Cybersécurité / cybercriminalité, Respect de la vie privée, protection des données et rétention, Violence contre les orateurs / impunité
Telegraaf Media Nederland Landelijke Media c. Pays-Bas
Pays-Bas
Affaire résolue Élargit l'expression
Ce cas est disponible dans d'autres langues: Voir en : English Voir en : Español Voir en : العربية
La Haute Cour dʼIslamabad, dans le cadre dʼune requête en habeas corpus déposée autour de lʼenlèvement du journaliste Matiullah Jan, a ordonné au gouvernement fédéral de mener lʼenquête sur lʼenlèvement de Matiullah Jan, avec transparence et diligence afin dʼappréhender ceux qui « ont tenté de terroriser de manière ciblée les journalistes » [§ 6]. La Haute Cour a déclaré que les auteurs de son enlèvement devaient être traités « de manière à ce quʼaucun journaliste dans le pays ne craigne être blessé pour avoir voulu exposer la vérité » [§ 6]. Matiullah Jan, un critique virulent du gouvernement, de lʼarmée et de lʼestablishment pakistanais, a été enlevé la veille du jour où il devait comparaître devant la Cour suprême dans une affaire dʼoutrage à magistrat concernant un tweet quʼil avait publié sur les réseaux sociaux. Il a été enlevé en pleine journée par des hommes, certains en uniforme, dʼautres en civil, et son enlèvement a été filmé par une caméra de vidéosurveillance. Il a été torturé et menacé pendant environ neuf heures. Après son enlèvement, le frère de Matiullah Jan, Shahid Akbar Abbasi, a déposé une requête en habeas corpus devant la Haute Cour dʼIslamabad, demandant sa libération immédiate. Matiullah Jan a été libéré environ 12 heures après son enlèvement et avant que le jugement ne soit rendu par la Haute Cour dʼIslamabad. Après la libération de Matiullah Jan, lʼaffaire a été portée devant la Haute Cour le 22 juillet 2020. Notant lʼimportance de la profession de journaliste de Matiullah Jan et le rôle de la presse en tant que contre-pouvoir, la Haute Cour a estimé que lʼÉtat devait « démontrer quʼil existe une volonté politique de mettre fin à lʼimpunité pour les crimes commis contre les citoyens et de protéger les journalistes contre les atteintes à lʼexercice de leur droit à la liberté dʼexpression » [§ 5].
Le journaliste Matiullah Jan est un critique virulent du Gouvernement et de lʼarmée pakistanaise. Le 10 juillet 2021, Matiullah Jan a posté un tweet prétendument méprisant concernant la décision de 7 juges de la Cour suprême ordonnant une enquête sur les propriétés de la famille du juge Isa au Royaume-Uni, par le Comité fédéral des recettes publiques. Matiullah Jan pense que le juge Isa était visé en raison dʼune décision quʼil avait rendue lʼannée précédente, dans laquelle il avait critiqué lʼimplication de lʼarmée pakistanaise dans les affaires politiques du pays.
Une procédure pour outrage à magistrat a été engagée devant la Haute Cour dʼIslamabad contre le tweet de Matiullah Jan,, qui a été rejetée le 15 juillet 2020. Le même jour, la Cour suprême a pris connaissance du tweet de son propre chef, et a porté des accusations distinctes dʼoutrage à Matiullah Jan. Cette audience devait avoir lieu le 22 juillet 2020.
Le matin du 21 juillet 2020, Matiullah Jan a été enlevé à lʼextérieur des locaux de lʼécole où travaille sa femme. Son enlèvement a été filmé par une caméra de vidéosurveillance. Il a été attaqué et enlevé par des hommes en uniforme et sans uniforme. Lorsquʼil a demandé pourquoi il était enlevé et sʼil y avait un mandat pour sa détention, il a reçu pour toute réponse un coup de poing et un coup de crosse de fusil à la tête. Il a été torturé et menacé physiquement et mentalement pendant environ neuf heures. On lui a bandé les yeux pour ensuite le frapper avec un bâton en bois sur les jambes et dans le dos, ainsi que des coups de poing à la tête. Il a ensuite été conduit et laissé dans un endroit inconnu, au bord dʼune route déserte. Matiullah Jan croit quʼil a été enlevé dans le cadre de lʼaffaire dʼoutrage dont l’audience devait avoir lieule lendemain auprès de la Cour suprême.
Le jour de lʼarrestation de Matiullah Jan, son frère, Shahid Akbar Abbasi, a déposé une requête en habeas corpus auprès de la Haute Cour dʼIslamabad pour demander sa libération. Il croit que Matiullah Jan a été enlevé en raison de ses reportages et de ses critiques du gouvernement et de lʼestablishment. Compte tenu de la gravité de lʼaffaire, la Haute Cour a mis en demeure les fonctionnaires concernés le même jour.
Le juge en chef Minallah a rendu lʼarrêt au nom de la Haute Cour.
La seule question examinée par la Haute Cour était les circonstances de lʼenlèvement de Matiullah Jan et lʼétat de lʼenquête à ce sujet.
Dʼemblée, le requérant a allégué que, compte tenu des circonstances dans lesquelles Matiullah Jan a été enlevé, cela constituerait un cas prima facie de disparition forcée. La Cour a accepté la demande du requérant.
Lʼinspecteur général adjoint de la police dʼIslamabad a déclaré que les enquêtes relatives à lʼenlèvement de Matiullah Jan étaient en cours et que tout était mis en œuvre pour appréhender et poursuivre les ravisseurs. Malgré cette assurance, la Haute Cour a exprimé sa préoccupation concernant lʼimpunité croissante des crimes contre les journalistes et leurs reportages.
