Yoani Sánchez c. Cuba

Affaire Résolue élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Communication électronique / basée sur l'internet
  • Date de la Décision
    octobre 30, 2021
  • Résultat
    ACHR ou Déclaration Américaine des Droits et Devoirs Violation
  • Numéro de Cas
    Report No. 297/21, CASE 13.639; Ser. L OEA/Ser.L/V/II, Doc. 307
  • Région et Pays
    Cuba, Amérique latine et Caraïbes
  • Organe Judiciaire
    Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH)
  • Type de Loi
    Droit international/régional des droits de l'homme
  • thèmes
    Réglementation du contenu / censure, Expression politique, Liberté de la presse, Surveillance
  • Mots-Cles
    Blog, Filtrage et blocage, Arrestation et détention illégale

Ce cas est disponible dans d'autres langues:    Voir en : English    Voir en : Español

Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a tenu Cuba pour responsable des violations des droits de l’homme subies par Yoani María Sánchez Cordero, journaliste et blogueuse bien connue qui critique le gouvernement cubain, notamment de détentions arbitraires, de campagnes de diffamation, d’écoutes illégales, de blocages d’Internet et autres violations.  Yoani Sanchez a déposé une requête contre Cuba le 28 septembre 2012, affirmant que le gouvernement cubain avait bloqué son blog « Generación Y » et qu’elle avait subi des détentions et des agressions et a été confrontée à des obstacles pour quitter le pays, des écoutes téléphoniques, des intimidations, des menaces et des campagnes de diffamation de la part du gouvernement cubain pendant plusieurs années. Le 9 novembre 2012, la CIDH a prononcé des mesures conservatoires en faveur de Yoani Sanchez, ordonnant à Cuba de garantir sa vie et son intégrité physique et celles de sa famille. Pour sa part, Cuba n’a présenté aucun argument et n’a pas répondu aux demandes de la CIDH dans cette affaire. La CIDH a soutenu qu’il existe un modèle structurel de persécution, de censure et de violence contre les journalistes d’opposition à Cuba. Elle a également estimé que le cadre juridique constitutionnel cubain viole le droit à la liberté d’expression, consacré par la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, en subordonnant la libre diffusion des idées aux objectifs de l’État socialiste. En outre, la CIDH a conclu que la requérante, Yoani Sánchez, avait été victime de deux détentions illégales et arbitraires, au cours desquelles elle avait été agressée physiquement et la police cubaine a tenté de la dénuder de force. La CIDH a également constaté que l’État avait empêché la requérante de quitter le pays à vingt reprises sans lui donner de raison valable. En outre, la CIDH a estimé que la requérante avait fait l’objet d’une campagne de diffamation de la part du gouvernement cubain et qu’elle avait été menacée, harcelée et intimidée. La CIDH a également estimé que les communications de la requérante avaient été interceptées, que son blog avait été bloqué et que toutes ses plaintes et pétitions adressées aux autorités de l’État n’avaient jamais reçu de réponse.

La CIDH a conclu que Cuba avait violé les droits reconnus aux articles I (Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle), II (Droit à l’égalité devant la loi), IV (Droit à la liberté d’investigation, d’opinion, d’expression et de diffusion.), V (Droit à la protection de l’honneur, de la réputation personnelle et de la vie privée et familiale), VIII (Droits de résidence et de déplacement.).  X (Droit à l’inviolabilité et à la libre circulation de la correspondance), XVIII (Droit à la justice), XXI (Droit de réunion), XXIV (Droit de pétition), XXV (Droit de protection contre les arrestations arbitraires) et XXVI (Droit à un procès régulier) de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme. Enfin, la CIDH a ordonné une réparation intégrale en faveur de la requérante et des garanties de non-répétition afin d’éviter de futures violations des droits humains à l’encontre de Yoani Sánchez et d’autres journalistes critiques à l’égard du gouvernement cubain.


Les Faits

Le 28 septembre 2012, Yoani María Sánchez Cordero a déposé plainte contre Cuba devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). Yoani María Sánchez Cordero est une journaliste indépendante et blogueuse cubaine, bien connue à Cuba et dans le monde entier, pour ses critiques du gouvernement autoritaire cubain sur son blog « Generación Y ».

Mme Sánchez Cordero a demandé que l’État cubain soit tenu internationalement responsable de la violation de divers droits et obligations consacrés par la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme (ci-après « la Déclaration américaine » ou « la Déclaration ») parce qu’elle a subi « des écoutes téléphoniques, la surveillance de son domicile, des persécutions, des menaces, des détentions, des mauvais traitements, l’interdiction d’accès à des lieux publics et le refus d’autorisation de voyager à l’étranger »  perpétrés à l’encontre de la victime présumée à titre de représailles pour l’exercice de son droit à la liberté d’expression. [p. 1]

Mme Sánchez Cordero a affirmé être une opposante politique qui avait été détenue, attaquée, mise sur écoute et menacée par le Gouvernement cubain. La requérante a déclaré qu’elle avait cofondé, en 2004, le magazine « Consenso » et qu’elle avait lancé son blog influent « Generación Y » en 2007. Elle a ajouté qu’elle était également directrice du premier site d’information indépendant cubain « 14ymedio.com », où elle abordait des questions telles que l’accès à Internet, les conditions de vie, la corruption et le manque de liberté d’expression à Cuba.

