Von Hannover c. Allemagne (n° 2)

Affaire Résolue Résultat mitigé

Key Details

  • Mode D'expression
    Presse / Journaux
  • Date de la Décision
    février 7, 2012
  • Résultat
    Articles de la Convention sur la liberté d'expression et d'information non violés, Loi ou action maintenue
  • Numéro de Cas
    40660/08 and 60641/08
  • Région et Pays
    Allemagne, Europe et asie centrale
  • Organe Judiciaire
    Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH)
  • Type de Loi
    Droit international/régional des droits de l'homme
  • thèmes
    Respect de la vie privée, protection des données et rétention
  • Mots-Cles
    Intérêt public, Agents publics

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Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

La Cour européenne des droits de l’homme (« CrEDH ») a estimé que deux photographies représentant une famille royale en vacances et publiées dans deux journaux allemands violaient le droit au respect de la vie privée conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (« CEDH ») car elles ne reflétaient aucune question d’intérêt public exposée en détail dans le texte d’accompagnement. Cependant, une troisième photographie montrait un Prince en mauvaise santé. Etant donné que la santé du Prince est un sujet d’intérêt public, la CrEDH n’a pas trouvé de violation de l’article 8. En rendant son arrêt, la CrEDH a énoncé des critères que les tribunaux nationaux doivent suivre pour mettre en balance le droit à la vie privée en vertu de l’article 8 et le droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 10. Premièrement, la question de savoir si l’information contribue à un débat d’intérêt général ; deuxièmement, la notoriété de la personne concernée et du sujet du reportage ; troisièmement, le comportement préalable de la personne concernée ; quatrièmement, le contenu, la forme et les conséquences de la publication ; et cinquièmement, les circonstances dans lesquelles les photos ont été prises.


Les Faits

Les requérants dans la présente affaire, la princesse Caroline von Hannover, fille du défunt prince Rainier III de Monaco, et son époux le prince Ernst August von Hannover, sont membres de la famille royale monégasque. Entre 2002 et 2004, les magazines allemands Frau im Spiegel et Frau Aktuell ont publié une série de photographies montrant les requérants en vacances au ski sans leur consentement. Sur l’une des photographies, le père de la princesse Caroline apparaissait, et l’article qui l’accompagnait commentait son apparente mauvaise santé. En fait, la princesse Caroline avait déjà engagé trois procédures concernant deux séries de photos, publiées respectivement en 1993 et 1997 dans ces magazines allemands, qui avaient abouti à des arrêts de la Cour fédérale de justice de 1995 et de la Cour constitutionnelle fédérale de 1999 rejetant ses demandes. En 2004, ces procédures ont fait l’objet de la décision de la CrEDH dans l’affaire Caroline von Hannover c. Allemagne (n° 59320/00) (« Von Hannover I »), dans laquelle la Cour a estimé que les décisions judiciaires susmentionnées avaient porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée au titre de l’article 8.

À la suite de la décision initiale Von Hannover I, en 2005, la princesse Caroline et le prince Ernst August avaient demandé et obtenu des injonctions contre la poursuite de la publication de certaines des photographies. Après le succès de ce jugement, la Princesse a demandé plusieurs autres injonctions contre la publication, y compris l’injonction dans la présente affaire.

En ce qui concerne ces injonctions, dans un arrêt du 6 mars 2007 (n° VI ZR 51/06), la Cour fédérale de justice a estimé que deux des trois photographies en question violaient le droit à la vie privée de la princesse Caroline tel que consacré par l’article 8 de la CEDH. En revanche, en ce qui concerne la troisième photographie, qui montrait la mauvaise santé du prince régnant Rainier de Monaco, la Cour a estimé qu’il s’agissait d’une question d’intérêt public et que la presse avait le droit de rendre compte de la manière dont ses enfants conciliaient leurs obligations de solidarité familiale avec les besoins légitimes de leur vie privée, parmi lesquels le désir de partir en vacances. La photographie en question présentait donc un lien suffisamment étroit avec l’événement décrit dans l’article. Sur cette base, par un arrêt du 16 juin 2008, la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté le recours contre Frau im Spiegel. La demande distincte d’injonction des requérants à l’encontre de Frau Aktuell a échoué pour des motifs similaires devant la Cour fédérale de justice. Par la suite, ils ont saisi la CrEDH en invoquant une violation de leurs droits au titre de l’article 8.


