Der Dritte Weg c. Facebook Ireland Ltd .

Affaire résolue Élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Communication électronique / basée sur l'internet
  • Date de la Décision
    mai 22, 2019
  • Résultat
    Injonction ou Ordonnance Refusée/Annulée, Injonction ou Ordonnance Accordée, Décision - Résultat de la procédure, Résultat de la décision (Disposition/Verdict), Affirmé en partie, Rejeté en partie
  • Numéro de Cas
    1 BvQ 42/19
  • Région et Pays
    Allemagne, Europe et Asie Centrale
  • Organe Judiciaire
    Cour constitutionnelle
  • Type de Loi
    Droit constitutionnel, Droit pénal, Droit civil
  • thèmes
    Modération du contenu, Expression politique
  • Mots-Cles
    Facebook, élections, NetzDG, Filtrage et blocage

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Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

Le 22 mai 2019, la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne (Cour ) a émis une injonction préliminaire ordonnant à Facebook Ireland Ltd de rétablir l’accès à un compte d’utilisateur suspendu. L’injonction a été demandée par un parti politique peu avant les élections au Parlement européen. Le parti a été empêché par Facebook d’utiliser son compte sur la base d’un article partagé par le parti que Facebook a jugé être en violation de ses conditions utilisation et susceptible de constituer une éventuelle violation du droit pénal. Après avoir été débouté de deux requêtes auprès des juridictions civiles, le demandeur a allégué une violation de ses droits fondamentaux devant la Cour. Cette dernière a jugé qu’il était essentiel pour le parti d’avoir accès à sa page Facebook pour diffuser ses opinions politiques et entamer des discussions avec ses utilisateurs jusqu’à la tenue des élections. Facebook occupait une position clé parmi les réseaux sociaux en Allemagne et s’acquittait donc d’un rôle important dans les campagnes électorales. La Cour a conclu que les conséquences résultant d’un refus d’accès par Der Dritte Weg à sa page Facebook (puis d’un éventuel rétablissement d’accès), sont plus lourdes que celles causées par le fait que Facebook soit obligé de rétablir la page, alors qu’il s’avérerait plus tard que le refus d’accès était légal.

 


Les Faits

Le demandeur « Der Dritte Weg » (La Troisième voie) est un petit parti politique de droite en Allemagne. Le 21 janvier 2019, le parti a partagé un lien sur sa page Facebook vers un article de son site web. Cet article faisait référence aux habitants du quartier de Neuplanitz à Zwickau comme « des laissés pour compte sur le plan social et financier » et indiquait que « [alors que de plus en plus de demandeurs d’asile étrangers [culturellement étranges et dissemblables], qui expriment parfois leur gratitude par la violence et les infractions pénales, étaient logés dans les appartements des tours préfabriqués, de nombreux Allemands de ce quartier n’ont pas de telle perceptive […] ».[Résumé de l’ordonnance de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 22 mai 2019, 1 BvQ 42/19, p. 1]

Peu après avoir partagé cet article, Facebook a informé le demandeur que l’article constituerait un discours de haine et violerait les normes de la communauté de Facebook. Par conséquent, la visibilité de l’article a été restreinte et la capacité du demandeur à publier du contenu a été désactivée pendant 30 jours. À la suite d’une objection de Der Dritte Weg fondée sur sa liberté d’expression, Facebook a désactivé le compte du demandeur le 30 janvier 2019 et le compte et son contenu n’étaient plus disponibles.

Après un préavis écrit, Der Dritte Weg a demandé au Tribunal régional de Frankenthal (Pfalz) (Tribunal) une injonction préliminaire pour obliger Facebook à accorder au parti l’accès à son profil Facebook et pour déverrouiller ou restaurer son article publié. Le demandeur faisait valoir que Facebook n’était pas en droit de désactiver ou de supprimer l’article en évoquant ses conditions générales, car l’article supprimé ne relevait pas des possibilités de sanctions prévues aux conditions d’utilisation . En outre, Facebook serait tenu de respecter les droits fondamentaux et, comme il occupait une position de monopole, il devait respecter l’effet horizontal indirect des droits fondamentaux. Der Dritte Weg a donc fait valoir qu’il y avait eu violation de son droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 5 de la Loi fondamentale allemande (Loi fondamentale) ainsi que de son droit à l’égalité des chances en vertu de l’article 21 (3) en rapport avec l’article 38 (1) de la Loi fondamentale. Selon le parti, la désactivation de sa page Facebook entraînerait une distorsion des opportunités dans la perspective de la prochaine campagne électorale pour le Parlement européen.