La requérante a déclaré que son blog « Generación Y » avait acquis une reconnaissance mondiale et remporté des prix internationaux. Cependant, Mme Sánchez a expliqué que depuis 2008, le gouvernement cubain a bloqué le blog « Generación Y » dans le pays, l’obligeant à recourir à des amis qui vivent à l’extérieur de Cuba pour publier son contenu sur Internet.

Mme Sánchez Cordero a également déclaré qu’elle avait été victime de censure, de persécutions, de détentions illégales, d’agressions physiques, d’intimidations, d’interférences sur sa ligne téléphonique et d’une campagne de diffamation orchestrée par le Gouvernement cubain. La requérante a affirmé qu’elle avait été détenue à plusieurs reprises sans mandat et qu’elle avait reçu plusieurs menaces en raison de son travail de journaliste.

Yoani María Sánchez Cordero a affirmé avoir été arrêtée arbitrairement par les autorités à deux reprises sans que la police cubaine ne lui en donne la raison.

En outre, la requérante a affirmé qu’entre 2007 et 2012, le gouvernement lui avait refusé à plusieurs reprises l’autorisation de quitter Cuba, sans lui fournir d’explication. Mme Sánchez Cordero a déclaré que le 5 novembre 2010, après avoir été privée de son droit de quitter le pays, elle avait officiellement demandé une réponse à la Direction de l’immigration du Ministère de l’intérieur, mais n’avait pas reçu de réponse. En l’absence de réponse, Yoani María Sanchez Cordero a déposé une plainte auprès du ministre cubain de l’intérieur le 30 mars 2012. Elle a déclaré que le Gouvernement cubain, encore une fois, n’a donné aucune suite à sa requête.

En outre, la requérante a déclaré que depuis octobre 2007, le téléphone de son domicile et son téléphone portable ont été mis sur écoute et qu’elle et sa famille sont sous surveillance constante de la part du gouvernement cubain.

Le 9 novembre 2012, la CIDH a prononcé des mesures conservatoires en faveur de Yoani Sanchez, ordonnant à Cuba de garantir la vie et l’intégrité physique de la requérante et de sa famille. Cependant, Cuba « n’a adopté aucune mesure et n’a fourni à la CIDH aucune information sur l’état d’avancement de ces mesures ». [p.2]

Le 23 juillet 2018, la CIDH a notifié à l’État la date limite pour présenter ses observations sur la recevabilité et le fond de l’affaire. Mais Cuba n’a rien soumis.

Le 30 octobre 2021, la Commission a publié ce rapport sur la recevabilité et le bien-fondé en faveur de Yoani Sánchez.


Aperçu des Décisions

La Commission interaméricaine des droits de l’homme devait décider si Cuba avait violé la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, engageant ainsi une responsabilité internationale, à la lumière des faits révélés par Yoani María Sánchez Cordero, notamment les écoutes téléphoniques, la surveillance de son domicile, les persécutions, les menaces, les détentions, les mauvais traitements, l’interdiction d’accès aux lieux publics et le refus d’autorisation de quitter le territoire,  perpétrés à son encontre en tant que mesures répressives pour son travail de journaliste indépendante.

Yoani Sánchez affirme que Cuba a violé les droits reconnus aux articles I (Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle), II (Droit à l’égalité devant la loi), IV (Droit à la liberté d’investigation, d’opinion, d’expression et de diffusion.), V (Droit à la protection de l’honneur, de la réputation personnelle et de la vie privée et familiale), VIII (Droits de résidence et de déplacement.).  X (Droit à l’inviolabilité et à la libre circulation de la correspondance), XVIII (Droit à la justice), XXI (Droit de réunion), XXIV (Droit de pétition), XXV (Droit de protection contre les arrestations arbitraires) et XXVI (Droit à un procès régulier) de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme.  La requérante a fait valoir qu’elle est journaliste indépendante, critique à l’égard du gouvernement cubain et qu’elle a été détenue de manière illégale, qu’elle avait subi des atteintes à son intégrité physique, qu’elle a été empêchée de quitter le territoire , qu’elle a été mise sous écoute téléphonique, qu’elle a été exposée à des intimidations, des menaces, des campagnes de diffamation et son blog a été bloqué à Cuba.

Pour sa part, Cuba « n’a présenté aucune observation sur la recevabilité de la requête ni sur le fond de l’affaire». [p. 21]

Au début de son analyse, la CIDH a constaté que Cuba n’avait présenté aucune observation ou argument pour réfuter  les allégations formulées par la requérante devant le Système interaméricain des droits de l’homme dans plusieurs requêtes déposées contre l’État pour violations des droits de l’homme consacrés par la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, dont Cuba est signataire. Sur cette base, la CIDH a décidé d’appliquer l’article 38 de son règlement intérieur, qui stipule que « les faits allégués dans la requête sont présumés véridiques si l’État en question ne fournit pas d’informations pertinentes pour les contester ». [p. 44]

La CIDH a noté qu’il existe un contexte historique de persécution des journalistes et des dissidents politiques à Cuba. À cet égard, la CIDH a noté qu’il existe à Cuba une série de violations graves des droits de l’homme reconnus dans la Déclaration américaine contre les journalistes critiques à l’égard des politiques gouvernementales. Pour souligner ce point, la CIDH a cité le rapport spécial du Rapporteur spécial de la CIDH sur la liberté d’expression relatif à « La situation de la liberté d’expression à Cuba », datant de 2018.