Aperçu des Décisions

La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (« CrEDH ») a rendu l’arrêt de la Cour. La question fondamentale dans cette affaire était de savoir si le refus des tribunaux allemands d’accorder une injonction contre toute nouvelle publication des photographies violait le droit des requérants au respect de leur vie privée en vertu de l’article 8 de la CEDH. La CrEDH a également examiné la manière dont la mise en balance doit être effectuée dans les cas où des personnalités publiques éminentes sont impliquées et où la presse publie des photos d’elles, en distinguant ce type d’affaires de celles impliquant tout citoyen lambda.

En discutant de la portée et de la nature de l’article 8 de la CEDH, la Cour a noté que la vie privée doit être comprise comme incluant les aspects de l’identité personnelle d’une personne (Schüssel c. Autriche (déc.), no. 42409/98, 21 février 2002 ; Von Hannover c. Allemagne, no. 59320/00, §§ 50 et 53, CrEDH 2004-VI ; Sciacca, § 29 ; et Petrina c. Roumanie, no 78060/01, § 27, 14 octobre 2008), tels que le nom, la photo ou l’intégrité physique et morale d’une personne. La publication de photos d’un individu peut donc conduire à une intrusion dans l’espace personnel de celui-ci. L’individu doit pouvoir contrôler l’utilisation de sa photo, y compris le droit de refuser sa publication (Reklos et Davourlis c. Grèce, § 40). En vertu de l’article 8, l’Etat a l’obligation tant positive que négative d’assurer le respect de la vie privée et de protéger les individus contre les ingérences arbitraires en la matière (X et Y c. Pays-Bas, 26 mars 1985, § 23, série A n° 91, et Armonienė, § 36).

Dans le même temps, elle a également observé que l’article 10 de la CEDH garantissait le droit à la liberté d’expression et constituait un élément essentiel de la société démocratique, qui exige la publication de l’information pour que les citoyens soient informés. Elle peut donc inclure des informations susceptibles d’offenser, de choquer ou de déranger. Il est important de noter que la Cour a déclaré que les contraintes qui peuvent lui être imposées doivent être interprétées de manière restrictive et que sa nécessité doit être établie de manière convaincante (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A n° 24 ; Editions Plon c. France, n° 58148/00, § 42, § 42). 58148/00, § 42, CrEDH 2004-IV ; et Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France [GC], n° 21279/02 et 36448/02, § 45, CrEDH 2007-IV).

Sur la base de ce qui précède, la CrEDH a conclu que la presse, en tant que garde-fou pour l’opinion publique, avait le devoir de diffuser des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt public et que le public avait le droit de les recevoir (Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], n° 21980/93, §§ 59 et 62, CrEDH 1999-III, et Pedersen et Baadsgaard c. Danemark [GC], n° 49017/99, § 71, CrEDH 2007-IV). 49017/99, § 71, CrEDH 2004-XI). La liberté d’expression inclut la publication de photos (Österreichischer Rundfunk c. Autriche (déc.), n° 57597/00, 25 mai 2004, et Verlagsgruppe News GmbH c. Autriche ( n° 2 ), n° 10520/02, §§ 29 et 40, 14 décembre 2006). Toutefois, cela ne doit pas être fait pour satisfaire la curiosité du public concernant la vie privée d’une personne ; la photo ne doit pas non plus être prise dans un climat de harcèlement continu (Société Prisma Presse c. France (déc.), n° 66910/01 et 71612/01, 1er juillet 2003, et Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS), § 40).

