Ekrem Can et autres c. Turquie

Affaire Résolue élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Brochure / Affiches / Bannières, Assemblée publique
  • Date de la Décision
    mars 8, 2022
  • Résultat
    Motion accordée
  • Numéro de Cas
    App. No. 10613/10
  • Région et Pays
    Turquie, Europe et asie centrale
  • Organe Judiciaire
    Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH)
  • Type de Loi
    Droit de la preuve, Droit international/régional des droits de l'homme, Droit Pénal
  • thèmes
    Liberté d'association et de réunion / Manifestations
  • Mots-Cles
    Détention avant jugement, Le maintien de l'ordre lors des manifestations

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Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

La Cour européenne des droits de l’homme (Cour) a annulé la décision de la Cour de cassation (Cour d’appel en Turquie) qui avait confirmé le jugement de première instance condamnant les requérants qui avaient participé à une manifestation pacifique dans un palais de justice en 2003. La Cour a jugé que l’ingérence dans le droit des requérants à la liberté de réunion et d’expression était légale en vertu du Code pénal turc et qu’il était nécessaire de restreindre cette liberté dans l’intérêt de l’ordre public. Cependant, les poursuites pénales et la condamnation des requérants à une longue peine d’emprisonnement, ainsi que la détention provisoire pour une simple participation à une manifestation non violente étaient disproportionnées. La Cour a annulé les décisions de la Cour de cassation et a conclu que les droits des requérants au titre de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (Convention) avaient été violés. Par conséquent, des indemnités et des dépens ont été accordés aux requérants.


Les Faits

La requête porte sur la violation alléguée du droit des requérants à la liberté de réunion en vertu de l’article 11 de la Convention suite à leur condamnation pour avoir organisé une manifestation d’environ une heure dans un palais de justice le 18 novembre 2003  au cours de laquelle ils ont scandé des slogans, affiché une banderole, lancé des tracts et se sont enfermés dans l’un des couloirs, entravant ainsi les audiences en cours. L’action des manifestants n’a pris fin que lorsque la police est intervenue pour les mettre en état d’arrestation [para. 1 et 8].

Devant le tribunal de première instance, les requérants ont déclaré qu’ils avaient initialement prévu faire une déclaration à la presse devant le palais de justice, mais qu’ils sont entrés dans le bâtiment en raison de la pluie. Ils ont ajouté qu’ils ont tenté de sortir à nouveau pour faire la déclaration à la presse, mais que certains civils les avaient attaqués pour les lyncher, les forçant à se réfugier dans le couloir le plus proche. La porte du couloir s’est alors fermée derrière eux et comme elle n’avait qu’une seule poignée, ils n’ont pas pu l’ouvrir depuis le couloir [para. 6].

Après leur arrestation par la police, les requérants ont été examinés et certains d’entre eux présentaient des signes de traumatisme physique, ce qui a été confirmé après leur remise en liberté [para. 9 et 18]. Les requérants ont été placés en garde à vue pendant quatre jours pour des accusations liées au terrorisme. Tous les requérants, sauf un, ont fait des déclarations à la police sans l’assistance d’un avocat [para. 11 et 12].

Deux des requérants, Ekram Can et Fikret Avras, ont également pris part à une séance d’identification le 21 novembre 2003. Plus tard, trois des requérants (Ekram, Fikret et Mahmut Cegniz) ont également été emmenés à certains endroits pour reconstituer les évènements sans être assistés par un avocat et ont, à cette occasion, admis avoir été impliqués dans certaines protestations. Cependant, les dossiers reflétaient des versions différentes des événements [para. 13-17]. Dans les déclarations au Procureur de la République et à la Cour de sûreté de l’État d’Istanbul, tous les requérants à l’exception de Muhlis Dogan ont contesté la version des événements et les infractions supplémentaires qu’ils avaient avouées lors de leur interrogatoire par la police [para. 19 et 20].

Par la suite, le Procureur de la République a déposé un acte d’accusation contre quatre des requérants (Ekerem, Fikret, Mahmut et Senol Akyaz) contenant plusieurs chefs d’accusation, dont ceux d’appartenance au groupe terroriste PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), possession et utilisation de matériel explosif et complicité avec une organisation terroriste [para. 21].

