Diffamation / réputation, Expression politique
Nieto Marquez c. Las Igualadas
Colombie
Affaire résolue Élargit l'expression
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La Haute Cour ougandaise a jugé que l’assignation d’un candidat à la présidence à son domicile de la part des forces de sécurité constituait une détention illégale et a ordonné la levée de l’assignation. Le jour des élections présidentielles en Ouganda, des membres de la police et de l’armée ougandaise ont encerclé le domicile d’un candidat à la présidence et ont affirmé qu’il était nécessaire de le maintenir, lui et les membres de sa famille, à domicile pour neutraliser des menaces pour la sécurité. Ayant été empêchés de le rencontrer, les avocats du candidat ont présenté devant la Haute Cour une demande en habeas corpus alléguant que son droit à la liberté de la personne avait était violé. Neuf jours après les élections, la Cour a estimé que le maintien à domicile du candidat constituait une détention et que n’ayant pas été conduit à un poste de police ou n‘ayant pas comparu devant un juge, sa détention devient illégale et a ainsi ordonné la levée des restrictions à ses déplacements et le rétablissement de sa liberté individuelle.
Columbia Global Freedom of Expression pense que cette affaire peut avoir des motivations politiques et bien qu’elle ne soit pas légalement en rapport avec la liberté d’expression, elle constitue une violation de ces droits.
En novembre 2020, Robert Kyagulanyi – plus connu sous le nom de Bobi Wine, et candidat à la présidence contre le sortant Yoweri Museveni – a été arrêté et accusé d’avoir enfreint les règles Covid-19 relatives aux rassemblements pendant sa campagne pour l’élection présidentielle. Il a été libéré le 20 novembre 2020 avec des conditions strictes de mise en liberté sous caution, vraisemblablement conformes aux protocoles Covid-19, notamment en limitant les rassemblements organisés dans le cadre de sa campagne à 200 personnes et en exigeant que de telles réunions prennent fin à 18h00.
Le 14 janvier 2021, l’Ouganda a tenu ses élections présidentielles. Après avoir voté, Kyagulanyi et sa femme, Barbra Kyagulanyi Itungo, sont rentrés chez eux pour découvrir leur domicile encerclé par des soldats et des policiers et le couple n’a pas été autorisé à quitter les lieux ni à entrer en contact avec les membres de leur famille, leurs avocats et médecins. Le 18 janvier 2021, cinq des avocats des Kyagulanyi ont été empêchés d’entrer chez le couple alors ce dernier avait appelé ses avocats par téléphone.
Geoffrey Turyamusiima, l’un des avocats et ami personnel des Kyagulanyis, s’est adressé au Tribunal en leur nom, notant qu’ils ne pouvaient se présenter en personne. Il a demandé une ordonnance d’habeas corpus exigeant que le procureur général, le chef de la Force de défense et l’inspecteur général de Police “présentent corporellement Kyagulanyi Sentamu Robert et Barbra Kyagulanyi Itungo ” devant la Cour [p. 1].
Le juge Michael Elubu a rendu le jugement de la Haute Cour. La Cour devait déterminer si le droit à la liberté individuelle des Kyagulanyi était violé par l’action de l’État et si elle devait ou non accorder l’habeas corpus.
Le chef du service juridique au Ministère de la défense et des anciens combattants a estimé que les Kyagulanyi n’étaient “pas sous la garde de la Force de défense populaire ougandaise ” [p. 5]. L’inspecteur général adjoint de la Police a fait valoir que Robert Kyagulanyi n’était » pas placé en détention … [il] se trouvait à domicile avec des membres de la police pour lui assurer la protection nécessaire” et que les déplacements des Kyagulanyi n’avaient aucunement été restreints [p. 5]. L’inspecteur général adjoint a fait valoir que Kyagulanyi avait violé ses conditions de libération sous caution en organisant des rassemblements le 23 novembre 2020, le 1er et le 8 décembre 2020 avec un nombre de participants qui a dépassé la limite prescrite de 200 personnes. Il a ajouté qu’il y avait de sérieuses préoccupations en matière de sécurité compte tenu des déclarations faites par Kyagulanyi après les élections pour “faire de l’Ouganda un pays ingouvernable” et qu’il avait “dans le passé incité aux émeutes”. L’inspecteur général adjoint a décrit le comportement des forces de sécurité comme “une action préventive de la part de la Police ougandaise dans le but de neutraliser les menaces à la sécurité détectées par les organes de sécurité” et que les restrictions imposées aux mouvements de Kyagulanyi “sont dans l’intérêt de la protection de la vie et des biens” [p. 8]. Il a également nié que Kyagulanyi avait été empêché de voir ses avocats.