Par la suite, la Commission a analysé si l’État cubain avait violé le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle (Article I), le droit à l’égalité devant la loi (Article II) et le droit de protection contre les arrestations arbitraires (Article XXV) de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme au détriment de la requérante, Yoani María Sánchez Cordero.

La CIDH a estimé que nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention pour des raisons ou par des moyens incompatibles avec les droits fondamentaux, notamment parce que ces détentions sont « déraisonnables, imprévisibles ou disproportionnées ». [para. 111] De même, citant Vladimir Herzog c. Brésil, la CIDH a estimé que « l’exercice des libertés d’expression, de réunion et d’association ne peut constituer un motif légitime pour priver une personne de sa liberté ». [para. 113] La CIDH a réaffirmé que l’État est le garant des droits de l’homme des personnes détenues dans ses prisons puisqu’il est l’entité responsable des centres de détention.

D’autre part, la CIDH, citant son rapport de 2018 « Les femmes journalistes et la liberté d’expression », a affirmé que « les attaques documentées contre les femmes journalistes représentent une forme distincte de violence sexuelle en captivité ». [para. 127] La CIDH a également déclaré que les femmes journalistes sont soumises à des violences, en particulier sexuelles, afin de les faire taire, mais aussi dans le but d’envoyer un message dissuasif sur les conséquences par rapport aux personnes qui pensent comme elles.

La Commission a confirmé que la requérante avait été arrêtée par la police à deux reprises, le 24 février 2010 et le 5 octobre 2012. Elle a également conclu que « l’État n’a pas fourni de base légale pour justifier l’une ou l’autre de ces détentions, n’a pas produit de mandat d’arrêt, la victime n’a pas été informée des motifs de sa détention ou des charges retenues contre elle, et la police ne lui a pas fourni de trace écrite de sa détention ». [para. 130] De même, la CIDH a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que Yoani Sánchez « ait été détenue en flagrant délit d’acte criminel manifeste, et qu’elle n’ait pas non plus été traduite devant un juge en temps utile pour déterminer la légalité de sa détention ». [para. 130]

Dans le même temps, la CIDH a souligné l’existence d’une tendance à la persécution des journalistes critiques à l’égard du gouvernement cubain. De même, la CIDH a conclu que « les détentions étaient arbitraires puisqu’elles visaient à punir Yoani Sánchez pour sa position critique à l’égard du gouvernement cubain et pour ses opinions et expressions politiques et ses activités civiques, c’est-à-dire qu’elles étaient fondées sur une restriction de l’exercice de son droit à la liberté de pensée et d’expression ». [para. 132]

La Commission a confirmé également que la requérante avait été victime d’agressions physiques lors de ses détentions en 2010 et 2012. En outre, elle a conclu que les tentatives visant à dénuder de force Yoani Sánchez pendant sa détention constituaient des actes de violence sexiste perpétrés dans « l’intention de l’humilier et de la punir pour son travail de journaliste et de blogueuse ». [para. 135]

La CIDH a conclu que l’État cubain était responsable de la « détention illégale et arbitraire de Yoani Sánchez à deux reprises, et de la violation de ses droits à l’égalité, à la dignité et à un traitement humain pendant sa détention et sous la garde d’agents de l’État ». [para. 136] Par conséquent, la CIDH a déclaré que Cuba avait violé les articles I, II et XXV de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme au détriment de Mme Sánchez Cordero.

La CIDH a ensuite examiné si Cuba avait violé les droits de résidence et de déplacement prévus à l’article VIII de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme. À cet égard, la CIDH a déclaré que «l’exercice de ce droit ne devrait pas être tributaire du but ou du motif particulier de la personne qui souhaite se déplacer ou rester dans un endroit ». [para. 138] En outre, la Commission a rappelé que, dans l’affaire Ricardo Canese c. Paraguay, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré que le droit de quitter le pays « ne peut être restreint que conformément aux exigences de légalité, de nécessité et de proportionnalité des restrictions, dans la mesure nécessaire dans une société démocratique ». [para. 140] La CIDH a conclu que des agents de l’État cubain avaient restreint l’accès de la requérante aux lieux publics sans justification, restreignant ainsi sa liberté de mouvement sur le territoire cubain.

La CIDH a également noté qu’en vertu de la loi cubaine sur les migrations (loi n° 1312 de 1976), qui était en vigueur au moment des événements dénoncés par la requérante, les Cubains avaient besoin d’un permis officiel pour quitter le pays. La CIDH a constaté que Yoani Sánchez a tenté à vingt reprises de quitter le pays entre 2007 et 2012, mais en a été empêchée sans aucune explication. La CIDH, citant son septième rapport sur la situation des droits de l’homme à Cuba datant de 1983, a également conclu que le fait que Cuba n’ait pas répondu à plusieurs reprises aux demandes d’autorisation de quitter le pays constituait une violation du droit à la liberté de circulation tel que consacré par la Déclaration américaine.

La Commission a également déclaré que les faits dans la présente affaire prouvent l’application d’une loi qui viole le droit de résidence et de circulation de Yoani Sánchez, étant donné qu’ils ne répondent pas aux normes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

À la lumière de ce qui précède, la CIDH a conclu que les restrictions à la liberté de mouvement à l’intérieur de Cuba et aux voyages à l’étranger constituaient des représailles contre la requérante pour avoir ouvertement critiqué le régime cubain. Ainsi, la Commission a estimé que Cuba avait violé l’article VIII de la Déclaration américaine au détriment de Yoani Sánchez Cordero.

