Licences / réglementation des médias
Granier (Radio Caracas Television) c. Venezuela
Venezuela
Affaire résolue Élargit l'expression
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La Cour pour le circuit du district de Columbia a entériné les nouvelles règles de neutralité du Net émises par la FCC (Commission fédérale des communications). La FCC a classé les services à haut débit en tant que services de télécommunication et donc en tant que transporteur public au sens de la législation fédérale. Les fournisseurs des services internet sont classés comme canaux de discours et non en tant qu’orateurs auxquels est accordée la protection du premier amendement. L’affaire a pour origine la récusation de la Règle de l’Internet Ouvert adoptée par le FCC qui a cherché à imposer aux fournisseurs d’accès à haut débit les règles de neutralité du Net et d’obéir au principe d’égalité du traitement du trafic internet quelle qu’en soit la source.
Cette affaire concerne des règles adoptées par la FCC pour maintenir la neutralité du Net. Internet est un réseau mondial de communication qui permet aux utilisateurs et aux fournisseurs de transmettre et de recevoir des informations sous différentes formes. Le réseau compte 4 participants principaux “les utilisateurs finaux, les fournisseurs de haut débit, les réseaux fédérateurs et les fournisseurs de contenus” (at 9.):
Les utilisateurs finaux, les fournisseurs de contenu et les défenseurs d’un internet libre ont des soucis quant à l’absence de règles qui l’interdisent, les fournisseurs d’accès à haut débit viendraient à entraver l’accès libre des utilisateurs finaux à internet en vue d’augmenter leurs revenus et notamment lors de l’utilisation des services de certains fournisseurs de contenus spécifiques tels que Netflix.
Le titre II de la loi de 1934 sur les communications (Titre II) accorde à la FCC l’autorité de réguler les entreprises de télécommunication et les services publics tels que le service téléphonique. Le titre II stipule que les entreprises de télécommunication doivent fournir “les services de communication sur demande raisonnable,” et sans “discrimination indue ou déraisonnable dans les frais, les classifications, les règlements, les installations ou les prestations,” tout en exigeant “ des tarifs justes et raisonnables.” (Loi des Etats-Unis de 1934 sur les communications, §§ 201(a), 202(a), 201(b)) Au tout début d’internet, la loi de 1996 sur les télécommunications a assimilé “les services de télécommunications » aux transporteurs publics au sens du titre II en distinguant de tels services des « services d’information.” (Loi américaine sur les télécommunications, 1996) Un “service de télécommunication” était défini comme étant “ la prestation de télécommunication rendue directement au public moyennant des frais ou à des classes d’utilisateurs de façon à être réellement disponible au public indépendamment des installations utilisées.” (Etats-Unis d’Amérique, Code des Etats-Unis 47, article 153(51)) Un “service d’information” était défini comme étant “la prestation d’une capacité de générer, acquérir, stocker, transformer, traiter, récupérer, utiliser ou rendre disponible l’information via la télécommunication.” (Etats-Unis d’Amérique, Code des Etats-Unis 47, article 153 (24))
En 1998, lorsque le service haut débit d’internet a commencé à prendre de l’ampleur, la FCC a classé certains services DSL (ligne d’accès numérique) en tant que services de télécommunication les soumettant ainsi au traitement réservé aux transporteurs publics (Ordonnance sur les services de pointe). En 2002, la FCC a classé le service par modem câble (un type de service à haut débit) comme service d’information uniquement, exempté du traitement réservé aux transporteurs publics, décision confirmée par la Cour suprême dans l’affaire Brand X en 2005. Après Brand X, la FCC a classé d’autres services de haut débit tels que le service DSL et le haut débit mobile en tant que services d’information, dégageant tous les fournisseurs de haut débit des obligations imposées aux entreprises publiques (Ordonnance Wireline Broadband ). En même temps, la FCC a classé le service haut débit sans fil en tant que “service mobile privé” exempt de la réglementation réservée aux transporteurs publics par opposition au “service mobile commercial ” qui est lui assujetti au traitement prévu pour les transporteurs publics.