Devant le tribunal de première instance, les requérants ont unanimement fait valoir qu’ils avaient l’intention de faire une déclaration de presse pacifique devant le palais de justice et qu’ils avaient été contraints d’admettre des crimes en plus d’avoir subi de mauvais traitements en garde à vue [para. 22-25]. Bien que les avocats des requérants étaient présents au poste de police, ils n’ont pas été autorisés à assister leurs clients lors des interrogatoires [para. 26].

En août 2005, le tribunal de première instance a ordonné la libération de tous les requérants, à l’exception des quatre accusés d’appartenance au PKK [par. 28]. En 2006, le tribunal de première instance a condamné tous les requérants à un an et huit mois de prison pour avoir interrompu les services publics par la force ou la commission d’actes illégaux en scandant des slogans, en agitant des banderoles depuis les fenêtres et en fermant la porte du couloir du tribunal. Tous les requérants, à l’exception des quatre nommés ci-dessus, ont également été condamnés à trois ans et neuf mois de prison pour complicité avec un groupe armée [para. 29]. Ceux-ci (Ekram, Fikret, Mahmut et Senol) ont quant à eux été condamnés à une peine de prison de six ans et trois mois pour des accusations comprenant l’appartenance à une organisation terroriste armée (pour les actes commis à l’intérieur du palais de justice), le recrutement de nouveaux membres pour le PKK et pour avoir lancé des cocktails Molotov sur un véhicule de police. Ekram a également été reconnu coupable de possession et d’utilisation de matériaux explosifs et a condamné à une peine supplémentaire de huit ans et quatre mois de prison ainsi qu’au paiement d’une amende. Mahmut et Fikret ont également été reconnus coupables de possession et d’utilisation de matériaux explosifs et condamnés chacun à quatre ans et deux mois de prison et au paiement d’une amende [para. 30].

En 2009, la Cour de cassation (cour d’appel), a partiellement confirmé la décision du Tribunal de première suite à un appel des requérants. La Cour de cassation a annulé la condamnation pour « interruption des services publics par la coercition, la distorsion ou la commission d’actes illégaux » et celle d’Ekrem Can, Fikret Avras et Mahmut Cengiz pour utilisation de matériaux explosifs tout en confirmant les autres condamnations [para. 31].

En février 2010, les requérants ont introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme alors que la procédure était toujours en cours devant le tribunal de première instance. Plus tard, en juin 2010, le tribunal de première instance a de nouveau déclaré tous les requérants coupables d’avoir interrompu les activités d’une institution publique et les a condamnés chacun à un an et huit mois de prison. Ekrem a été reconnu coupable et condamné à 10 mois de prison pour avoir utilisé des matériaux explosifs à deux reprises. Fikret et Mahmut ont également été reconnus coupables du même délit et ont été condamnés à cinq mois de prison chacun pour avoir lancé des cocktails Molotov [para. 32 et 33]. Le 2 avril 2012, la Cour de cassation a confirmé la décision du tribunal de première instance en ce qui concerne les requérants [para. 34].

Devant la Cour, le gouvernement faisait valoir qu’à l’exception de Mahmud Cengiz, tous les autres requérants n’ont pas nommé de représentant ni soumis de lettre d’autorisation. Par conséquent, conformément à l’article 37 (1)(a) de la Convention, la requête méritait d’être radiée, car les requérants n’ont démontré aucune intention de maintenir la requête [para. 37].

Les requérants alléguaient la violation de l’article 6 (1) et 3 (c) de la Convention, car ils n’ont pas été autorisés à demander une assistance juridique et ont été contraints de renoncer à ce droit pendant la garde à vue. En réponse, le gouvernement a fait valoir que les requérants avaient volontairement renoncé à leur droit à un avocat, à l’exception de Mehmet Sahin qui avait nommé un avocat. En outre, les condamnations des requérants n’étaient pas uniquement fondées sur les déclarations faites en l’absence des avocats [para. 49 et 50].