Ensuite, la CIDH a examiné si Cuba avait violé les droits à la liberté de réunion (article XXI) et d’association (article XXII) de la requérante.

La CIDH s’est référée à son « Rapport sur les manifestations et les droits de l’homme » de 2019 pour affirmer que « l’exercice du droit de réunion revêt une importance vitale pour la consolidation de la vie démocratique des sociétés et est, par conséquent, d’un intérêt social impératif ». [para. 147] Citant le rapport de la CIDH Oscar Elías Biscet et al. c. Cuba daté de 2006, la Commission a constaté que l’intolérance des autorités cubaines à l’égard de toutes  formes d’opposition politique constituait la principale restriction aux droits de réunion et de participation.

La CIDH a ensuite conclu que l’État avait empêché Yoani Sánchez d’exercer son droit de réunion à plusieurs reprises, dans le but de l’empêcher d’exprimer aux autres ses idées critiques. À cet égard, la CIDH a établi que la requérante a été empêchée d’accéder à des lieux publics pour manifester, « sans que les agents de l’État ne justifient la légitimité de cette interdiction ». [para. 153]

En outre, la Commission a déclaré qu’en empêchant la requérante de participer à des manifestations publiques, le gouvernement cubain a envoyé un message collectif concernant les répercussions possibles sur les personnes qui auraient des critiques et des idées similaires aux siennes.

En conséquence, la CIDH a conclu que Cuba avait violé le droit à la liberté de réunion consacré par l’article XXI de la Déclaration américaine.

La CIDH, se référant au précédent qu’elle a établi dans l’affaire Juan José López c. Argentine (2011), a rappelé que la liberté d’association compte deux dimensions : une dimension individuelle et une autre sociale. Elle a également précisé que la dimension individuelle « implique le droit de s’associer librement avec d’autres, sans intervention gouvernementale qui limite ou entrave ce droit ». [para. 151] La Commission a expliqué que la dimension collective, quant à elle, « est le droit et la liberté de poursuivre un objectif légitime sans pression ni ingérence qui pourrait altérer ou changer sa finalité ». [para. 151]

Compte tenu de ce qui précède, la CIDH a déclaré « qu’il ne ressort pas du dossier de l’affaire que l’État ait restreint le droit de Yoani Sánchez de former ou de participer à une association ou à une organisation avec d’autres personnes afin d’agir ensemble dans un but commun et une vocation de permanence dans le temps, ce qui distingue ce droit de la liberté de réunion ». [para. 156] Pour cette raison, la CIDH a conclu que Cuba n’avait pas violé le droit d’association de la requérante.

Ensuite, la CIDH devait décider si Cuba avait violé le droit de Yoani Sánchez à l’inviolabilité du domicile et de la correspondance, tel qu’énoncé aux articles IX et X de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme.

La Commission a estimé que le droit à l’inviolabilité de la correspondance a été étendu aux communications, y compris les communications téléphoniques et aux nouvelles technologies, telles qu’Internet. Pour souligner ce point, elle a cité le rapport du Rapporteur spécial de la CIDH sur la liberté d’expression relatif aux « Normes pour un Internet libre, ouvert et inclusif » (2017), et les affaires de la Cour européenne des droits de l’homme Klass et al. c. Allemagne, Halford c. Royaume-Uni, Amann c. Suisse, et Copland c. Royaume-Uni.

La CIDH a également déclaré que le droit de ne pas subir d’ingérence arbitraire ou abusive dans sa correspondance est une condition préalable à l’exercice du droit à la liberté d’expression et qu’il est « lié à l’obligation de l’État de créer un environnement protégé pour l’exercice du droit à la liberté d’expression, car la violation de la confidentialité des communications a un effet dissuasif et affecte le plein exercice du droit de communiquer. » [para. 159]

La CIDH a ensuite conclu que Cuba avait « restreint ou intercepté les communications téléphoniques de Yoani Sánchez en raison de son travail journalistique critique à l’égard du régime ». [para. 162] La CIDH a également déclaré que les écoutes téléphoniques reflétaient l’utilisation accrue de la surveillance par l’État pour surveiller les activités des journalistes indépendants et des dissidents politiques, en particulier sur Internet.

Pour ces raisons, la CIDH a conclu que l’État cubain avait violé l’article X de la Déclaration américaine au détriment de Yoani Sánchez.

En revanche, en ce qui concerne le droit à l’inviolabilité du domicile, la CIDH a estimé que la requérante n’alléguait pas de violation de ce droit et qu’il n’y avait eu qu’une surveillance des abords du domicile de Mme Yoani Sánchez, ce qui ne constitue pas une preuve suffisante de violation de ce droit. Par conséquent, la CIDH a conclu que Cuba n’avait pas violé le droit à l’inviolabilité du domicile consacré par l’article IX de la Déclaration américaine.

Par la suite, la CIDH s’est penchée sur la question de savoir si Cuba avait violé le droit à la liberté d’expression (Article IV), Droit de vote et de participation au gouvernement (Article XX) et Droit à la protection de l’honneur, de la réputation personnelle et de la vie privée et familiale (Article V) de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, au détriment du requérant.