Toutefois, la FCC a fait clairement savoir qu’elle cherche à maintenir la neutralité du Net et qu’elle reverrait ses règlements si les fournisseurs de haut débit violaient les principes de l’internet libre. Comcast a semble-t-il perturbé en 2007 l’accès des utilisateurs à internet donnant à la FCC des raisons pour intervenir en vue de préserver la neutralité du Net. La FCC a intimé à Comcast de divulguer ses pratiques mais la Cour a annulé cet ordre en 2010 pour manque d’autorité (Comcast Corp. c. FCC). Au bout de la période prévue pour les commentaires publics, la FCC a publié son Ordonnance de 2010 sur l’internet libre qui promeut des règles pour encadrer la neutralité du Net mais n’a pas reclassé le haut débit en tant que service de télécommunication. Pour le cas de Verizon, la Cour a jugé que la FCC jouissait de l’autorité nécessaire pour émettre des règles pour l’internet libre en vertu de l’article 706 de la loi sur les télécommunications. La Cour a, néanmoins, invalidé les règles contenues dans l’ordonnance de 2010 parce qu’elles considéraient les fournisseurs de haut débit comme des transporteurs publics. La FCC ne pouvait pas instituer de manière légale des règles pour un internet libre tant que les fournisseurs du haut débit sont toujours classés comme services d’information, exempts des obligations imposées aux transporteurs publics, qui transmettent des informations sans aucune discrimination (par exemple, des règles qui imposent la neutralité du Net). Toutefois, Verizon a maintenu une règle de transparence de l’ordonnance de 2010 sur l’internet libre.
Des mois après la décision Verizon rendue par la Cour en 2014, la FCC a émis un avis d’ébauche de règle (Notice of Proposed Rulemaking (“NPRM”)) en vue de trouver la “meilleure approche pour la protection et la promotion d’un internet ouvert.” La FCC a reçu des millions de commentaire en réponse à l’avis publié et a publié par la suite l’Ordonnance de 2015 sur l’internet libre, qui :
1. Reclasse tous les services de haut débit (tels que le DSL, le câble et le mobile) en tant que services de télécommunication ;
2. S’abstient d’appliquer certains dispositions propres aux transporteurs publics au haut débit en “cohérence avec l’intérêt public ”; et
3. Institue cinq règles pour l’internet libre.
Les cinq “règles pour un internet libre” étaient la règle de non blocage, la règle de non ralentissement, l’interdiction de la priorisation moyennant paiement, une “Règle Générale de Conduite” pour promouvoir globalement la neutralité du Net en utilisant une liste non exhaustive des facteurs et une règle de transparence “renforcée” qui améliore la règle de transparence prévue dans l’ordonnance de 2010 sur l’internet libre.
Plusieurs parties ont contesté l’ordonnance de la FCC (collectivement les “requérants”) dont l’Association U.S. Telecom devant la Cour d’appel pour le circuit du district de Columbia pour réviser l’ordonnance de 2015 sur l’internet libre. Les requérants ont soutenu que le reclassement du service de haut débit en tant que service de télécommunication soumis aux règles imposées aux transporteurs publics était inapproprié et injustifié; que la FCC ne jouissait pas de l’autorité nécessaire pour reclasser le haut débit et émettre des règles; que l’avis d’ébauche de règle n’a pas fourni un avis de reclassement adéquat ni la teneur des règles, que le haut débit mobile ne pouvait être considéré comme service mobile commercial soumis aux règles des transporteurs publics ; que la FCC ne pouvait ignorer certaines dispositions du titre II lors de la régulation des fournisseurs de haut débit et que certaines des règles constituaient une violation des droits des fournisseurs de haut débit à la liberté d’expression au titre du premier amendement. Des groupes de réflexion, des investisseurs, des entrepreneurs, des fournisseurs de contenu, des utilisateurs, des activistes, des associations de défense des libertés numériques ont participé de part et d’autre au conflit.
Les juges Tatel et Srinivasan ont exprimé l’avis pris à la majorité des membres de la Cour. Les principales questions auxquelles il fallait répondre étaient : 1. Si la FCC a correctement classé le service haut débit en tant que “service de télécommunication,” ce qui le soumettrait aux règles imposées aux transporteurs publics nécessaires pour instituer les normes de la neutralité du Net ; et 2. Si les règles de l’internet libre étaient convenables ou si elles ont violé les droits des fournisseurs de haut débit à la liberté d’expression aux termes du premier amendement.
Les plaintes ont été appuyées par plusieurs arguments administratifs, procéduraux et logiques lesquels ont tous été rejetés par la Cour. Plusieurs de ces décisions ont été guidées par les deux principes fondamentaux de la Cour en sa qualité de cour de révision : 1. Que son “rôle de révision des règlements de l’agence…était un rôle limité »; (at 22, citant U.S., Ass’n of Am. Railroads c. Interstate Commerce Comm’n, 978 F.2d 737 (D.C. Cir. 1992)) et 2. Que la Cour ne juge pas si la politique est saine mais se limite à régler des questions juridiques.