Le gouvernement a également fait valoir que la plainte était irrecevable compte tenu de l’exception prévue à l’article 35 de la Convention et du fait que quelques requérants avaient des liens avec le PKK. La plainte des requérants sortait du champ d’application de l’article 11, car la restriction était prescrite par la loi, c’est-à-dire l’article 113 du Code pénal et elle poursuivait le but légitime de protéger la sécurité nationale, la santé, la moralité et de prévenir le désordre et la criminalité. De plus, la restriction était nécessaire et proportionnée, car la conduite des requérants s’est poursuivie malgré la mise en garde. Les requérants ont fait valoir que la police avait fait un usage excessif de la force et était intervenue lors d’une manifestation pacifique alors qu’aucun préjudice n’avait été causé par une telle manifestation [para. 76 et 77].


Aperçu des Décisions

La Cour a rejeté la demande du gouvernement de radier l’affaire au motif que le requérant ne s’était pas conformé au Règlement de la Cour, tel que modifié en 2014. La requête ayant été déposée avant la modification du règlement, les modifications ne pouvaient pas être appliquées de manière rétroactive [para. 39]. Néanmoins, Mme Secuk, avocate agissant au nom des 14 requérants, a informé la Cour que toutes les correspondances avaient été entreprises à sa connaissance [para. 40].

La Cour a limité son analyse aux condamnations prononcées en vertu de l’article 113 du Code pénal et à celles prononcées contre Ekrem, Mahmut et Fikrat en vertu de l’article 17 1 (c) du Code pénal. Les autres aspects de la requête ont été rejetés et n’ont pas été traités par la Cour, car introduits hors délai [para. 45 et 46].

La Cour a examiné la question de l’équité de la procédure pénale contre les requérants en vertu de l’article 6 de la Convention en raison de l’invalidité alléguée de la renonciation à leur droit à un avocat à l’occasion des déclarations à la police au cours de la phase d’enquête préliminaire. La Cour a appliqué le test à trois volets pour examiner cette question : a) si le requérant a renoncé au droit à l’assistance d’un avocat de manière non équivoque et si la renonciation était accompagnée de garanties minimalement proportionnelles à la gravité de la renonciation b) s’il y avait des « raisons impérieuses » de restreindre l’accès à un avocat et c) si, malgré l’absence temporaire d’un avocat, l’équité globale de la procédure était assurée (Simeonova c. Bulgarie [GC], n ° 21980/04, 12 mai 2017§§ 112-120).

Compte tenu des faits différents dans chaque affaire, la Cour a divisé les requérants en deux groupes. Le premier groupe de requérants comprenait Ekrem, Mahmut et Fikret. La Cour a jugé que la validité d’une renonciation au droit à l’assistance d’un avocat ne peut être déduite d’une simple référence aux documents qu’une personne peut avoir signés en garde à vue. La Cour a noté qu’Ekram et Fikrat avaient rencontré leurs avocats pendant leur garde à vue. En outre, les documents attestent qu’Ekram avait informé son avocat qu’il ne ferait aucune déclaration à la police ni ne participerait à l’enquête. En outre, selon un deuxième document, les avocats d’Ekrem avaient été empêchés de le rencontrer. Compte tenu des éléments disponibles, la Cour n’a pas accepté l’argument du Gouvernement selon lequel les requérants avaient renoncé à leur droit à un avocat [par. 56]. La Cour a jugé que le gouvernement n’avait pas établi hors de tout doute raisonnable que les requérants avaient sans équivoque et en toute connaissance de cause renoncé à leur droit d’être assistés par un avocat [para. 59].

En ce qui concerne la question de savoir s’il existait des raisons impérieuses de restreindre l’accès aux avocats, la Cour a estimé que le gouvernement n’avait pas fourni de raison impérieuse de restreindre l’accès des requérants aux avocats pendant leurs interrogatoires et leur garde à vue, et que la législation nationale applicable ne prévoyait aucune raison pour de telles restrictions (Ruşen Bayar c. Turquie, no. 25253/08, 19 février 2019) [para. 60].