La CIDH a rappelé que le droit à la liberté d’expression est « une condition essentielle à l’existence d’une société démocratique ». [para. 166] En outre, la CIDH a ajouté que l’objectif du droit à la liberté d’expression est de renforcer le fonctionnement des systèmes démocratiques pluralistes et délibératifs en protégeant et en promouvant la libre circulation de l’information, des idées et de l’expression.

La CIDH a ensuite déclaré que « la liberté d’expression est une pierre angulaire sur laquelle repose l’existence même d’une société démocratique » [para. 166], citant l’avis consultatif no 5 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. [para. 166] La CIDH a également fait valoir que la liberté d’exprimer des opinions et de diffuser des informations critiques à l’égard des actions des autorités publiques, ou d’un gouvernement, est un élément essentiel du droit protégé par l’article IV de la Déclaration américaine.

La CIDH a également déclaré que le droit à la liberté d’expression ne peut faire l’objet d’une censure préalable de la part de l’État. La responsabilité ultérieure, au contraire, est admise tant qu’elle n’est pas abusive ou arbitraire, qu’elle est prévue par la loi, qu’elle poursuit un but légitime et qu’elle est nécessaire et proportionnée.

La CIDH a ensuite déclaré que le droit à la liberté d’expression « trouve dans l’Internet un instrument unique pour développer son énorme potentiel parmi de larges pans de la population ». [para. 175] La CIDH a également souligné que l’importance d’Internet en tant que « plateforme pour la jouissance et l’exercice des droits de l’homme est directement liée à l’architecture du réseau et à ses principes directeurs, y compris les principes d’ouverture, de décentralisation et de neutralité ». [para. 176] En particulier, la CIDH a souligné, citant son rapport sur la « Liberté d’expression et l’Internet » (2013), que la neutralité du Net est une condition nécessaire à l’exercice de la liberté d’expression, qui ne peut être « conditionnée, dirigée ou restreinte par le biais de blocages, de filtres ou d’interférences ». [para. 177]

La CIDH a ajouté que « les restrictions à la liberté d’expression sur Internet ne sont acceptables que si elles sont conformes aux normes internationales établies, notamment si elles sont prévues par la loi et si elles sont nécessaires pour protéger un intérêt reconnu par le droit international ». [para. 178] Elle aussi déclaré que le blocage ou la suspension de sites web sont des mesures similaires à la fermeture d’un journal, d’une station de radio ou de télévision.

Compte tenu de ces normes, la CIDH a constaté que « Cuba est le seul pays de l’hémisphère où l’on peut affirmer catégoriquement que le droit à la liberté d’expression est soumis aux objectifs de l’État socialiste et qu’il n’existe aucune législation ou pratique qui protège ce droit et garantit son libre et plein exercice ». [para. 190] La CIDH a, de plus, constaté que le système juridique cubain est extrêmement restrictif à l’égard du droit à la liberté d’expression.

Plus précisément, la CIDH a noté que l’article 53 de la Constitution cubaine de 1976, qui était en vigueur à l’époque des faits allégués, « conditionnait l’exercice de la liberté de la presse aux objectifs de l’État socialiste». [para. 191] Sur ce point, la Commission a souligné que cette norme était incompatible avec les normes internationales, qui reconnaissent que la liberté d’expression ne peut être soumise à aucune condition, telle que les idées politiques d’un parti ou le contrôle absolu du pouvoir gouvernemental.

La CIDH a également fait valoir que la nouvelle Constitution cubaine de 2019 maintient les principales restrictions à la liberté d’expression de la Constitution précédente. Par conséquent, la CIDH a conclu que les Constitutions de 1976 et de 2019 établissaient des restrictions arbitraires au droit à la liberté d’expression, en violation de l’article IV de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme.

En outre, la CIDH a constaté que « des restrictions arbitraires à la liberté d’expression ont également été transférées aux espaces numériques ». [para. 195] À cet égard, la CIDH a affirmé que les plateformes de communication numérique sont devenues centrales à Cuba parce que les médias traditionnels appartiennent exclusivement à l’État et à un seul parti politique. Cependant, la CIDH a noté que « loin de répondre aux normes d’un réseau libre, ouvert et inclusif, le déploiement et les pratiques réglementaires à Cuba génèrent un espace contrôlé et biaisé ». [para. 196]

De même, la Commission a estimé que c’est grâce aux nouvelles technologies que le blog critique « Generación Y », produit par la journaliste Yoani Sanchez, a été créé. La CIDH a déclaré que la requérante  est une journaliste et blogueuse qui diffuse des idées critiques à l’égard du gouvernement cubain et de la vie quotidienne à Cuba. La CIDH a conclu que « le blocage de l’accès au blog de Yoani Sanchez constitue une censure préalable, viole le principe de neutralité du net, et viole donc le droit à la liberté d’expression non seulement dans son aspect individuel, en empêchant un blogueur d’exprimer librement des informations et des idées de toutes sortes, mais aussi dans son aspect social ou collectif, en privant les citoyens cubains de l’accès à des contenus d’intérêt public,  s’attaquant ainsi directement à la pluralité des voix dans le débat public. [para. 200] Par ailleurs, la CIDH a déclaré que le blocage du blog de Yoani Sánchez avait été facilité par un système de monopole d’Internet à Cuba, sous l’autorité de l’Empresa de Telecomunicaciones de Cuba S.A., et est donc imputable à l’État cubain.

