Liberté académique, Diffamation / réputation, SLAPPs
Mineral Sands Resources (Pty) Ltd. C. Reddell; Mineral Commodities Limited c. Dlamini; Mineral Commodities Limited c. Clarke
Afrique du Sud
Affaire résolue Élargit l'expression
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La Cour interaméricaine des droits de l’homme (Cour) a conclu que l’Équateur avait violé le droit à la liberté d’expression d’Emilio Palacio Urrutia, Carlos Nicolás Pérez Lapentti, Carlos Eduardo Pérez Barriga et César Enrique Pérez Barriga, prévu à l’article 13 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme (Convention). La Cour a jugé les condamnations pénales et les sanctions civiles contre les personnes susmentionnées pour la publication de l’article « NON aux mensonges » qui critiquait le président de l’époque Rafael Correa, étaient disproportionnées et pouvaient avoir un effet dissuasif risquant d’inhiber la diffusion des idées, des opinions et des informations. La Cour a également estimé que l’article était une forme de discours protégé qui méritait une protection particulière, puisqu’il s’agissait d’un article d’opinion, sur un fonctionnaire et sur une question d’intérêt public.
Le 30 septembre 2010, des membres de la police nationale de l’Équateur ont entamé une manifestation dans laquelle « ils ont cessé de travailler, bloqué les routes et l’entrée du Parlement de Quito » [para. 54]. Le président du pays, Rafael Correa, a décidé de visiter le régiment de Quito, mais lorsqu’il a voulu partir, les policiers ne le lui ont pas permis. L’équipe de sécurité du président l’a conduit à l’hôpital de la police, où « il était entouré de policiers qui bloquaient sa sortie » [para. 54]. Après une violente confrontation entre la police et les forces spéciales de l’armée, le président Correa a quitté l’hôpital. Deux policiers, deux militaires et un étudiant ont trouvé la mort pendant ces événements.
Cette situation a entraîné une crise politique et suscité un « intérêt public notoire, provoquant diverses interprétations et réactions de l’opinion publique » [par. 56]. Le 6 février 2011, le journaliste Emilio Palacio Urrutia a publié dans le journal El Universo un article intitulé « NO a las mentiras » (NON aux mensonges) dans lequel il critiquait Correa pour les événements du 30 septembre, le qualifiant de dictateur, le décrivant sarcastiquement comme un chrétien dévot et un homme de paix. Dans l’article, Palacio suggérait également qu’au lieu d’accorder un pardon aux policiers impliqués (comme Correa a suggéré de le faire), le président devrait accorder une amnistie générale.
Le journaliste a terminé son article par les mots suivants : « avec un pardon, un nouveau président, peut-être un adversaire, pourrait traduire [Correa] devant un tribunal pénal pour avoir pris la décision de tirer à volonté et sans avertissement dans un hôpital rempli de civils et de personnes innocentes. Ne l’oubliez pas, les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles » [para. 112].
Le 21 mars 2011, le président de l’époque Correa a déposé une plainte pénale contre Emilio Palacio Urrutia, Carlos Nicolás Perez Lapentti, César Enrique Pérez Barriga, Carlos Eduardo Pérez et la société El Universo, les accusant de « diffamation grave contre l’autorité » [para. 57]. À ce moment, Pérez Lapentti était PDG et représentant légal d’El Universo, et sous-directeur du « New Media » au journal. Carlos Pérez Barriga était vice-président exécutif, représentant légal du journal et directeur de la rédaction et César Pérez Barriga était vice-président général et représentant légal d’El Universo [para. 52].
Le 20 juin 2011, le juge de la 15e chambre du Tribunal pénal de Guayas a jugé que Emilio Palacio, Carlos Pérez Lapentti, Cesar Pérez Barriga et Carlos Pérez Barriga étaient coupables du crime susmentionné. Ils ont été condamnés à trois ans de prison et à une amende de onze dollars. De même, ils ont été condamnés à payer 30 000 000 $US en dommages et intérêts en faveur de Correa. En outre, le journal El Universal a été condamné à payer 10 000 000 $US de dommages et intérêts. « Le 7 juillet 2011, Palacio Urrutia a quitté son emploi au journal et le 20 août, il a obtenu l’asile politique aux États-Unis d’Amérique, où il réside actuellement » [para. 51]. Les accusés ont fait appel du verdict devant la deuxième chambre des affaires pénales de la Cour provinciale de justice de Guayas. La Cour a confirmé la décision, décidant que les défendeurs avaient agi avec préméditation, « portant, en effet, atteinte à l’honneur et à la réputation de l’économiste Rafael Vicente Correa Delgado » [para. 68].