En ce qui concerne la question de l’équité globale de la procédure adoptée par le gouvernement, la Cour a estimé qu’en l’absence de raisons impérieuses avancées par le gouvernement pour restreindre l’accès aux avocats, la Cour devait examiner de près l’équité de la procédure. L’absence d’explication et de justification du gouvernement à l’appui de la restriction de l’accès des requérants à un avocat avait irrémédiablement nui à l’équité du procès. Dans ce contexte, le tribunal de première instance et la Cour de cassation auraient dû examiner les circonstances entourant les renonciations et examiner la recevabilité des déclarations policières autos incriminantes et les preuves que les requérants ont fournies lors de la reconstitution des événements [para. 62]. La Cour s’est appuyée sur plusieurs décisions pour conclure que le non- respect des garanties procédurales violait inévitablement l’équité globale de la procédure : Beuze c. Belgique [GC], no. 71409/10, 9 novembre 2018 § 145, Ibrahim et autres c. Royaume Uni, [GC], nos. 50541/08 et 3 autres, 13 septembre 2016 § 265, Simeonovi c. Bulgarie, no. 21980/04, 12 mai 2017 §§ 118 et 132,  Ruşen Bayar, supra § 126, Bozkaya c. Turquie, no. 46661/09, 5 septembre 2017 §§ 49-54 et Türk c. Turquie, no. 22744/07, 5 septembre 2017§§ 53-59 [para. 61, 63].

La Cour a finalement conclu à la violation de l’article 6, paragraphes (1) et 3 (c) de la Convention à l’égard des requérants Ekrem, Mahmut et Fikret, car la juridiction inférieure n’avait pas examiné deux points très cruciaux à savoir si la condition selon laquelle les requérants auraient renoncé à leur droit d’accès à un avocat était correcte et si le fait de s’appuyer sur des preuves fournies pendant la garde à vue en l’absence d’avocats pour condamner les requérants sans observer les garanties procédurales nécessaires rendait le procès dans son ensemble inéquitable [para. 64 et 65].

En ce qui concerne les autres requérants, la Cour a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la plainte séparément en vertu de l’article 6, paragraphes (1) et 3 (c) de la Convention, car la seule condamnation pertinente pour l’examen de la plainte des requérants est en vertu de l’article 113 du Code pénal et peut être examinée de manière plus appropriée au titre de l’article 11 de la Convention.

Pour ce qui est de la violation alléguée des articles 10 et 11 de la Convention, la Cour a estimé que les griefs des requérants devaient être examinés uniquement sous l’angle de l’article 11 (liberté de réunion pacifique), car cela nécessiterait un examen de l’article 10 (liberté d’expression) comme l’un des aspects importants de la liberté de réunion pacifique au regard de l’article 11 (Kudrevičius et autres c. Lituanie [GC], no 37553/05, 15 octobre 2015, §§ 85-86) [para . 68].

En se penchant sur la question de la recevabilité soulevée par le gouvernement au titre de l’article 17 de la Convention, la Cour a rejeté l’argument selon lequel il n’était applicable que dans des cas exceptionnels et extrêmes qui n’étaient pas satisfaits en l’espèce (Paksas c. Lituanie [GC], n ° 34932/04, 6 janvier 2011 § 87). La Cour s’est appuyée sur l’affaire Belge c. Turquie, no 50171/09, 6 décembre 2016 §§ 34-35 dans laquelle des slogans similaires avaient été scandés. La Cour avait alors estimé que de tels slogans ne constituaient pas une incitation à la violence [para 73]. La Cour a aussi jugé que la plainte n’était ni manifestement mal fondée ni irrecevable selon les motifs énumérés à l’article 35 de la Convention. La requête a donc été déclarée recevable [para. 75].

Sur le fond, la Cour a appliqué le test à trois volets d’une ingérence : prévue par la loi, poursuivant un but légitime et nécessaire dans une société libre et démocratique. La Cour a statué que la liberté de réunion est un droit fondamental dans une société démocratique et, tout comme la liberté d’expression, elle est l’un des fondements d’une société démocratique. Par conséquent, les restrictions qui lui sont imposées doivent concilier les objectifs légitimes visés à l’article 11(2), et le droit à la liberté d’expression et de réunion dans les lieux publics (Navalnyy c. Russie ([GC], nos. 29580/12 et 4 autres, 15 novembre 2018 §§ 98-103, 114-115, 120-122, et 128, Djavit An c. Turquie, no. 20652/92, 20 février 2003 § 56, Barraco c. France, no. 31684/05, 5 mars 2009 § 41 et Ezelin c. France, no. 11800/85, 26 avril 1991, § 52). L’article 11 protège le droit de réunion pacifique uniquement lorsque les participants à la réunion n’ont pas l’intention d’inciter à la violence [para. 78-79].