La Cour a déclaré catégoriquement que lʼimpunité pour les crimes commis contre les journalistes était une véritable entorse aux droits fondamentaux des individus. Notant lʼimportance de la profession de Matiullah Jan, la Haute Cour a estimé que même la perception dʼune implication de lʼÉtat dans des crimes contre des journalistes était suffisante pour créer un effet paralysant sur la liberté dʼexpression, par crainte dʼune réaction de lʼÉtat. La Cour a déclaré que cette perception même violait également le droit fondamental du grand public à la liberté de parole et dʼexpression, à la liberté de la presse et le droit dʼun citoyen dʼaccéder aux informations dʼimportance publique, ainsi que le consacraient les articles 19 et 19A de la Constitution de la République islamique du Pakistan de 1973. La Haute Cour a explicitement déclaré quʼil est du devoir de lʼÉtat de dissiper cette impression que lʼÉtat supprime les reportages journalistiques légaux. Elle a estimé que, dans les conditions où la liberté dʼexpression ne constitue pas un discours de haine, elle est un attribut important dʼune société civilisée.
Tout en soulignant lʼimportance de la liberté dʼexpression, la Cour a observé que « la suppression de la liberté dʼexpression conduit à des sociétés régressives » [§ 4]. La Cour rappelle quʼune presse libre joue le rôle dʼun contre-pouvoir et que, par conséquent, toute ingérence « dans sa capacité à diffuser des informations et à demander des comptes à lʼÉtat et à ses institutions prive définitivement le peuple de la jouissance de ses droits » [§ 4]. La Cour a en outre estimé qu’une presse libre permet à une société de prospérer, car « la vérité, et la connaissance de la vérité, est une panacée contre la pauvreté, lʼérosion de lʼétat de droit, la régression et le chaos » [§ 4].
La Haute Cour a réaffirmé quʼil appartient au gouvernement fédéral de « démontrer quʼil existe une volonté politique de mettre fin à lʼimpunité pour les crimes contre les citoyens et de protéger les journalistes contre les atteintes à lʼexercice de la liberté dʼexpression » [§ 5]. Le simple enregistrement des cas sans action positive est insuffisant. La Cour a estimé quʼil sʼagirait dʼun important « cas test » pour que le gouvernement établisse un précédent solide pour montrer quʼil nʼétait ni impliqué dans le crime, ni complaisant à son égard. La Cour a également déclaré que lʼÉtat de droit devrait être si puissant que des crimes de cette nature ne soient pas commis en premier lieu.
En conclusion, la Haute Cour a affirmé quʼelle était confiante que le gouvernement fédéral prendrait des mesures pour sʼassurer que « ceux qui ont tenté de terroriser les journalistes en tant que cible à part entière et le public en général » [§ 6] seraient appréhendés. En particulier, les auteurs de ce crime dʼenlèvement de Matiullah Jan seraient montrés en exemple, afin de dissuader les autres de commettre de tels crimes. La Haute Cour a déclaré avec insistance quʼelle sʼattendait à ce que lʼenquête sur cette affaire soit menée avec transparence et diligence, de sorte qu’« aucun journaliste dans le pays ne craigne dʼêtre lésé d’avoir exposé la vérité » [§ 6].
En outre, lorsque la procédure dʼoutrage a été engagée par la Cour suprême le 22 juillet 2020, cette dernière a demandé des informations sur lʼenlèvement de Matiullah Jan et a demandé à la police de soumettre un rapport à ce sujet. La Cour suprême a alors utilisé le terme d’enlèvement « présumé ». En outre, la Cour suprême aurait déclaré quʼaucune institution ou agence nʼavait le droit de prendre la loi à son compte. La Cour suprême a également exprimé son mécontentement sur le fait que la police nʼait pas enregistré la déclaration de Matiullah Jan dès sa libération par ses ravisseurs. Lors des audiences ultérieures dans cette affaire, la Cour suprême aurait exprimé son mécontentement quant à lʼétat dʼavancement de lʼenquête de police dans lʼaffaire de lʼenlèvement. Selon le rapport de police déposé, des enquêtes étaient en cours, et une équipe dʼenquête spéciale avait été mise en place pour examiner lʼaffaire. Le rapport indiquait que la police attendait des réponses/rapports de divers autres départements auxquels elle avait demandé de lʼaide. En réponse au rapport de la police dans cette affaire, la Cour suprême aurait indiqué que le rapport nʼétait pas satisfaisant et que le chef de la police n’a pas su comment mener l’enquête sur cette affaire. La Cour Suprême a ordonné que lʼaffaire soit confiée à un agent compétent et a accordé à la police un délai dʼun mois pour déposer un rapport détaillé.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
Cette décision souligne sans équivoque lʼimportance de la liberté de la presse, de la liberté de parole et dʼexpression et lʼimpact de lʼimpunité des crimes commis contre les journalistes « sur la société et les droits fondamentaux du public en général »[§ 4]. La Cour a estimé quʼil est du devoir de lʼÉtat de dissiper toute perception publique selon laquelle lʼÉtat sanctionne ou est impliqué dans des crimes contre des journalistes, en réaction à leurs reportages. La Cour a reconnu quʼune telle perception a un effet dissuasif majeur sur la liberté dʼexpression, encourage lʼextrémisme et contribue à rendre une société régressive. Cette affaire établit un solide précédent en faveur dʼune presse qui peut exercer librement ses fonctions, sans aucune interférence déraisonnable de lʼÉtat.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
Faites-nous savoir si vous remarquez des erreurs ou si l'analyse de cas doit être révisée.