En ce qui concerne le droit à l’honneur et à la réputation en vertu de l’article V de la Déclaration américaine, la CIDH a affirmé que « les déclarations stigmatisantes exposent les journalistes à un plus grand risque de violence, de harcèlement et de menaces, ce qui les rend encore plus vulnérables qu’ils ne le sont déjà ». [para. 187] La CIDH a également souligné que si les autorités publiques peuvent discuter ou critiquer publiquement la presse, elles ne devraient pas faire de déclarations qui exposent les journalistes et les travailleurs des médias à un risque accru de violence par le biais de la stigmatisation, car cela met en danger la liberté d’expression et le travail journalistique.

La CIDH a conclu que Yoani Sánchez était la cible d’une campagne de diffamation promue par le gouvernement et orchestrée par les médias d’État. En outre, la Commission a conclu que les déclarations faites à son encontre constituaient une forme de stigmatisation de la part d’agents de l’État en raison de sa position critique à l’égard du gouvernement et que ces déclarations avaient été faites publiquement devant sa famille, ses amis, ses collègues et l’ensemble de la société cubaine. La Commission a estimé que ces actes de harcèlement, dans le contexte particulier de Cuba, avaient été utilisés de manière stratégique par l’État pour porter délibérément atteinte à la réputation et à l’intégrité de la victime devant le public, en la qualifiant de « terroriste », de « mercenaire », « d’ennemie publique » et  de « parasite méprisable »  et bien d’autres insultes.

En outre, la CIDH a estimé que le harcèlement et la surveillance exercée par le gouvernement autour du domicile de la requérante avaient contribué à la façon dont la société cubaine percevait la réception des opinions et des expressions de la journaliste. La Commission a fait valoir que ce comportement affecte non seulement les autres journalistes, mais aussi la population en général, qui est bien consciente des conséquences d’une opposition ouverte au régime.

La CIDH a considéré que ces pratiques de l’État, menées à l’encontre de Sánchez, constituaient « des représailles pour son activité journalistique et pour les opinions et expressions critiques et opposées au gouvernement cubain exprimées sur son blog, Generación Y ». [para. 205] Elle a également conclu que ces pratiques visaient à faire taire sa voix dissidente afin d’empêcher la population d’avoir accès à des informations fondamentales d’intérêt public. À la lumière de ces données, la CIDH a conclu que les pratiques susmentionnées constituaient des restrictions arbitraires à ses droits à la liberté d’expression (Article IV) et à la vie privée (Article V) en vertu de la Déclaration américaine.

En outre, la CIDH a souligné que la violence subie par la requérante, en particulier la violence basée sur le genre, ainsi que les autres actes de persécution contre Sánchez en tant que journaliste, ont non seulement violé son droit à la liberté d’expression, « mais ont également eu un impact sur d’autres femmes journalistes critiques et dissidentes à Cuba ». [para. 206]

En ce qui concerne le droit de vote et de participation au gouvernement, tel qu’énoncé à l’article XX de la Déclaration américaine, la CIDH a déclaré que « le plein exercice des libertés d’expression, d’association et de réunion est également essentiel et joue un rôle direct dans l’élaboration des décisions qui affectent la communauté ». [para. 185] Cependant, la Commission a conclu que la requérante n’avait pas allégué de restrictions spécifiques à son droit de s’associer ou de former des partis politiques pour exprimer une position politique particulière, et la CIDH a donc conclu qu’il n’y avait pas eu violation de l’article XX de la Déclaration américaine.

Enfin, la CIDH devait décider si Cuba avait violé le droit à un procès équitable (article XVIII), le droit de pétition (article XXIV), le droit à un procès régulier (Article XXVI) et le droit à l’égalité (Article II), en vertu de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme.

La CIDH a affirmé que « l’État n’a pas enquêté, poursuivi et puni les responsables de la détention arbitraire et de la violence physique contre la victime, plus de 11 ans après la première détention et les plaintes subséquentes ». [para. 224] Ainsi, la CIDH a conclu que l’État cubain avait violé le droit à un procès équitable (Article XVIII) et le droit de pétition (Article XXIV) de la Déclaration, au détriment de Yoani Sánchez. Sur cette question, citant les rapports de la CIDH n° 67/06, affaire 12.476, Oscar Elías Biscet et al. c. Cuba, 21 octobre 2006 et n° 68/06, affaire, quant au fond, 12.477 Lorenzo Enrique Copello Castillo et al. c. Cuba, 21 octobre 2006, la Commission a rappelé qu’elle avait affirmé à plusieurs reprises qu’à Cuba, il n’existe pas de séparation adéquate entre les branches du gouvernement garantissant l’administration de la justice, sans ingérence de la part d’autres branches.

De même, la CIDH a affirmé qu’à Cuba, les tribunaux sont subordonnés au pouvoir exécutif ou au chef de l’État, ce qui empêche les personnes identifiées par l’État comme « dissidents » ou « opposants », accusées de crimes politiques, d’être jugées de manière impartiale, comme l’exigent les dispositions de la Déclaration américaine. Sur cette base, la Commission a également considéré que les autorités judiciaires avaient violé les garanties d’indépendance et d’impartialité et a donc conclu que l’État avait également violé le droit à un procès équitable.