La Cour a conclu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que la protestation des requérants avait causé un préjudice ou de la violence ou que les manifestants avaient l’intention d’inciter à la violence. Au contraire, au cours de la manifestation d’une heure, les personnes à l’intérieur de la salle d’audience ont été touchées par le gaz lacrymogène lancé par la police [para. 83 et 84]. Bien que l’implication des requérants Ekrem, Mahmut et Fikret dans des actes de violence antérieurs pourrait constituer un facteur pertinent pour déterminer l’intention d’agir violemment, cet élément, en soi, n’était pas suffisante pour justifier la conclusion qu’ils avaient de telles intentions, en particulier lorsque des témoins ont attesté que les requérants avaient assuré qu’aucun préjudice ne serait causé [par. 83]. La Cour a jugé que les actes des requérants n’étaient pas de nature à les priver du droit prévu à l’article 11 de la Convention. Par conséquent, les objections du Gouvernement au titre de l’article 17 de la Convention ont été rejetées. La Cour a conclu qu’il y avait eu ingérence dans l’exercice par les requérants de leur droit à la liberté de réunion en raison de leur arrestation, détention, poursuites et condamnation sur la base de leur participation à une manifestation à l’intérieur du palais de justice [para. 85 et 86]. La Cour a estimé que l’ingérence était prescrite par la législation nationale, c’est-à-dire que l’article 113(1) du Code pénal et la loi satisfaisaient à l’exigence d’une ingérence prévue par la loi.

En ce qui concerne la question de la nécessité, dans une société démocratique, la Cour a estimé que même si la protestation des requérants concernait une question d’intérêt public, la manière dont ils avaient choisi de transmettre leur message et d’exercer leurs droits garantis par l’article 11 de la Convention avait non seulement compromis la sécurité publique et constituée un risque pour la protection des droits et libertés des autres personnes présentes au palais de justice, mais avait également perturbé un service public essentiel, à savoir la bonne gestion de la justice (Öğrü c. Turquie, n ° 19631/12, 17 octobre 2017 § 25). L’ingérence en l’espèce correspondait à un besoin social pressant [para. 90]. Si les États contractants disposent d’une grande marge d’appréciation pour évaluer la nécessité de prendre des mesures visant à restreindre des comportements illégaux, ce pouvoir n’est toutefois pas illimité et doit être proportionné à l’objectif poursuivi. En général, les manifestations pacifiques ne devraient pas entraîner de conséquences pénales [par. 90-92]. En l’espèce, étant donné que le comportement des requérants n’était pas violent et n’avait causé aucun dommage, la juridiction nationale n’a pas justifié la condamnation à la prison de chacun des requérants. La longue peine d’emprisonnement n’était pas proportionnée aux objectifs légitimes de protection de la sécurité publique et des droits et libertés d’autrui ou de prévention des troubles de l’ordre public [par. 93]. En outre, les requérants ont été placés en détention provisoire malgré l’exercice légitime de leurs droits au titre de l’article 11 de la Convention. En conséquence, la Cour a jugé que l’ingérence dans les droits prévus par l’article 11 de la Convention, lu avec l’article 10, n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Il y a eu, donc, violation de l’article 11 de la Convention [para. 93-96].

En application de l’article 41 de la Convention, la Cour a accordé à chaque requérant une indemnité de 7 500 euros plus taxes. En outre, un montant de 2 000 euros a été accordé conjointement pour couvrir les frais de la procédure [par. 104 et105].