Les 27, 28 et 30 septembre 2011, Palacio Urrutia et les représentants légaux d’El Universo, César Pérez Barriga, Carlos Eduardo Pérez Barriga et Carlos Nicolás Pérez Lapentti ont présenté un « Recurso de Casación » (appel en cassation), contre la décision de la Cour provinciale de Guayas. La Cour provinciale a saisi la Cour nationale de justice pour statuer sur l’appel formé par les condamnés. La Cour de Guayas a rejeté le recours présenté par Palacio, arguant que le journaliste, ou ses avocats n’étaient pas présents à l’audience d’appel.
Palacio a introduit un recours de fait contre cette décision le 7 octobre 2011 et la Cour provinciale de Guayas a renvoyé le procès à la chambre pénale de la Cour nationale de justice « pour statuer sur le fond de la requête ». [para. 74].
Le 17 février 2012, la Cour nationale de justice a confirmé les condamnations pénales contre César Pérez, Carlos Eduardo Pérez et Carlos Nicolás Pérez. Pour la Cour nationale de justice, les décisions rendues par les juridictions inférieures « n’ont pas violé les principes ou précédents internationaux » [para. 73]. Pour sa part, « la chambre pénale de la Cour nationale de justice a rejeté, en décembre 2011, l’appel de fait présenté par Emilio Palacio Urrutia » [para. 74].
Le 21 février 2012, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (Commission) a accordé des mesures conservatoires en faveur d’Emilio Palacio, Carlos Nicolás Pérez Lapentti, Carlos Pérez Barriga et César Pérez Barriga. Pour la CIDH, les décisions rendues par la justice pourraient causer « un préjudice irréparable au droit à la liberté d’expression des victimes » [para. 75]. La Commission a donc demandé au gouvernement équatorien de suspendre les effets des condamnations pénales.
Le 27 février 2012, le président Correa a informé la Cour nationale de justice de « sa décision d’accorder une grâce au profit « d’Emilio Palacio Urrutia, Carlos Nicolás Pérez Lapentti, Carlos Eduardo Pérez Barriga, César Enrique Pérez Barriga et la société anonyme El Universo ». De même, [Correa] a demandé également l’abandon de l’obligation de payer des dommages-intérêts » [par. 76].
La Cour nationale de justice a accepté la demande le 28 février 2012 et a ordonné la clôture de l’affaire.
« Le 16 octobre 2019, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a soumis à la Cour interaméricaine des droits de l’homme l’affaire Emilio Palacio Urrutia et autres c. Équateur » [para. 1]. Selon la Commission, la procédure pénale de diffamation intentée par le président de l’époque qui a conduit à des condamnations pénales pour la publication d’un article d’opinion a violé la liberté d’expression d’Emilio Palacio Urrutia, Carlos Nicolás Pérez Lapentti, Carlos Eduardo Pérez Barriga et César Enrique Pérez Barriga, les victimes.
La Cour a analysé la responsabilité internationale de l’État équatorien concernant les violations de la liberté d’expression des requérants. La principale question dont était saisie la Cour était de savoir si les condamnations pénales et les sanctions civiles pour diffamation prononcées par les tribunaux nationaux de l’Équateur à l’encontre des victimes violaient leur droit à la liberté d’expression, leur liberté de circulation et leur droit au travail.
La Commission a fait valoir que « l’État a utilisé le droit pénal, l’instrument le plus sévère et le plus restrictif, pour sanctionner une forme d’expression protégée » [para. 84]. Pour la Commission, l’article de Palacio traitait d’une question d’intérêt public portant sur des actions du président dans le cadre de ses fonctions d’élu. De même, la Commission a également fait valoir que la rubrique de Palacio était « un article d’opinion reflétant des jugements de valeur plutôt que des faits » [para. 84]. Ainsi, pour la Commission, l’État de l’Équateur a violé l’article 13 de la Convention.
