Sécurité nationale, Fermeture d'internet, Accès à l'information publique
Bhasin c. Union indienne
Inde
Affaire résolue Élargit l'expression
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La Cour constitutionnelle de l’Afrique du Sud (Cour) a jugé que le droit d’accès à l’information, associé au droit d’exercer un vote éclairé, exigeait implicitement que les informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants soient consignées, conservées et rendues raisonnablement accessibles au public. L’affaire avait été intentée après que l’organisation à but non lucratif My Vote Counts n’ait pas été en mesure d’obtenir des informations sur le financement privé de certains partis politiques. La Cour a souligné l’importance de l’information dans le processus électoral et a mis en garde contre la possibilité pour les candidats politiques de choisir quelles informations devraient être mises à la disposition des électeurs. La Cour a également indiqué que l’accès à l’information sur le financement privé pourrait dissuader la corruption et éviter son apparition en politique. La Cour a déclaré que « l’information sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants est essentielle à l’exercice efficace du droit de faire des choix politiques et de participer aux élections » et a ordonné au Parlement sud-africain d’adopter des mesures législatives exigeant des partis politiques et des candidats indépendants qu’ils enregistrent, conservent et facilitent un accès raisonnable à ces informations.
My Vote Counts, une organisation sud-africaine à but non lucratif « fondée pour améliorer la redevabilité, la transparence et l’inclusion des élections et de la politique en République d’Afrique du Sud », a demandé l’accès aux informations sur le financement privé détenu par les partis politiques [par. 18]. Certains des partis ont rejeté la demande, répondant qu’ils n’étaient pas tenus de fournir ces informations en vertu de la Loi sud-africaine 2 de 2000 sur la promotion de l’accès à l’information (PAIA/ Promotion of Access to Information Act). My Vote Counts estimait que « lorsqu’il est connu par qui sont financés les partis politiques, la probabilité ou la réalité que des acteurs politiques soient influencés de manière inappropriée par ceux qui les financent, parfois au détriment de la nation, pourrait être détectée, exposée, minimisée ou empêchée » [para. 8].
En juillet 2016, My Vote Counts a déposé une requête devant la Haute Cour du Cap, arguant que la PAIA était constitutionnellement déficiente en ce qui concerne la manière dont elle réglementait l’accès à l’information sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants. Elle faisait valoir que cette lacune violait l’article 32 (droit d’accès à l’information), l’article 19 (droit de vote) et l’article 7 (2) (qui exige que l’État « respecte, protège, promeuve et réalise les droits énoncés dans la Déclaration des droits ») de la Constitution sud-africaine (Constitution).
La Haute Cour a statué que la PAIA ne s’étendait pas aux partis politiques et aux candidats indépendants, et ne couvrait donc pas les dossiers détenus sur le financement privé. Elle a ensuite conclu que « le fait que la Loi n’ait pas prévu l’accès à l’information sur le financement privé constitue une lacune qui la rend incompatible avec les dispositions de l’article 32, 7 (2) et de l’article 19 de la Constitution » [par. 9] .
En Afrique du Sud, une ordonnance d’invalidité constitutionnelle rendue par une Haute Cour doit être confirmée par la Cour constitutionnelle avant qu’elle n’entre en vigueur. Ainsi, la Cour constitutionnelle a été saisie de l’affaire. My Vote Counts a également cherché à faire appel du refus de la Haute Cour d’ordonner « la consignation et la divulgation continue et systématique des informations sur le financement privé » [para. 9] . Le ministre de la Justice et des Services correctionnels a fait valoir que « La Loi sur la promotion de l’accès à l’information prévoit des dispositions adéquates pour l’enregistrement et la divulgation d’informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants » [para. 12].
Le juge en chef Mogoeng a rendu le jugement majoritaire. Il a commencé par observer la nécessité pratique pour les donateurs privés d’aider les candidats politiques et a noté que « bien que l’État fournisse une certaine aide financière aux partis politiques pour leurs activités qui incluent des campagnes, cela semble être loin de ce qui est réellement nécessaire pour répondre aux exigences du bon fonctionnement d’une machine politique ou la bonne organisation d’une campagne électorale » [para. 3]. Le juge en chef Mogoeng a rattaché ce besoin de financement privé à un besoin d’accès à des informations sur un tel financement privé. Ce faisant, il a cité l’affaire américaine Buckley c. Valeo, dans laquelle la Cour suprême des États-Unis avait expliqué que l’accès aux informations sur le financement permet aux électeurs de placer les candidats sur l’échiquier politique, facilite les prévisions des performances futures et dissuade et évite la corruption.