Le 18 mars 2019, le Tribunal a rejeté la requête du demandeur, puisque le contenu serait illégal en vertu du Network Enforcement Act (Netzwerkdurchsetzungsgesetz « NetzDG »). Le défendeur était donc tenu de prendre des mesures telles la désactivation ou la suppression de la page du demandeur conformément au paragraphe 1 (3) du NetzDG en rapport avec le paragraphe 130 du Code pénal allemand qui interdit l’incitation à la haine contre un groupe de la population. Le Tribunal a jugé que la plateforme avait suffisamment de raisons d’estimer qu’il y avait violation du paragraphe 130 du Code pénal, car le groupe de « demandeurs d’asile » fait partie de la population au sens du paragraphe 130 du Code pénal. En qualifiant les demandeurs d’asile de « culturellement étranges et dissemblables » et en combinant cette expression avec « exprimer leur gratitude par la violence et les infractions pénales », le parti portait atteinte à la dignité humaine des demandeurs d’asile en les rendant malicieusement méprisables. Ainsi, le défendeur était susceptible d’être responsable en vertu du paragraphe 4 du NetzDG et la désactivation et suppression de l’article étaient proportionnées. Selon le Tribunal, le demandeur n’était pas en droit d’utiliser à nouveau les services de Facebook, puisqu’il n’y avait aucune obligation pour Facebook de conclure un (nouveau) contrat d’utilisation. Même si Facebook acquittait un rôle important dans la formation des opinions, le demandeur pourrait utiliser d’autres moyens pour exprimer ses opinions, tels les sites Web, les courriels ou d’autres réseaux sociaux.

Le Tribunal a conclu que même si Facebook était soumis à un effet horizontal indirect substantiel des droits fondamentaux et que ceux-ci devaient être pris en compte lors de l’application des conditions d’utilisation, Facebook était autorisé à supprimer l’article. Bien que Der Dritte Weg soit un parti politique, les droits fondamentaux n’étaient pas garantis sans restriction et il devait obéir aux droits de la personnalité des autres utilisateurs (art. 1 et 2 de la Loi fondamentale) ou à l’autorité interne virtuelle de la plateforme (art. 14 de la Loi fondamentale).

Le 17 avril 2019, le Tribunal régional supérieur Pfälzisches Zweibrücken a rejeté un appel immédiat.

Le requérant a donc demandé à la Cour constitutionnelle fédérale de suspendre les décisions des juridictions inférieures et d’accéder à sa demande en vue d’obliger Facebook à lui accorder l’accès à son profil Facebook et à débloquer ou à rétablir son article publié. Der Dritte Weg soutenait que ses droits fondamentaux prévus à l’article 5 (1), à l’article 21 (1) combiné à l’article 3, à l’article 2 (1), à l’article 38 (1) et à l’article 19 (4) de la Loi fondamentale ont été violés.

 


Aperçu des Décisions

Le 22 mai 2019, la deuxième chambre du Premier Sénat de la Cour constitutionnelle fédérale a prononcé une injonction préliminaire ordonnant à Facebook de permettre au demandeur d’accéder à son profil sur Facebook « Der III. Weg » jusqu’à la fin officielle des élections 2019 pour le Parlement européen.

D’abord, la Cour a énoncé les conditions requises pour obtenir une injonction préliminaire conformément au paragraphe 32 de la Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgerichtsgesetz, BVerfGG). Elle a précisé que « les motifs invoqués pour l’inconstitutionnalité d’une mesure contestée ne sont généralement pas pris en considération, sauf si la procédure principale est d’emblée irrecevable ou manifestement non fondée […]. Si l’issue de la procédure principale est ouverte, la Cour constitutionnelle fédérale évalue les inconvénients qui résulteraient si une injonction préliminaire n’était pas émise et que la plainte constitutionnelle était retenue dans la procédure principale par rapport aux inconvénients qui résulteraient si l’injonction préliminaire était émise et que la plainte constitutionnelle était rejetée dans la procédure principale ». [Résumé de l’ordonnance de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 22 mai 2019, 1 BvQ 42/19, p. 1]