Notamment, la CrEDH a mis en balance les droits prévus par l’article 8 et l’article 10 de la CEDH, estimant que les deux droits méritaient un respect égal (Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS), précité, § 41 ; Timciuc c. Roumanie (déc.), n° 28999/03, § 144, 12 octobre 2010 ; et Mosley c. RoyaumeUni, n° 48009/08, § 111, 10 mai 2011). L’issue de tout conflit entre ces droits ne devrait donc pas dépendre de l’article au titre duquel la justice est saisie ou de la partie qui la saisit. Tout conflit entre ces droits devrait être résolu par la recherche d’un équilibre. La marge d’appréciation dont disposent les tribunaux nationaux pour résoudre le conflit est soumise à l’examen de la CrEDH qui s’assure que la décision prise est conforme aux dispositions de la CEDH.

Dans le cadre de l’exercice d’équilibrage, la Cour, en s’appuyant sur la jurisprudence antérieure, a donné les critères pertinents suivants :

  1. La contribution à un débat d’intérêt général

La contribution à un débat d’intérêt général constitue un critère essentiel dans la mise en balance (Von Hannover, § 60 ; Leempoel & S.A. ED. Ciné Revue, § 68 ; et Standard Verlags GmbH, § 46). Toutefois, la détermination d’une telle contribution dépend des faits de chaque cas. La Cour a rappelé qu’un tel intérêt n’est pas limité à la publication de questions et de crimes politiques (White, § 29 ; Egeland et Hanseid c. Norvège, no. 34438/04, § 58, 16 avril 2009 ; et Leempoel & S.A. ED. Ciné Revue, § 72) mais peut également concerner des questions sportives et des artistes du monde du spectacle (Nikowitz et Verlagsgruppe News GmbH c. Autriche, no. 5266/03, § 25, 22 février 2007 ; Colaço Mestre et SIC – Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, nos 11182/03 et 11319/03, § 28, 26 avril 2007 ; et Sapan c. Turquie, no. 44102/04, § 34, 8 juin 2010), mais cela inclut toute rumeur concernant un président ou les difficultés financières d’une personnalité publique (Standard Verlags GmbH, précité, § 52, et Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS), précité, § 43).

La Cour a estimé que l’appréciation de la valeur informative de la photo par le texte qui l’accompagne par les juridictions internes est conforme à la CEDH. En conséquence, la photo (une parmi les trois) et le texte d’accompagnement donnant des informations sur la maladie du prince régnant de Monaco peuvent être considérés comme un événement de la société contemporaine ajoutant au débat d’intérêt général.

  1. Quel est le degré de notoriété de la personne concernée et quel est l’objet du reportage ?

Sous ce critère, la Cour examine le rôle ou la fonction exercée par la personne concernée dont la ou les photos ont été publiées et la nature des activités illustrées par la ou les photos en question. La Cour a établi une distinction entre les personnes privées, inconnues du public, et les personnalités publiques connues. Si les premiers peuvent prétendre à une protection particulière de leur vie privée, la même chose ne peut être assurée dans le cas des seconds (Minelli c. Suisse). En revanche, les personnalités publiques doivent être protégées contre la publication de détails de leur vie privée lorsqu’il n’y a pas d’intérêt public en jeu mais simplement la satisfaction de la curiosité publique (Von Hannover, § 63, et Standard Verlags GmbH, § 47). De tels cas exigent que le droit à la liberté d’expression soit interprété de manière plus étroite.

La Cour observe que les requérants, indépendamment des fonctions officielles qu’ils occupent dans la Principauté de Monaco, sont des personnalités publiques connues et doivent être considérés comme des personnalités publiques et que les juridictions internes n’ont pas commis d’erreur dans cette constatation. En examinant les photos en question, la Cour a souscrit aux conclusions des juridictions internes. L’une des trois photos donnait des informations sur la maladie du prince régnant de Monaco et était accompagnée d’une photo. Elle a été jugée d’intérêt public car elle donnait au public des informations sur la famille royale. En revanche, les deux autres photos, qui contenaient des détails sur les vacances des requérants, ne contribuaient à aucun débat public et ont été publiées pour satisfaire la simple curiosité du public ou à des fins de divertissement uniquement.

