Licences / réglementation des médias, Liberté de la presse
Union burundaise des journalistes c. procureur général
Burundi
En cours Élargit l'expression
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Radio Caracas Television (RCTV) est une station de télévision du Venezuela qui transmettait des reportages d’actualité et des programmes d’opinion qui critiquaient souvent le gouvernement du président Hugo Chávez au pouvoir à l’époque. Le gouvernement Chávez a accusé, à plusieurs occasions, la station RCTV d’être en faveur d’un coup d’état et de la déstabilisation du gouvernement du Venezuela. L’accréditation de RCTV n’a donc pas été renouvelée. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que le gouvernement du Venezuela a refusé de renouveler la licence de RCTV à cause de ses critiques envers le gouvernement. La Cour a conclu que l’action de l’état constituait une violation de l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme qui garantit le droit à la liberté d’expression.
Radio Caracas Television (RCTV) est une station de télévision du Venezuela qui transmettait des reportages d’actualité et des programmes d’opinion qui critiquaient souvent le gouvernement du président Hugo Chávez. Suite à la crise politique au Venezuela entre 2001 et 2002, de hauts responsables gouvernementaux ont affirmé que RCTV a soutenu le coup d’état contre le Chávez. Le gouvernement a aussi allégué que RCTV n’a couvert que les partisans du coup d’état mais pas les protestations en faveur de Chávez. L’accréditation de CTV qui l’autorisait à opérer en tant que station d’informations était valable jusque la fin de 2007 mais après le retour au pouvoir de Chavez en tant que président du Venezuela en 2002, il a entrepris plusieurs actes à l’encontre de RCTV.
Chavez a déclaré dans des entretiens et des discours en direct que RCTV est une station qui apporte son soutien au coup d’état, au terrorisme et à la déstabilisation du gouvernement du Venezuela. [paras. 75-84] Il a également ajouté que le gouvernement était l’unique propriétaire des ondes hertziennes et était en position de décider de l’octroi ou du retrait des licences d’exploitation. Avant la date d’expiration de la licence de RCTV, Chávez a déclaré que la concession de RCTV allait prendre fin et que la décision était définitive. L’agence en charge de l’octroi des licences de télécommunications n’a pas renouvelé la licence à deux occasions parce que la station aurait enfreint plusieurs dispositions relatives à la responsabilité sociétale des radios et télévisions.
Le gouvernement du Venezuela a soutenu que l’action entreprise à l’encontre de RCTV était constitutionnelle du moment où le gouvernement est l’unique propriétaire des ondes hertziennes et que l’opération a été entreprise selon des exigences légales. L’agence gouvernementale a aussi affirmé qu’il était du devoir du gouvernement du Venezuela de promouvoir le pluralisme du contenu dans les ondes de télévision. L’agence a aussi affirmé que RCTV ne subissait pas de sanction mais que sa licence venait à expiration. Après le refus de renouvellement de sa licence, RCTV a entrepris plusieurs actions en justice contre l’agence auprès des tribunaux du Venezuela en avançant que la station détenait un droit préférentiel à la concession. C’est en 2010 que RCTV a déposé une requête auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. En 2013, la Commission a soumis son rapport et l’affaire à la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
Le jugement de la Cour interaméricaine des droits de l’homme a été rendu par le juge Antonio Sierra Porto , Président de la Cour. La principale question que la Cour devait trancher était si le gouvernement du Venezuela avait violé le droit à la liberté d’expression des représentants de RCTV en vertu de l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme. Selon le raisonnement de la Cour, si l’on arrive à déterminer que le gouvernement du Venezuela a fait subir à RCTV des discriminations, cela représentait suffisamment de preuve pour juger que le droit de RCTV à la liberté d’expression en vertu de l’article 1.1 de la Convention américaine des droits de l’homme a été violé.