En outre, la Commission a estimé que Yoani Sánchez faisait l’objet d’un traitement différencié, non fondé sur des raisons objectives, justifiant ou perpétuant un tel traitement [para. 231] en raison de son opinion critique à l’égard du gouvernement cubain. Par conséquent, la Commission a également conclu que l’État cubain était responsable de la violation du droit à l’égalité garanti par la Déclaration américaine.

Compte tenu de ce qui précède, la CIDH a conclu à l’unanimité que l’État cubain avait violé les droits reconnus aux articles I (Droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à la sécurité personnelle), II (Droit à l’égalité devant la loi), IV (Droit à la liberté d’investigation, d’opinion, d’expression et de diffusion), V (Droit à la protection de l’honneur, de la réputation personnelle et de la vie privée et familiale).  VIII (Droits de résidence et de déplacement), X (Droit à l’inviolabilité et à la transmission de la correspondance), XVIII (Droit à un procès équitable), XXI (Droit à la liberté de réunion), XXIV (Droit de pétition), XXV (Droit à la protection contre les arrestations arbitraires) et XXVI (Droit à un procès régulier) de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, au détriment de Yoani Sánchez Cordero. La Commission a également conclu que l’État n’était pas responsable de la violation des droits consacrés par les articles IX (Droit à l’inviolabilité du domicile), XX (Droit de vote et de participation au gouvernement) et XXII (Droit d’association).

À la lumière de ce qui précède, la CIDH a recommandé à Cuba de payer des réparations intégrales et complètes, tant matérielles qu’immatérielles, sans préciser de montant. La Commission a également recommandé à l’État de mettre fin à tous les actes de persécution à l’encontre de Mme Yoani Sánchez Cordero et d’adopter les mesures nécessaires pour garantir son droit de quitter le territoire et d’entrer librement à Cuba. En outre, la Commission a recommandé à l’État de mener une enquête afin de faire la lumière sur les circonstances de l’arrestation de Mme Yoani Sánchez Cordero et de désactiver le filtre informatique qui bloque l’accès au blog « Generación Y ».

Pour garantir la non-répétition, la CIDH a recommandé à Cuba d’adapter ses lois, procédures et pratiques en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’homme, en particulier celles en rapport avec l’environnement numérique. La CIDH a également recommandé à l’État d’adopter des mécanismes adéquats et efficaces de prévention, d’enquête et de sanction pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement à l’encontre des journalistes.  La Commission a aussi recommandé à l’État de s’abstenir d’exercer un contrôle absolu sur Internet, y compris l’exercice de filtrage arbitraire et de blocage de contenus. Enfin, la CIDH a recommandé à Cuba d’adopter les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance et l’impartialité des autorités judiciaires et de poursuite.


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

élargit l'expression

La CIDH a élargi le champ d’expression en publiant un rapport exemplaire sur les violations des droits de l’homme commises par Cuba depuis plusieurs années à l’encontre de la journaliste et blogueuse Yoáni Sánchez. La CIDH a relevé un schéma structurel de persécution et de violence contre les journalistes critiques à l’égard du gouvernement cubain. Elle s’est également penchée sur un large éventail de violations des droits humains commises à l’encontre de Yoani Sánchez depuis plusieurs années. La Commission a, en particulier, réaffirmé ses normes en matière de liberté d’expression sur Internet et a estimé que le blocage du blog de la requérante « Generación Y » constituait un acte de censure préalable inadmissible. La CIDH a également souligné l’importance de la neutralité de l’État sur Internet en tant qu’une des normes fondamentales du droit international des droits de l’homme. Elle a également utilisé une approche sensible au genre pour examiner les violations subies par la journaliste, à la lumière des formes spécifiques de violence subies par les femmes. La CIDH a également conclu que le cadre constitutionnel cubain viole le droit à la liberté d’expression en limitant ce droit contrôlé par le Parti socialiste cubain, qui exerce un monopole sur les médias. Enfin, la CIDH a recommandé des réparations exemplaires pour la victime, y compris des garanties de non- répétition, telles que la levée du blocage imposé par le gouvernement cubain sur le blog de la requérante.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Lois internationale et/ou régionale connexe