  1. Le comportement antérieur de la personne concernée

Le comportement des requérants avant la publication et la question de savoir si les photos ont été précédemment publiées ailleurs peuvent constituer un autre facteur que les tribunaux doivent prendre en compte dans l’exercice de mise en balance (Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS), §§ 52-53, et Sapan, § 34). Toutefois, la coopération avec la presse dans des cas antérieurs ne peut être un motif pour refuser à la partie les protections dont elle dispose (Egeland et Hanseid, § 62).

  1. Contenu, forme et conséquences de la publication

Un autre critère important est la manière dont la photo est publiée et la façon dont la personne est représentée sur cette photo (Wirtschafts-Trend Zeitschriften-Verlagsgesellschaft m.b.H. c. Autriche (n° 3), n° 66298/01 et 15653/02, § 47, 13 décembre 2005 ; Reklos et Davourlis, § 42 ; et Jokitaipale et autres c. Finlande, n° 43349/05, § 68, 6 avril 2010). 43349/05, § 68, 6 avril 2010). L’étendue de la diffusion de cette publication doit également être prise en compte par les tribunaux (Karhuvaara et Iltalehti, § 47, et Gurguenidze, § 55).

  1. Les circonstances dans lesquelles les photos ont été prises

La Cour est tenue d’étudier les circonstances dans lesquelles les photos ont été prises. Elle doit également analyser si la personne concernée a donné son consentement à la prise de la photo et à sa publication (Gurguenidze, § 56, et Reklos et Davourlis, § 41) ou si cette photo a été prise à son insu, par un subterfuge ou des moyens illicites (Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS), § 47, et Flinkkilä et autres c. Finlande, n° 25576/04, § 81, 6 avril 2010). S’il y a eu intrusion, il convient d’analyser la gravité de celle-ci et les conséquences de cette publication (Egeland et Hanseid, § 61, et Timciuc, § 150).

La Cour a constaté que les circonstances dans lesquelles les photos ont été prises n’ont pas été contestées par les requérants ; ceux-ci n’ont pas non plus apporté de preuves ou d’arguments à leur encontre. La Cour a également observé que, en soi, les photos n’avaient pas un caractère offensant justifiant leur interdiction.

En conclusion, la Cour a estimé que les juridictions internes allemandes avaient soigneusement mis en balance les droits des parties concurrentes en se conformant à la jurisprudence. Il convient de souligner que les juridictions internes avaient accordé l’injonction interdisant la publication de deux autres photos montrant les requérants dans des circonstances similaires, précisément au motif qu’elles étaient publiées à des fins de divertissement uniquement. Toutefois, en ce qui concerne la troisième photo, tout en mettant en balance les droits concurrents, les juridictions internes ont accordé une importance primordiale à la question de savoir si la publication en question contribuait à un intérêt général. Ainsi, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas, à cet égard, de violation de l’article 8 de la CEDH.


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Résultat mitigé

Dans cette affaire, la CrEDH a confirmé ses décisions précédentes liant le contenu des articles au contenu des textes d’accompagnement, et autorisant une définition large de « l’intérêt général » lorsque les textes d’accompagnement concernent des responsables publics. Cependant, la décision a restreint les publications autorisées de photographies en exigeant que les textes liés aux articles concernent les événements ou les individus apparaissant sur les photographies.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Lois internationale et/ou régionale connexe

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

Cette décision clarifie davantage les décisions antérieures de la CrEDH – y compris, mais sans s’y limiter, l’affaire Von Hannover – concernant les publications autorisées de photographies illustrant la vie privée des fonctionnaires.

La décision a été citée dans:

Documents Officiels du Cas

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