L’Équateur a reconnu sa responsabilité internationale concernant la violation de l’article 13 de la Convention. De l’aveu même de l’État, les sanctions pénales imposées à Palacio Urrutia et aux dirigeants d‘El Universo, avec les réparations civiles, « ne répondaient pas à un besoin social impérieux, étaient inutiles et disproportionnées, et bien qu’elles n’aient jamais été appliquées, elles auraient pu avoir un effet dissuasif sur les requérants » [para. 19].
La Cour a amorcé ses réflexions en réitérant plusieurs principes régionaux sur la liberté d’expression. Suite au précédent établi dans des affaires comme La Dernière Tentation de Christ c. Chili et Lagos del Campo c. Pérou, la Cour a jugé que la liberté d’expression constitue une pierre angulaire dans l’existence des sociétés démocratiques et représente un « droit qui protège la diffusion non seulement d’idées favorables ou inoffensives, mais aussi de celles qui sont (« ingratas » ) irrespectueuses envers l’État ou tout autre pan de la population » [para. 87]. Ainsi, à la suite de l’affaire Herrera Ulloa c. Costa Rica, la Cour a déclaré que « toute condition, restriction ou sanction [à la liberté d’expression] doit être proportionnée au but légitime qu’elle vise à protéger » [para. 87].
La Cour a également cité l’affaire Bedoya Lima c. Colombie pour souligner l’idée que « toute mesure qui interfère avec les activités journalistiques, entrave inévitablement la liberté d’expression individuelle et collective » [para. 94].
Dans cette optique, la Cour a noté que le recours par des agents publics à des poursuites pénales en diffamation, dans le but de faire taire les critiques sur des questions d’intérêt public, constitue une menace pour la liberté d’expression. « Ce type de procédures, connues sous le nom de « procédure-bâillon » (poursuite stratégique contre la mobilisation publique (SLAPP)), constitue un usage abusif des mécanismes judiciaires qui méritent d’être réglementés et contrôlés par les États afin de protéger l’exercice effectif de la liberté d’expression » [para. 95]. La Cour a également souligné le fait que, comme indiqué dans l’affaire Mémoli c. Argentine, la liberté d’expression n’est pas un droit absolu. Néanmoins, les restrictions à ce droit devraient être exceptionnelles. La Cour a également mentionné que, conformément au précédent établi par l’affaire Álvarez Ramos c. Venezuela, les responsabilités qui en résultent peuvent constituer des restrictions valables à la liberté d’expression, dans les cas « où le droit à l’honneur ou à la réputation est affecté » [para. 100].
Tenant compte des normes susmentionnées, la Cour « a examiné la compatibilité entre la Charte américaine et les sanctions imposées aux victimes » par les tribunaux nationaux de l’Équateur [para. 110]. Pour cela, la Cour a d’abord examiné si l’article publié par Palacio portait sur un sujet soumis au débat public. La Cour a noté, qu’au moins trois critères doivent alors être remplis : a) l’élément subjectif, c’est-à-dire que la personne visée doit être un fonctionnaire au moment où les allégations ont été faites dans les médias, b) l’élément fonctionnel, c’est-à-dire que la personne visée a agi en tant qu’agent public dans les faits en question, et c) le sujet en question constitue une question d’intérêt public » [para. 113].
Compte tenu de ces critères, la Cour a conclu que les événements du 30 septembre 2011 revêtaient une grande importance pour le paysage politique de l’Équateur et que le président était une figure centrale de l’arène politique du pays et un participant éminent des événements et des actions ultérieures portant sur la possibilité d’accorder la grâce aux policiers impliqués. Ainsi, pour la Cour, « il ne fait aucun doute [que l’article de Palacio] faisait référence à des questions d’intérêt public méritant d’être protégées par le droit à la liberté d’expression » [para. 113].
Pour la Cour, l’article publié par Palacio était un article d’opinion. Bien qu’exagéré sur certains points, il contenait des points de vue et exprimait une position critique par rapport aux événements d’intérêt public qui se déroulaient en Équateur. La Cour a donc mentionné que « les articles d’opinion sur des questions d’intérêt public bénéficient d’une protection spéciale en raison de l’importance de ce type de discours dans une société démocratique » [para. 115].