La cour a d’abord procédé à l’examen de toutes les normes applicables portant sur la liberté d’expression et notamment l’interprétation de la Cour de l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme (Pacte de San José). Ensuite, la Cour a établi que le droit à la liberté d’expression consacré par l’article 13 de la Convention américaine ne reconnait pas les personnes morales telles que RCTV. Toutefois, les entreprises de médias sont considérées comme étant des facilitateurs de la liberté d’expression et s’acquittent d’un rôle important dans les sociétés démocratiques. [para. 148]. Dans l’affaire présente, même si l’action publique a touché une station TV, elle a aussi touché le droit à la liberté d’expression des individus qui diffusaient leurs idées à travers la station. [para. 148] La Cour a également estimé qu’il était de la prérogative de l’état de réguler son propre processus d’octroi de licences de télédiffusion tout en étant tenu par son devoir de protéger le droit à la liberté d’expression. [para. 165]
Néanmoins, la Cour a jugé que RCTV n’avait aucun droit préférentiel à la concession d’une licence. Rien dans la législation nationale du Venezuela ni dans le droit international ne prouvait l’existence d’une obligation amenant l’état à renouveler une licence pour une quelconque entreprise de télédiffusion. [para. 179] et elle n’a pas non plus accepté totalement les arguments avancés par l’état pour le non renouvellement de la licence de RCTV. Le gouvernement du Venezuela avait avancé que l’objectif de l’état derrière le non renouvellement de la licence de RCTV était la protection du pluralisme dans les médias. [para. 188] La Cour a estimé que d’après les preuves présentées qui comptaient aussi des déclarations de responsables gouvernementaux et du Président Chávez, l’objectif et le but derrière le refus de la licence de RCTV était d’infliger une punition à l’entreprise pour avoir exprimé des points de vue critiques envers le gouvernement. [para. 189]
La Cour a considéré que la décision de ne pas renouveler la licence de RCTV a été prise avant la date de son expiration et que cette même décision était prise directement par le pouvoir exécutif (le Président). [para. 193] Pour ces raisons, la Cour a conclu que l’objectif réel du gouvernement à travers le refus de renouveler la licence de RCTV était de réagir aux critiques adressées par RCTV au gouvernement en s’appuyant sur des irrégularités alléguées. [para. 194] La Cour a aussi ajouté qu’il n’était pas possible de violer le droit à la liberté d’expression à cause de critiques adressées par des médias au gouvernement. L’état se doit de garantir le droit à la liberté d’expression surtout quand l’expression n’est pas favorable au gouvernement lui-même. [para. 194]
La Cour a jugé que le gouvernement a abusé de son pouvoir lorsqu’il a refusé le renouvellement de la licence de RCTV. La Cour a aussi jugé que l’abus de pouvoir a eu un effet négatif immédiat sur l’exercice de la liberté d’expression. Le peuple du Venezuela a été privé de la ligne éditoriale qui caractérise RCTV juste parce que cette télévision critiquait le gouvernement. [para. 198] Selon la Cour, le vrai objectif derrière le comportement du gouvernement était de faire taire les critiques en violation de l’esprit même du droit à la liberté d’expression qui se fonde sur le pluralisme, la tolérance et l’ouverture. [para. 198]
La Cour a finalement déterminé que le gouvernement a pratiqué une discrimination à l’encontre de RCTV à cause de sa position politique et ce en violation de l’article 1.1 de la Convention américaine. La Cour a encore affirmé que l’état avait violé le droit à la liberté d’expression et que la discrimination à l’encontre de RCTV pouvait avoir un effet négatif sur les autres stations de télédiffusion qui expriment des positions opposées au gouvernement. [para. 234-35] La Cour a accordé des réparations aux représentants de RCTV et a ordonné au gouvernement du Venezuela de : (1) rétablir la concession de RCTV (sans reconnaître un droit de propriété quelconque de RCTV sur la concession) et de retourner l’équipement de la station ; (2) créer un processus ouvert, transparent et indépendant pour l’octroi des fréquences hertziennes ; (3) publier un résumé du jugement de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans les journaux nationaux; (4) prendre les mesures nécessaires pour que toutes les opérations de concession de licences de télédiffusion soient ouvertes, transparentes et indépendantes ; et (5) payer des compensations pour tous les dégâts matériels et immatériels causés. La Cour a aussi décidé de laisser l’affaire en suspens pendant une année jusqu’à ce que le Gouvernement du Venezuela se conforme au jugement.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
La décision de la Cour étend la liberté d’expression en créant un précédent important en la matière dans le continent américain. Plusieurs experts ont convenu de l’importance de cette décision et de la manière dont elle garantit la protection du droit à la liberté d’expression sur le continent américain. La décision de la Cour peut constituer une percée dans la mesure où elle a affirmé l’importance de la liberté d’expression dans une société démocratique et le devoir de l’état de protéger tous les types de discours même s’ils ne sont pas favorables au gouvernement en exercice.
La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.
L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.
Les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sont contraignantes pour tous les états membres. En 2012, le Venezuela a récusé la compétence de la Cour avec une entrée en vigueur en 2013. Toutefois, la Cour a statué qu’elle avait compétence en la matière parce que les faits de l’espèce précédaient la récusation exprimée par le Venezuela.
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