La première question portrait donc sur la classification par la FCC du service de haut débit en tant que service de télécommunication. La FCC a insisté, à juste titre, sur la perception du consommateur de ce que le fournisseur haut débit “offre”, c’est à dire le produit vendu aux consommateurs. La Cour a estimé que les services de haut débit fournissent une transmission pure de message via un traitement informatique dans le sens où ils relient les utilisateurs avec le contenu des tiers. La matière proposée par les fournisseurs de contenu tels que Netflix, YouTube, et MLB.tv a “transformé presque tous les aspects de notre vie allant des actions profondes telles que le choix d’un dirigeant, le développement de carrière ou tomber amoureux jusqu’aux activités de notre quotidien telles que prendre un taxi et regarder un film.” (p. 26) Ainsi, le fournisseur du service haut débit fait “une offre autonome de télécommunication,” et répond à la définition du “service de télécommunication ” telle qu’adoptée par la FCC et est classé, à juste titre, en tant que tel. Le fait que les fournisseurs de haut débit se basent sur les services d’information tels que le DNS et les fonctions de cache ne constituait pas une preuve suffisante pour contester les observations de la FCC étant donné qu’il ne s’agissait que “d’exceptions à la gestion du système de télécommunication “.
Les arguments d’ordre procédural présentés par les requérants concernant la suffisance de l’avis (avis d’ébauche de règle) n’ont pas non plus été retenus et aussi leur argument selon lequel la FCC ne jouissait pas de l’autorité nécessaire pour reclasser le haut débit. En plus, la Cour a statué que le reclassement de la part de la FCC du service haut débit mobile en tant que “service mobile commercial ” était raisonnable étant donné l’ubiquité grandissante du service mobile commercial depuis sa classification initiale en 2007 et étant donné sa polyvalence de communication avec tous les utilisateurs d’internet et du téléphone. Cette démarche a aussi permis d’éviter un résultat contradictoire qui aurait considéré le haut débit mobile comme un transporteur public aux termes d’une définition mais exempt des obligations imposées aux transporteurs publics selon une autre définition. En outre, la décision de la FCC de ne pas appliquer certaines dispositions du titre II aux fournisseurs du haut débit était raisonnable à cause du jugement fait par la FCC quant aux implications sur le marché et à la possibilité de compromettre la clause de non privation des biens du cinquième amendement.
Concernant les règles elles-mêmes de l’internet libre, la Cour a jugé que l’interdiction de la priorisation moyennant paiement entre dans les prérogatives de la FCC aux termes du titre II de la loi de 1996 sur les télécommunications. Les motifs de la FCC pour les règles de l’internet libre étaient suffisants puisque la Cour avait déjà statué dans le cas de Verizon que ces règles “vont préserver et faciliter le « cercle vertueux » de l’innovation qui a provoqué la croissance exponentielle d’internet.” (at 95) La Règle Générale de Conduite n’était pas imprécise au point de devenir inconstitutionnelle au sens de la clause sur la procédure légale régulière puisqu’elle a été “conçue pour être flexible de façon à faire face aux pratiques imprévues et éviter le contournement des règles claires” telles que les règles de non blocage, et de non ralentissement. (at 98)
La deuxième question devait définir si les règles de l’internet ouvert constituaient une violation des droits des fournisseurs de haut débit à la liberté d’expression en vertu du premier amendement. Les parties devaient d’abord démontrer leur capacité à contester les règles de l’internet ouvert, question particulièrement importante pour le premier amendement. Le seul volet de capacité en litige consistait à définir s’il y avait “un préjudice de fait ” qui pouvait être “clairement en rapport ” avec les agissements de la FCC qui aurait pu être “réparé par une décision favorable.” Selon les règles du premier amendement, la révision qui précède l’application est souvent admise tant que la partie qui conteste a exprimé son intention de violer la loi, puisque “la disposition des tribunaux à permettre une révision avant la mise en application est à son paroxysme lorsque les requêtes sont enracinées dans les droits qui découlent du premier amendement” (citation de l’affaire N.Y. Republican State Comm. c. SEC). Etant donné que les requérants ont exprimé leur intention de violer les règlements de la FCC, les parties deviennent donc en position de contester les règles de l’internet ouvert aux termes du premier amendement.