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

élargit l'expression

La décision de la Cour élargit l’expression. La Cour est consciente du fait que si les droits prévus à l’article 11 et à l’article 10 de la Convention peuvent être restreints, les restrictions imposées doivent être nécessaires et proportionnées au but recherché. En outre, la Cour a réitéré le principe général selon lequel, dans le cas de manifestations ou de rassemblements pacifiques et non violents, les États ne doivent pas recourir à des poursuites pénales ou à la condamnation des manifestants, car cela entraverait les libertés inestimables garanties par la Convention.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Lois internationale et/ou régionale connexe


  • The Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 6


  • Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 10


  • Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 11


  • Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 17


  • The Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 35


  • Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 37


  • Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 41


  • Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Article 44

  • ECtHR, Akgöl v. Turkey, App. Nos. 28495/06 and 28516/06 (2011)

  • Akdağ v. Turkey, no.75460/10, ECHR 2019

  • ECtHR, Appleby v. United Kingdom, App. No. 44306/98 (2003)
  • ECtHR., Barraco v. France, App. No. 31684/05 (2009)

  • Beg S.p.a. v. Italy, no. 5312/11, ECHR 2021


  • Belek and Velioğlu v. Turkey, no. 44227/04, ECHR 2015

  • ECtHR, Belge v. Turkey (2016), No. 50171/09.

  • Beuze v. Belgium [GC], no. 71409/10, ECHR 2018


  • Bozkaya v. Turkey, no. 46661/09, ECHR 2017

Normes, droit ou jurisprudence nationales


  • Turkey, The Criminal Code of the Republic of Turkey, Article 113


  • Turkey, The Criminal Code of the Republic of Turkey, Article 314


  • Turkey, The Criminal Code of the Republic of Turkey, Article 174


  • Turkey, The Criminal Code of the Republic of Turkey, Article 170

Notes de Droit Général

  • Djavit An v. Turkey, no. 20652/92, ECHR 2003 – III
  • Ezelin v. France [1991] ECHR 29
  • Gün and Others v. Turkey, no. 8029/07, ECHR 2013
  • Gür v. Turkey (dec.), no. 39182/08, ECHR 2014
  • Ibrahim and Others v. the United Kingdom, [GC], nos. 50541/08, ECHR 2016
  • Karademirci and Others v. Turkey, nos. 37096/97 & 37101/97, ECHR 2005 – I
  • Kaytan v. Turkey, no. 27422/05, ECHR 2015
  • Keskin v. Turkey (dec.), no. 12923/12, ECHR 2014
  • Kilin v. Russia, no. 10271/12, ECHR 2021
  • Knežević v. Montenegro (dec.), no. 54228/18, ECHR 2021
  • Kudrevičius and Others v. Lithuania [GC], no. 37553/05, ECHR 2015
  • Mehmet Zeki Çelebi v. Turkey, 27580/12, ECHR 2015
  • Navalnyy v. Russia [GC], nos. 29580/12, ECHR 2018
  • Öcalan v. Turkey [GC], no. 46221/99, ECHR 2005 – IV
  • Öğrü v. Turkey, 19631/12, ECHR 2017
  • Paksas v. Lithuania [GC], no. 34932/04, ECHR 2011
  • Perinçek v. Switzerland [GC], no. 27510/08, ECHR 2015
  • Razvozzhayev v. Russia and Ukraine & Udaltsov v. Russia, nos. 75734/12, ECHR 2019
  • Ruşen Bayar v. Turkey, 25253/08, ECHR 2019
  • Sabri Güneş v. Turkey [GC], no. 27396/06, ECHR 2012
  • Sáska v. Hungary, 58050/08, ECHR 2012
  • Schwabe and M.G. v. Germany, nos. 8080/08 & 8577/08, ECHR 2011
  • Simeonovi v. Bulgaria [GC], no. 21980/04, ECHR 2017
  • Soytemiz v. Turkey, no 57837/08, ECHR 2018
  • Stankov and the United Macedonian Organisation Ilinden v. Bulgaria, 29221/95 & 29225/95, ECHR 2001 – IX
  • Taranenko v. Russia, 19554/05, ECHR 2014
  • Türk v. Turkey, 22744/07, ECHR 2017
  • Tuskia and Others v. Georgia, 14237/07, ECHR 2018
  • Yunus Aktaş and Others v. Turkey, 24744/03, ECHR 2009

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

L’arrêt a valeur de précédent contraignant pour tous les pays signataires de la convention en Europe.

Documents Officiels du Cas

Pièces Jointes:

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