La Cour s’est ensuite de nouveau référée à l’affaire Alvarez Ramos c. Venezuela. Dans cette affaire, la Cour avait jugé que le recours au droit pénal n’était pas compatible avec la Convention « dans la protection de l’honneur des agents publics » en cas de conflit portant sur un discours protégé en matière d’intérêt public [para. 120]. Appliquant ce précédent, la Cour a conclu qu’en l’espèce, l’Équateur avait violé l’article 13 de la Convention puisque les victimes avaient été sanctionnées pénalement pour un article d’opinion critique à l’égard du président du pays, dans l’exercice de ses fonctions.
La Cour a noté que les sanctions imposées à El Universo, le journal qui a publié l’article de Palacio, ont eu « un effet dissuasif qui a inhibé la diffusion d’idées, d’opinions et d’informations […] Plusieurs témoins ont déclaré que le procès et la condamnation avaient modifié le contenu de ce que le journal publie, le travail éditorial et l’environnement de travail, provoquant une crainte de perdre son emploi en cas de faillite éventuelle du journal » [para. 124].
La Cour a également considéré que le montant de la condamnation était une sanction disproportionnée pouvant clairement avoir un effet inhibant « sur l’exercice de la liberté d’expression, aussi intimidante qu’une sanction pénale, puisqu’il compromet la vie personnelle et familiale de celui qui dénonce, ou comme dans ce cas, sur la publication d’informations sur un fonctionnaire, avec un résultat négatif évident d’autocensure » [par. 125].
Dans cette optique, la Cour a conclu que l’Équateur avait effectivement violé l’article 13 de la Convention, puisque la diffusion « d’un article d’opinion sur une question d’intérêt public faisant référence à un agent public » ne peut être sanctionnée par des mesures pénales en matière d’atteinte à l’honneur [para. 127].
La Cour a également estimé que l’État équatorien avait également violé à la fois le droit à la liberté de circulation et de résidence (art. 22 de la Convention) et le droit au travail (art. 26 de la Convention), d’Emilio Palacio Urrutia, en relation directe avec sa liberté d’expression. La Cour a soutenu que Palacio avait dû quitter le pays et demander l’asile politique « en raison du climat de terreur dans lequel il vivait » [para. 149]. Palacio a déclaré qu’il était menacé sur Twitter, que son fils avait reçu des menaces de mort et qu’il risquait d’aller en prison en raison de ses opinions. Selon la Cour, l’État n’a pas protégé Palacio contre les menaces contre lui et sa famille, « ni pris les mesures appropriées garantissant le retour volontaire, honorable et en toute sécurité du journaliste » [para. 150]. Cette situation a entraîné une restriction indirecte de la liberté d’expression de Palacio.
De même, la Cour a estimé que le fait que Palacio ait quitté son emploi à El Universal en raison du conflit avec le président, ainsi que le fait que Palacio « n’ait pas pu trouver d’emploi en Équateur, en raison de l’effet dissuasif que la procédure pénale a eu contre lui « [para. 160] – le poussant finalement à quitter le pays pour vivre aux États-Unis -, a affecté ses possibilités d’exercice du journalisme et « a violé son droit à la stabilité de l’emploi » [para. 160] en rapport avec son droit à la liberté d’expression.
À titre de réparations, la Cour a ordonné à l’État d’adopter toutes les mesures nécessaires pour annuler les condamnations prononcées par la justice équatorienne contre les victimes. La Cour a également ordonné à l’État, comme garantie de non-répétition, d’adopter des mesures législatives visant à promouvoir la liberté d’expression et à empêcher les fonctionnaires d’utiliser des procédures en diffamation pour faire taire les critiques adressées à leur travail dans la sphère publique. De même, « l’État doit établir des moyens, autres que les procédures pénales, pour protéger l’honneur des fonctionnaires publics dans le contexte susmentionné » [par. 182].
La Cour a également ordonné à l’État de « créer et de mettre en œuvre, dans un délai d’un an, un plan de formation de ses agents publics, afin de garantir qu’ils possèdent les connaissances requises en matière de droits de l’homme » [par. 183], basé « sur la jurisprudence du système interaméricain de protection des droits de l’homme en matière de liberté d’expression » [para. 183].
La Cour a également ordonné à l’État de payer à Emilio Palacio Urrutia la somme de 20 000 $US en dommages matériels et 30 000 $US en dommages moraux. En outre, la Cour a ordonné de verser à Carlos Nicolás Pérez Lapentti, Carlos Eduardo Pérez Barriga et César Enrique Pérez Barriga la somme de 20 000 $US en réparation des dommages moraux causés.