Tout au long du jugement, le juge Mogoeng établit clairement des liens entre l’accès aux informations sur le financement privé et l’objectif de prévention de la corruption et le besoin de transparence et d’imputabilité lors des élections. Il a noté que « [l]e besoin d’efficience et d’efficacité dans la prévention, le contrôle et l’élimination de la corruption liée au financement privé des partis politiques et des candidats indépendants semble exiger une intervention urgente » [para. 4]. Il a déclaré que « le secret favorise la corruption » et qu’un « manque de transparence sur le financement privé fournit un terrain fertile et bien arrosé pour la corruption ou la tromperie des électeurs » [para. 48].
Le juge en chef Mogoeng a rappelé que le droit d’accès à l’information prévoit le droit de chacun à « toute information détenue par une autre personne et demandée pour l’exercice ou la protection de tout autre droit ». Il a précisé qu’ « une autre personne » est suffisamment large pour inclure un parti politique ou un candidat indépendant, et que « toute information » comprend l’information sur le financement privé des partis politiques ou des candidats indépendants. Il a souligné également que le terme « détenu » devrait être interprété d’une manière large pour inclure les informations consignées par les tiers. La question demeure de savoir si les informations demandées sont nécessaires à l’exercice ou à la protection d’un droit, puisqu’elles ne seront accessibles qu’à cette condition. Le juge Mogoeng a ajouté que « la nature, l’importance et la finalité de certains droits constitutionnels ou des informations qui les concernent peuvent nécessiter que les informations soient tenues et consignées, notamment pour des raisons de transparence et d’imputabilité » [para. 25].
Le juge en chef Mogoeng a donc ensuite examiné le droit de chaque citoyen de faire des choix politiques (article 19 de la Constitution). Il a relevé l’importance que joue l’information dans l’exercice de ce droit, surtout à l’occasion d’un processus électoral. Il a conclu que ce droit implique implicitement un exercice éclairé du droit de vote. Dans ce contexte, il a observé que « toute information qui contribue à brosser le tableau complet d’un parti politique ou d’un candidat indépendant définissant qui il est réellement ou par qui il pourrait être influencé, de quelle manière et dans quelle mesure, est essentielle au bon exercice de la « volonté » de l’électeur sur laquelle notre gouvernement est constitutionnellement tenu de se baser » [para.33].
Il a mis en garde qu’une campagne électorale devait pouvoir compter sur des candidats et des partis qui transmettent des informations aux électeurs pour démontrer « qu’on peut faire confiance au candidat en question et que ce dernier mérite leur appui parce qu’il est le mieux placé pour servir les citoyens dans la fonction publique pour laquelle il fait campagne » [para. 38]. Dans cette optique, il a fait valoir que « les partis politiques et les candidats indépendants ne devraient pas pouvoir choisir quelles informations sont « détenues », conservées et communiquées aux électeurs » [para. 39]. Il a poursuivi en concluant que « [toutes] les informations nécessaires pour éclairer l’électorat sur les capacités et la fiabilité ou non de ceux qui briguent une charge publique doivent non seulement être obligatoirement saisies et conservées, mais également rendues raisonnablement accessibles » [para. 39].
Le juge en chef CJ Mogoeng a déclaré qu’un financement non contrôlé ou secret pourrait compromettre le respect par les partis politiques et les candidats indépendants de leurs obligations constitutionnelles. Il a noté que « ce n’est que lorsqu’ils risquent d’être exposés pour avoir reçu des financements de la part de personnes ou d’entités douteuses (…) que tous les partis politiques et candidats indépendants seraient contraints de se tenir à l’écart de ce genre de financement » [para. 42].
En concluant l’analyse de l’interaction entre le droit de vote et l’accès à l’information, le juge Mogoeng a estimé que la responsabilité de l’État à l’égard du droit de vote et d’accès à l’information lui impose « d’adopter une législation prévoyant la consignation et la conservation des informations sur le financement privé ainsi que l’accès raisonnable à ces informations » [para. 44].
Il a ensuite souligné l’importance d’exiger que les partis politiques et les candidats indépendants « conservent » ou « détiennent » des informations sur le financement privé. Il a déclaré que « s’il n’y avait pas une exigence constitutionnelle implicite que les informations relatives à l’exercice de certains droits constitutionnels soient « consignées » et « détenues », il est concevable qu’une « autre personne » puisse facilement céder à la tentation de ne pas détenir certaines informations sensibles et potentiellement révélatrices, ou de les avoir « détenus » pour les détruire, de sorte qu’il n’y ait rien à divulguer » [para. 46]. Il a conclu que la consignation, la conservation et la divulgation d’informations sur le financement privé des candidats politiques permettraient aux électeurs de mieux cerner les intérêts réels que les politiciens sont susceptibles de servir.