  • IACtHR, Compulsory Membership in an Association Prescribed by Law for the Practice of Journalism (Articles 13 and 29 American Convention on Human Rights). Advisory Opinion OC-5/85 of November 13, 1985. Series A No. 5.
  • IACHR, Juan José López, Argentina, Report No. 73/11 (July 20, 2011)
  • IACHR, Vladimir Herzog, Brazil, Report No. 71/15 (October 28, 2015)
  • IACHR, Juan Carlos Chaparro Álvarez and Freddy Hernán Lapo, Ecuador, Case 12.091 (June 23, 2006)
  • IACmHR, Report No. 27/18, Case 12.127, Vladimiro Roca Antunez and others v. Cuba, February 24, 2018
  • IACtHR, Ricardo Canese v. Paraguay, ser. C No. 111 (2004)
  • IACHR, Informe Especial Relatoría Especial para la Libertad de Expresión de la CIDH “La Situación de la libertad de expresión en Cuba” del 31 de diciembre de 2018
  • IACHR, Informe 67/06, Caso 12.476. Fondo. Oscar Elías Biscet y otros v. Cuba, 21 de octubre de 2006
  • IACHR, Informe Anual 2002. Capítulo IV.B, Cuba. OEA/Ser.L/V/II.117, Doc. 1, rev. 1, 7 marzo 2003.
  • IACHR, Informe Especial sobre la situación de la libertad de expresión en Cuba, 31 de diciembre de 2018
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2007)
  • IACmHR, Office of the Special Rapporteur for Freedom of Expression, Annual Report, 2008
  • IACmHR, Office of the Special Rapporteur for Freedom of Expression, Annual Report, 2009
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2011)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2012)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2013)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2014)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2015)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2016)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2017)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2018)
  • IACHR, Annual Report of the Special Rapporteur for Freedom of Expression (2019)
  • IACHR, Office of the Special Rapporteur for Freedom of Expression, Report on Protest and Human Rights. OEA/Ser.L/V/II IACHR/RELE/INF.22/19, 2019
  • American Declaration of the Rights and Duties of Man
  • IACHR, Mujeres periodistas y libertad de expresión. OEA/Ser. L/V/II. CIDH/RELE/INF.20/18. 31 octubre de 2018
  • IACHR, Informe Nº 28/07, Casos 12.496-12.498, Claudia Ivette González y Otros. México, 9 de marzo de 2007
  • IACHR, Informe No. 80/11. Caso No. 12.626. Fondo. Jessica Lenahan (González) y otros. Estados Unidos. 21 de julio de 2011
  • CIDH, Relatoría Especial para la Libertad de Expresión, “Estándares para una internet libre, abierta e incluyente”. (Mar. 15, 2017).
  • ECtHR, Klass v. Germany, App. No. 5029/71 (1978)
  • ECtHR, Halford v. United Kingdom, App. no. 20605/92 (1997)
  • ECtHR, Amann v. Switzerland, App. No. 27798/95 (2000)
  • ECtHR, Copland v. United Kingdom, App. No. 62617/00 (2007)
  • UN, Consejo de Derechos Humanos. Informe del Relator Especial sobre la promoción y protección del derecho a la libertad de opinión y expresión, Frank La Rue. UN Doc. A/HRC/23/40. 17 de abril de 2013
  • IACHR, Informe No. 103/13, Caso 12.816. Fondo. Adán Guillermo López Lone y Otros. Honduras. 5 de noviembre de 2013
  • IACHR, Informe No. 27/15, Caso 12.795. Fondo. Alfredo Lagos del Campo. Perú. 21 de julio de 2015
  • CIDH, Relatoría Especial para la Libertad de Expresión, Marco Jurídico Interamericano sobre el Derecho a la Libertad de Expresión, CIDH/RELE/INF.2/09 (Dic. 30, 2009)
  • CIDH. Informe Anual 1994. Capítulo V: Informe sobre la Compatibilidad entre las Leyes de Desacato y la Convención Americana sobre Derechos Humanos. Título III. OEA/Ser. L/V/II.88. doc. 9 rev. 17 de febrero de 1995.
  • Comité de Derechos Humanos de las Naciones Unidas, Observación General No. 34, 102o.período de sesiones (Jul. 21, 2011)
  • IACHR, Informe No. 4/17, Caso 12.663. Fondo. Tulio Alberto Álvarez. Venezuela. 26 de enero de 2017, párr. 88
  • CIDH, Declaración de Principios sobre Libertad de Expresión (Oct. 19, 2000)
  • Joint declaration on freedom of expression and the Internet, adopted on 1 June 2011 by the UN Special Rapporteur on Freedom of Opinion and Expression, the Organization for Security and Co-operation in Europe Representative on Freedom of the Media, the Organization of American States Special Rapporteur on Freedom of Expression, and the African Commission on Human and Peoples’ Rights Special Rapporteur on Freedom of Expression and Access to Information
  • CIDH, Relatoría Especial para la Libertad de Expresión, Libertad de Expresión en Internet, OEA/Ser.L/V/II.11/13 (Dic. 31, 2013)
  • Relator Especial de las Naciones Unidas (ONU) para la Protección y Promoción del Derecho a la Libertad de Opinión y de Expresión y Relatora Especial para la Libertad de Expresión de la Comisión Interamericana de Derechos Humanos de la OEA. 13 de septiembre de 2013. Declaración conjunta sobre violencia contra periodistas y comunicadores en el marco de manifestaciones sociales
  • CIDH, Relatoría para la Libertad de Expresión, “Zonas silenciadas: Regiones de alta peligrosidad para ejercer la libertad de expresión” (2017)
  • IACtHR, Ríos v. Venezuela, ser. C No. 194 (2009)
  • IACtHR, Perozo v. Venezuela, ser. C No. 195 (2009)
  • IACtHR, Vélez Restrepo v. Colombia, ser. C No. 248 (2012)
  • Asamblea General de Naciones Unidas. La seguridad de los periodistas y la cuestión de la impunidad. Informe del Secretario General. A/72/290. 4 de agosto de 2017

Normes, droit ou jurisprudence nationales

  • Cuba, Constitution (1976)
  • Cuba, Constitution (2019)

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

Cette cas n'a pas créé de précédent contraignant ou persuasif, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de sa juridiction. L'importance de cette cas n'est pas déterminée à ce jour.

Documents Officiels du Cas

Documents Officiels du Cas:


Pièces Jointes:

Vous avez des commentaires?

Faites-nous savoir si vous remarquez des erreurs ou si l'analyse de cas doit être révisée.

Envoyer un Retour D'information