Quant au fond des revendications présentées en invoquant le premier amendement, le point le plus important était la qualité attribuée aux transporteurs publics en vertu de la loi américaine. Les entreprises de télécommunication ont “longtemps été soumises aux obligations d’assurer un accès égal et non discriminatoire semblables à celles imposées par les présentes règles sans invoquer une quelconque question touchant au premier amendement. Ces obligations affectent la transmission neutre par une entreprise de télécommunication du discours des autres et non de son propre message.” (at 108-09) Ceci a été prouvé dans le cas du service postal, les chemins de fer et les compagnies de téléphone sans avoir violé les droits de ces transporteurs en vertu du premier amendement. Pour l’accès à internet en soi (par opposition à un contenu initial ou une expérience internet épurée), la FCC a constaté de façon pertinente que les fournisseurs de haut débit ne sont que “de simples canaux pour les messages et autres et non des agents qui exercent une discrétion éditoriale,” et ne bénéficient donc pas de la protection accordée par le premier amendement. (at 111, citant l’Ordonnance de 2015 sur l’internet libre) Les fournisseurs de haut débit n’exercent traditionnellement aucun contrôle éditorial comme les éditeurs et un fournisseur de haut débit “ne se prononce pas” et les utilisateurs ne s’attendent pas à ce qu’il se prononce. Les fournisseurs de haut débit se limitent à offrir un accès au contenu d’internet en tant que service public, ne bénéficient pas de la protection en vertu du premier amendement et sont ainsi soumis, à juste titre, aux règles de l’internet ouvert qui stipulent qu’ils doivent rester des fournisseurs neutres sans distinction aucune.
Pour ces raisons, la Cour a rejeté les demandes de révision et a maintenu l’Ordonnance 2015 de la FCC sur l’internet ouvert, ses conclusions et ses règles en matière de neutralité du Net s’appliquant aux fournisseurs des services de haut débit.
Le juge Williams a été d’accord sur une partie de cette position et en a contesté une autre. Sa position est allée dans le sens d’une partie de l’avis de la majorité mais il a fait valoir que l’ordonnance de 2015 sur l’internet ouvert devrait être annulée pour trois motifs : 1. La FCC a agi déraisonnablement lorsqu’elle a changé le classement du service de haut débit de service d’information en service de télécommunication en omettant de prendre en considération l’autonomie des fournisseurs de haut débit et le raisonnement peu solide à propos des faits nouveaux et des perceptions politiques ; 2. L’article 201 de la loi sur la communication et l’article 706 de la loi de 1996 sur les télécommunications ne justifient pas les règles de l’internet ouvert contenues dans l’ordonnance ; et 3. La décision de la FCC de ne pas appliquer certaines dispositions du titre II est contradictoire en ce qui concerne le pouvoir du marché ; la FCC devrait soit ne pas être en mesure de reclasser le haut débit soit appliquer la totalité des dispositions du titre II.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
Il s’agit de la première grande victoire pour la neutralité du Net et l’internet ouvert aux Etats-Unis. L’affaire renforce la liberté d’expression en empêchant les fournisseurs de services internet de bloquer ou ralentir le trafic sur internet en montant des formules de priorisation moyennant paiement ou en intervenant autrement dans le contenu légal des utilisateurs ou des fournisseurs de contenu. La FCC a décidé de classer le service de haut débit en tant que service public tout comme le service téléphonique. Les règles de la FCC dans l’ordonnance de 2015 sur l’internet ouvert exigent que les fournisseurs des services de haut débit agissent en tant que canal non discrétionnaire de discours, ce qui signifie qu’elles peuvent interférer avec le discours ou le contenu des utilisateurs ou des fournisseurs de contenu, en préservant le maximum d’expression.
L’affaire peut amener certains fournisseurs de service internet à éditer ou à fournir une expérience internet “épurée” pour échapper au traitement réservé aux transporteurs publics. Par ailleurs, le panorama pourrait changer si la FCC change sa position par rapport à la neutralité du Net dans l’avenir maintenant qu’elle a pris une position réglementaire affirmée. L’affaire serait probablement portée en appel par les opposants de l’ordonnance de la FCC.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
La Cour d’appel des Etats-Unis du District de Columbia Circuit a compétence pour se prononcer sur les contestations des règlements de la FCC, et sa décision est exécutoire. Le circuit du District de Columbia fait aussi autorité au niveau national et même au niveau international dans certaines affaires.
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