Le juge Humberto Sierra Porto a présenté un vote concordant. Il y a soutenu que « l’article 13.2 de la Convention américaine des droits de l’homme n’exclut pas la possibilité de sanctions pénales pour assurer « le respect des droits ou de la réputation d’autrui » ou « la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique » [para. 11]. Pour lui, il y a des cas où des expressions causant des dommages sérieux peuvent justifier le recours au droit criminel. Le juge Porto a déclaré qu’il était d’accord dans cette affaire spécifique avec la décision de la Cour dans la mesure où l’État avait violé le droit à la liberté d’expression des victimes. Néanmoins, il s’opposait à « la tendance à dépénaliser les infractions de diffamation » puisqu’elle affaiblit la garantie d’autres droits de l’homme qui pourraient être affectés par l’abus du droit à la liberté d’expression [para. 16]. Selon Sierra Porto, chaque cas mérite une évaluation spécifique, à la lumière des critères précédemment élaborés par la Cour elle-même. Il faudrait alors éviter d’adopter une règle absolue ou une approche dogmatique.
Les juges Eduardo Ferrer MacGregor Poison et Ricardo Pérez Manrique, ont également présenté un vote concordant. Pour eux, « la protection du discours d’opinion sur des questions d’intérêt public pourrait être plus étendue dans cette affaire » [para. 26]. Plus précisément, ils ont évoqué le fait que des pays « comme le Ghana, l’Estonie, la Jamaïque, le Mexique et le Zimbabwe ont décriminalisé la diffamation » [para. 30]. Les juges ont également cité des affaires de la Cour européenne des droits de l’Homme telles que Dichand et Ors c. Autriche, Lingens c. Autriche et Mamére c. France, dans lesquelles il a été jugé que les opinions méritaient une protection spéciale plus étendue contre la diffamation.
Les juges Ferrer Mac-Gregor et Pérez sont d’avis que la Cour aurait dû faire une « interprétation plus sophistiquée de l’article 13 de la Convention, conformément aux réalités de notre époque et aux progrès du droit régional et international en la matière [ …] établissant que la criminalisation du discours d’opinion, sur des questions d’intérêt public, est interdite par la Convention américaine, n’autorisant que les procédures civiles et le droit de réponse comme meilleurs moyens de protéger l’honneur et la réputation » [para. 32].
Le juge Eugenio Raúl Zaffaroni a présenté à la Cour son vote dissident. Selon Zaffaroni, la Cour aurait dû dégager l’État équatorien de toute responsabilité internationale. Pour ce juge, l’article d’opinion rédigé par Palacio était une calomnie dont l’objectif n’était pas d’intérêt public, mais plutôt « de disqualifier un représentant de l’État et de sous-estimer la gravité de la menace contre laquelle il agissait » [para. 137]. La Cour aurait donc commis une erreur, lorsqu’elle n’a considéré que le droit à la liberté d’expression et le droit à l’honneur, puisqu’elle aurait dû inclure dans son examen « la préservation de l’ordre constitutionnel et l’image du pouvoir démocratique de l’État » [para. 138].
Pour le juge Zaffaroni, l’article publié dans El Universo de Palacio n’était pas un simple article d’opinion, car « tout lecteur peut percevoir dans ce texte que l’auteur portait une accusation, en précisant le temps, le lieu et l’occasion » contre le président Correa, d’avoir ordonné de tirer dans un hôpital au milieu d’une rébellion armée, sans en apporter la moindre preuve [para. 140].
Pour ces raisons, le juge Zaffaroni a estimé que l’État n’avait enfreint aucun article de la Convention.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
Cette décision de la Cour élargit la liberté d’expression. La décision réitère une tendance de certains tribunaux internationaux cherchant à décriminaliser la diffamation dans les affaires d’intérêt public et élargissant ainsi le champ de protection de la liberté d’expression dans la région. Il convient de noter qu’en matière de réparations, la Cour a ordonné à l’État de prendre des mesures législatives contre les poursuites-bâillons et de former ses agents publics aux normes internationales en matière de liberté d’expression. Cette conclusion a le potentiel de favoriser un meilleur environnement pour le débat démocratique et l’exercice du journalisme critique.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
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