour africaine des droits de l’homme dans l’affaire Konate c. Le Burkina Faso et à la CEDH dans l’affaire Sunday Times c. Le Royaume-Uni en concluant que les lois étant claires et n’ayant été contestées pour aucun motif procédural, les restrictions remplissaient ce critère.

La Commission a souligné que seules les restrictions visant la protection des « droits d’autrui, de la sécurité collective, de la moralité et de l’intérêt commun » serviraient un intérêt légitime, mais a souligné que l’interprétation de ce qui relève de ces catégories doit être faite au cas par cas. La Commission a rejeté l’argument du Zimbabwé selon lequel le coût pour permettre aux citoyens vivant à l’étranger de voter justifiait sa restriction au motif que l’État n’avait fourni aucune preuve du coût de cet éventuel processus.

En ce qui concerne l’argument du Zimbabwé selon lequel le fait d’empêcher les citoyens basés à l’étranger de voter parce qu’ils sont « moins informés sur les enjeux nationaux et qu’ils ne sont pas affectés par le résultat des élections », la Commission a fait remarquer que l’éligibilité des électeurs était souvent basée sur la relation entre l’électeur et le pays et que la citoyenneté et la résidence sont utilisées pour déterminer cette relation. La Commission a admis que, par le passé, le fait de vivre à l’extérieur du pays pouvait entraîner un manque d’information sur les problèmes auxquels leur pays de citoyenneté était confronté, mais a déclaré que ce n’était plus nécessairement le cas dans « l’environnement mondialisé actuel » [para. 89]. Par conséquent, la Commission a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une justification légitime pour limiter le droit de vote.

La Commission a reconnu que, bien que les citoyens vivant à l’étranger soient affectés dans une certaine mesure par le résultat des élections, l’État avait raison d’affirmer que « les élections ont une incidence directe et principale sur les électeurs vivant sur le territoire de cet État » [par. 91]. La Commission s’est référée à l’affaire Shindler c. Le Royaume Uni dans laquelle la CEDH avait conclu que « des critères objectifs comme la résidence, au lieu d’un critère qui mesure les liens qu’entretient la personne avec son pays d’origine, servent à « promouvoir la sécurité juridique et à éviter les problèmes d’arbitraire et d’incohérence inhérents à la pondération des intérêts au cas par cas » [par. 92]. Par conséquent, la Commission a estimé que la restriction du droit de vote aux personnes qui sont principalement affectées par le résultat des élections est un objectif légitime.

La Commission a évalué si la restriction était nécessaire et proportionnée et a noté que le résultat dépendait de la question de savoir si la restriction niait le droit dans son intégralité – comme l’a soutenu Shumba – ou obligeait simplement les citoyens à retourner au Zimbabwé pour voter. La Commission a souligné que Shumba n’avait pas contesté le fait qu’ils auraient pu voter en revenant au Zimbabwé, mais avait soutenu qu’il était discriminatoire que les fonctionnaires affectés à l’étranger n’aient pas à faire de même. La Commission s’est penchée sur la question de savoir si l’obligation pour les non-résidents de revenir au Zimbabwé pour voter était une manière proportionnelle d’atteindre l’objectif légitime de la restriction. La Commission s’est référée à une affaire similaire portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, Schindler c. Le Royaume-Uni, et a jugé que l’obligation de revenir au Zimbabwé pour voter ne posait pas de difficultés suffisantes « pour que le droit lui-même devienne illusoire » [para. 100]. La Commission a admis que les coûts financiers pourraient empêcher certaines personnes de voter, mais a souligné la nécessité que  lois prévoient d’abord et avant tout des règles à portée générale. Elle a conclu que l’obligation pour les citoyens de se rendre au Zimbabwé pour voter « établit un équilibre acceptable, et constitue donc une limitation proportionnelle » [para. 101]. La Commission a ensuite évalué la limite par rapport à ce qui est « acceptable dans une société ouverte et démocratique » et s’est référée à l’affaire Handyside c. Le Royaume-Uni  devant la CEDH et à l’affaire Good c. Le Botswana  portée devant la Commission et a rappelé qu’il n’existait pas de norme internationale pour l’éligibilité des citoyens non résidents au vote. Ayant conclu que l’approche zimbabwéenne n’était pas « si décalée au point de devenir inacceptable » et que l’article 13 de la Charte ne couvrait pas « la garantie aux non-résidents le droit de vote à l’étranger », la Commission a estimé que le Zimbabwé n’avait pas violé l’article 13 [para. 105].

La Commission a reconnu que « l’acte de voter peut également être considéré comme une expression formelle de l’opinion politique des citoyens » et s’est référée à la Déclaration de l’Union africaine sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique qui avait reconnu l’importance de « la volonté du peuple exprimée par le biais d’élections libres et équitables comme fondement de l’autorité du gouvernement » [para. 107]. Elle a également fait référence à la Convention européenne et à l’Observation générale sur l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui avaient également établi un lien entre les droits. Cependant, la Commission a admis que le droit à la liberté d’expression pouvait être limité et a estimé que, les critères étant les mêmes que pour les limitations du droit de participer au gouvernement, son raisonnement à cet égard s’appliquait à la limitation du droit à la liberté d’expression.

La Commission a également estimé que les lois n’étaient pas discriminatoires et qu’il n’y avait donc pas violation des articles 2 et 3 de la Charte.

En conséquence, la Commission a estimé que la Constitution zimbabwéenne et la loi électorale ne violaient aucune disposition de la Charte.


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Expression contractuelle

Bien que la Commission africaine ait reconnu que le droit de vote constitue une extension du droit à la liberté d’expression, elle a soutenu qu’il n’y a pas de droit automatique pour les citoyens non résidents de voter dans tout type d’élection et que les obstacles financiers pour les électeurs qui reviennent au pays pour voter ne sont pas une raison suffisante pour considérer que le droit a été violé.

 

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Lois internationale et/ou régionale connexe

Normes, droit ou jurisprudence nationales

  • Zim., Constitution of Zimbabwe (2013), sec. 58.
  • Zim., Electoral Act, 2005, sec. 23
  • Zim., Shumba v. Minister of Justice, Legal and Parliamentary Affairs, Case No. CCZ 3/18 (2018)

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

Documents Officiels du Cas

Pièces Jointes:

Vous avez des commentaires?

Faites-nous savoir si vous remarquez des erreurs ou si l'analyse de cas doit être révisée.

Envoyer un Retour D'information