Les défendeurs ont également fait valoir que les Kyagulanyi n’étant pas détenus dans un “établissement gouvernemental désigné”, une ordonnance d’habeas corpus était inappropriée et que les déplacements de Barbra Kyagulanyi Itungo “n’ont été aucunement restreints ” [p. 12].
La Cour a jugé qu’il n’était pas possible de déterminer la nature de la détention des Kyagulanyi sans examiner les éléments de preuve et a donc rejeté l’argument de l’État selon lequel la procédure d’habeas corpus n’était pas appropriée et devait donc être rejetée de façon sommaire. En ce qui concerne le droit à la liberté de Barbra Kyagulanyi Itungo, la Cour a noté que l’État niait que ses mouvements avaient été restreints et a donc ordonné “le rétablissement immédiat de [sa] pleine liberté individuelle” [p. 12]. En évaluant les éléments de preuve, la Cour a estimé qu’il était clair que Kyagulanyi avait été « confiné “à son domicile et que – bien que les défendeurs aient soutenu que c’était pour sa sécurité – l’État “a admis que les mouvements du requérant avaient été restreints en le confinant à son domicile » [p. 14]. La Cour a cité la définition de la liberté dans Black Law Dictionary comme étant « l’absence de restrictions extérieures arbitraires ou injustifiées, en particulier de la part du gouvernement ” et a conclu que la liberté de Kyagulanyi avait été restreinte [p. 14]. En conséquence, elle a estimé que la Cour pouvait procéder à l’audience de recours en habeas corpus.
La Cour a ensuite examiné la justification de l’État selon laquelle la privation de liberté de Kyagulanyi était une “action préventive visant à protéger la vie et les biens” [p. 15]. L’article 24, chapitre 303 de la loi sur la police permet à un agent de police d’arrêter et de détenir une personne s’il a des “motifs raisonnables de croire” qu’une telle détention est nécessaire pour prévenir des blessures, des dommages à la propriété, une atteinte “à la morale dans un lieu public”, une “obstruction illégale à la circulation sur la voie publique” ou un “préjudice ou souffrance indue à un enfant ou à une autre personne vulnérable” [p. 15]. Toutefois, la loi sur la police exige de conduire toute personne arrêtée en vertu l’article 24 à un poste de police ou à un magistrat. La Cour a jugé que cette disposition ne s’appliquait donc pas parce que Kyagulanyi n’avait pas été arrêté ni conduit à un poste de police ni à un juge. En conséquence, la Cour a estimé que la privation de liberté ne pouvait constituer une “arrestation préventive” légale [p. 16].
La Cour a reconnu que “les questions plus pertinentes” sont les allégations selon lesquelles Kyagulanyi et son parti politique incitent à des émeutes et à l’insurrection et a noté “que ce sont des allégations sérieuses d’infractions graves » [p. 16]. Néanmoins, la Cour a souligné que l’État devait suivre la “procédure prévue par la loi” et soit traduire Kyagulanyi en justice ou lever les restrictions. La Cour s’est référée à l’article 23 de la Constitution, qui traite des droits des personnes arrêtées et des détenus. L’article protège le droit à la liberté individuelle et stipule que toute arrestation ou détention ne peut se faire que dans un “lieu autorisé par la loi », et exige que toute personne arrêtée et détenue soit traduite devant un tribunal dans les 48 heures suivant son arrestation et qu’elle ait accès à des services médicaux et juridiques. Le paragraphe 9 de l’article 23 prévoit expressément le droit à une ordonnance d’habeas corpus.
La Cour s’est référée à l’affaire devant la Cour suprême Obbo c. le Procureur général no 2 de 2002, en soulignant que le principal objectif des droits consacrés par la Constitution est leur protection et que les limitations ne pouvaient constituer que des objectifs de second niveau, et ne sont admises que dans des “circonstances exceptionnelles” [p. 18]. La Cour a également mentionné l’affaire Kuteesa c. le procureur général (recours constitutionnel n° 46 de 2011) qui avait souligné que “la préservation de la liberté individuelle est si importante dans la Constitution que toute dérogation à celle-ci ne peut être que temporaire et non à durée indéfinie” [. 18-19].
En conséquence, la Cour a jugé que “la restriction indéfinie et continue et le maintien du requérant à domicile, sont illégaux” et que son droit à la liberté individuelle a donc été violé [p. 19]. La Cour a ordonné que les restrictions imposées à Kyagulanyi soient levées et que sa liberté individuelle soit rétablie et a également ordonné que Kyagulanyi se conforme à la réglementation Covid.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
Bien que ce jugement ait porté principalement sur le droit à la liberté individuelle, il a confirmé qu’un opposant politique ne peut être détenu sans procédure régulière et a ainsi élargi le droit à la liberté d’expression politique en Ouganda.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
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