Conformément à une jurisprudence bien établie, la Cour a estimé que les droits fondamentaux, en particulier le principe d’égalité en vertu de l’article 3 (1) de la Loi fondamentale, peuvent créer un effet horizontal indirect dans des circonstances spécifiques dans un procès entre deux parties privées. En l’espèce, l’effet horizontal indirect pourrait régir et limiter l’étendue des pouvoirs civils légaux d’un réseau social tel que Facebook, qui dispose d’une part de marché important en Allemagne. La question de savoir si (et selon quelles conditions) l’effet s’applique au fournisseur d’un réseau social dépendrait « de l’importance de sa position dominante sur le marché, de l’orientation de la plateforme, du degré de dépendance à l’égard de cette plateforme et des intérêts de l’opérateur et des tiers pouvant être affectés » [para. 15]. Cependant, puisque cette question exacte n’avait pas encore été décidée par les tribunaux civils ou les cours constitutionnelles, la Cour a conclu qu’il s’agissait de questions juridiques délicates qu’elle ne pouvait trancher lors d’un examen préliminaire puisqu’elle devait soupeser les inconvénients d’une injonction préliminaire.

Les conséquences résultant d’un refus d’accès par Der Dritte Weg à sa page Facebook (puis d’un éventuel rétablissement d’accès) sont plus lourdes que celles causées par le fait que Facebook soit obligé de rétablir la page, alors qu’il s’avère plus tard que le refus d’accès était légal. Ce constat vaut jusqu’à la tenue des élections pour le Parlement européen. La Cour a estimé que « l’exclusion de l’utilisation des services du défendeur, qui selon la publicité de ce dernier, sont utilisés chaque mois par plus de 30 millions de personnes en Allemagne, prive le demandeur d’une occasion essentielle de promouvoir ses messages politiques » [Résumé de l’ordonnance de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 22 mai 2019, 1 BvQ 42/19, p. 2]. Le réseau social Facebook crée un forum d’échange et d’expression d’opinions, ce qui est particulièrement important pour Der Dritte Weg dans la diffusion de programmes et d’idées politiques. La Cour a estimé que, si elle ne prononçait d’injonction préliminaire, le demandeur serait privé d’un moyen essentiel pour diffuser ses idées politiques et d’en débattre avec le public.

Les intérêts opposés du défendeur ont eu moins de poids auprès de la Cour : Facebook n’avait qu’à continuer d’exécuter le contrat d’utilisation librement conclu. Le défendeur n’avait aucun coût particulier à assumer en lien avec l’injonction. L’injonction préliminaire n’oblige pas le défendeur à autoriser sur sa plateforme des contenus illégaux ou non conformes à ses conditions d’utilisation. La Cour a précisé que le droit et l’obligation de Facebook de contrôler la conformité du contenu avec ses conditions d’utilisation, le droit pénal et les droits des tiers, ainsi que le droit de supprimer ce contenu en cas de non-conformité n’étaient pas affectés.

La deuxième demande du requérant visant à obliger Facebook à déverrouiller, restaurer ou tolérer l’article publié a quant à elle été rejetée par la Cour. Elle a estimé que le demandeur n’avait pas prouvé de manière satisfaisante que le retrait de l’article lui avait causé un préjudice grave. Le demandeur pourrait notamment publier de nouveaux articles sur le réseau social dans le respect du droit pénal, des conditions d’utilisation de Facebook et des droits des tiers.

 


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Élargit l'expression

La décision, rendue dans le cadre d’un examen préliminaire, accorde la priorité au droit des partis politiques, dans le contexte d’élections publiques, d’accéder aux principales plateformes de médias sociaux, telles que Facebook, afin de garantir leur liberté d’exprimer leurs opinions et programmes politiques. La décision reflète le fait que la Cour estime que l’expression d’opinions politiques et la discussion politique à travers les réseaux sociaux revêtent une importance cruciale dans la formation de l’intention de vote lors des élections politiques. Toutefois, la décision n’a pas pu résoudre le conflit entre l’accès à Facebook pour un parti et les limites imposées à la plateforme pour s’assurer que le contenu est conforme au droit pénal, aux droits des tiers, à ses conditions d’utilisation et à ses obligations en vertu du Network Enforcement Act.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

Documents Officiels du Cas

Documents Officiels du Cas:


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Pièces Jointes:

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