Le juge Mogoeng a ensuite souligné l’importance d’éliminer les obstacles prévisibles à la libre circulation de l’information sur le financement privé vers le grand public. Il a averti que « ne pas faciliter l’accès à l’information pour tous ceux qui pourraient se la procurer et la transmettre au grand public réduirait ce jugement à une simple victoire à la Pyrrhus pour les électeurs » [para. 53].
Par conséquent, il a estimé que les autres candidats politiques, les médias et le milieu académique devraient avoir un accès raisonnable à ces informations. Il conclut qu’il serait malhonnête de la part de ces personnes de devoir nécessairement s’appuyer sur le droit de faire des choix politiques (article 19 de la Constitution) pour tenter d’accéder à l’information, alors qu’elles pourraient en demander l’accès afin d’exercer un autre droit. Il a dès lors ajouté que le droit à la liberté d’expression protégé par l’article 16 de la Constitution fournirait une base solide aux candidats politiques, aux médias et au milieu académique pour avoir un accès raisonnable aux informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants.
Le juge Mogoeng a ensuite examiné la question de la déficience de la PAIA. Il a conclu qu’elle ne concordait pas avec l’obligation constitutionnelle de fournir des informations sur le financement privé à tous ceux qui en ont raisonnablement besoin. Il a notamment conclu que la PAIA était déficiente parce qu’elle ne prévoyait pas que (i) les informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants devaient être consignées et conservées, (ii) qu’elles devaient être raisonnablement accessibles au public, et (iii) que les candidats indépendants et tous les partis politiques doivent être soumis à ses dispositions. Il a également précisé qu’il n’y avait aucune raison impérieuse justifiant ces carences. Il a conclu que l’accès raisonnable à ces informations devrait être institutionnalisé et que l’accès ne devrait pas être assujetti à une procédure laborieuse.
Le juge Mogoeng a néanmoins reconnu que le droit d’accès à l’information ne conférait pas « un droit absolu ou général aux demandeurs de toute information requise par quiconque pour l’exercice de la protection de tous les droits » [para. 71]. Par contre, en ce qui concerne le droit de vote, il a précisé que « pour l’exercer correctement, et vu son caractère essentiel, il est primordial que toutes les informations, qui pourraient révéler les inconvénients potentiels du financement privé, soient consignées et soient facilement ou raisonnablement accessibles » [para. 71].
À la lumière de ce qui précède, le juge Mogoeng a estimé que le cadre constitutionnel imposait à l’État l’obligation de « faciliter la jouissance des droits énoncés dans la Déclaration des droits » et que le droit d’accès à l’information en vertu de l’article 32(2) de la Constitution exigeait qu’une législation soit promulguée pour prévoir l’enregistrement, la conservation et la divulgation d’informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants [para. 74]. Cependant, il s’est abstenu de préciser ce que la loi devrait contenir, estimant que « déterminer la meilleure façon de s’acquitter de cette obligation devrait revenir au Parlement » [para. 75].
Enfin, le juge en chef Mogoeng a confirmé la décision de nullité constitutionnelle et a déclaré que (i) «les informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants sont essentielles pour l’exercice effectif du droit de faire des choix politiques et de participer aux élections», que (ii) «les informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants doivent être consignées, conservées et rendues raisonnablement accessibles», et que (iii) la PAIA est « invalide dans la mesure de son incompatibilité avec la Constitution en ne prévoyant pas la consignation, la conservation et la divulgation raisonnable des informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants » [para. 91]. Il a ordonné que le Parlement « modifie la Loi sur la promotion de l’accès à l’information et prenne toute autre mesure qu’il juge appropriée pour prévoir la consignation, la conservation et la facilitation d’un accès raisonnable aux informations sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants dans un délai de 18 mois » [para. 91].
Le juge Froneman a rendu une opinion concordante qui soulignait « qu’il ne peut y avoir d’élections libres et équitables si la presse et les autres institutions de notre société civile sont empêchées d’accéder aux informations sur le financement politique privé » [para. 95]. Il a ajouté que ces acteurs cherchent à accéder à l’information « au motif qu’ils agissent dans l’intérêt public au nom des citoyens du pays » [para. 95]. Il a conclu que le droit d’accès ne devrait pas être traité comme un droit individuel fragmenté.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
La Cour constitutionnelle a explicitement lié le droit de vote au droit d’accès à l’information et a expliqué que le droit de vote ne pouvait être pleinement exercé sans informations facilement accessibles sur le financement privé des partis politiques et des candidats indépendants.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
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