Sécurité nationale, Liberté d'association et de réunion / manifestations, Expression politique
ECODEFENCE c. Russie
Fédération de Russie
Affaire résolue Élargit l'expression
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Le Tribunal administratif fédéral d’Allemagne (Tribunal) a décidé qu’un camp de manifestants et ses infrastructures étaient protégés par droit à la liberté de réunion pacifique. En 2017, les requérants ont enregistré un camp de protestation (« camp climatique ») à titre de rassemblement public en plein air, mais se sont vu refuser l’autorisation pour une zone d’hébergement contenant des tentes et des installations sanitaires. Le Tribunal a d’abord estimé que la nature du « camp climatique » en tant que camp de protestation continue n’empêchait pas sa classification en tant qu’assemblée protégée par la Loi sur les rassemblements et par l’art. 8 de la Loi fondamentale allemande. Ensuite, le Tribunal a établi que les infrastructures d’un camp de protestation bénéficient de la protection du droit à la liberté de réunion pacifique si elles ont un lien substantiel avec l’expression d’opinion de l’assemblée ou si elles sont logistiquement nécessaires pour l’assemblée en question et ont un lien physique direct avec le rassemblement. Ici, le « camp climatique » n’aurait pas pu se tenir sans les infrastructures situées à proximité des zones de rassemblement. Pour ces raisons, le Tribunal a conclu que le « camp climatique » et ses infrastructures bénéficient de la protection de la Loi sur les rassemblements et au droit à la liberté de réunion pacifique.
En juillet/août 2017, le requérant a enregistré un « camp climatique » comme rassemblement public en plein air auprès de la préfecture de police d’Aix-la-Chapelle en tant qu’autorité compétente pour les rassemblements. Le camp devait s’établir sur un champ pendant 11 jours à la fin du mois d’août 2017. L’objectif du camp était d’attirer l’attention sur la destruction des localités, de l’environnement et du climat par l’extraction de lignite pour la production d’électricité. À cette fin, des tentes de cirque, des cuisines de campagne, des tentes utilitaires et événementielles, une scène, des haut-parleurs, des générateurs et des toilettes à compost seraient installés. De plus, un espace pour les tentes accueillant les participants et pour les installations sanitaires serait installé. Les organisateurs s’attendaient à un maximum de 6000 participants.
Dans un arrêté du 14 août 2017, la préfecture de police d’Aix-la-Chapelle a confirmé que le « camp climatique » serait considéré comme un rassemblement, mais a interdit de le tenir sur le champ identifié par le requérant et lui a plutôt attribué une zone louée par le demandeur (parcelle 55) et un terrain de sport adjacent pour servir de lieu de rassemblement. Sur le terrain de sport, les participants ont été autorisés à dresser leurs tentes pour la nuit. L’arrêté était fondé sur l’article 15 (1) de la Loi allemande sur les rassemblements, qui prévoit que :
« L’autorité compétente peut interdire le rassemblement ou le cortège ou les soumettre à certaines conditions si, selon les circonstances discernables au moment d’émettre l’arrêté, la sécurité ou l’ordre public est directement menacé lorsque le rassemblement ou la procession ont lieu. »
Après l’occupation du terrain de sport par des tentes de couchage pour les participants au camp, le requérant a utilisé un autre terrain loué (parcelle 65), situé à 800 mètres de la parcelle 55, en tant que zone supplémentaire pour monter davantage de tentes de couchage et des installations sanitaires.
À la suite d’une correspondance adressée à la préfecture de police d’Aix-la-Chapelle en date du 22 août 2017, la préfecture de police a émis un arrêté interdisant d’utiliser la parcelle 65 en tant que zone de rassemblement. La police a estimé que du point de vue de la loi sur les rassemblements, il n’y avait aucune base légale pour déclarer que cette zone sur laquelle aucun rassemblement n’a eu lieu, mais sur laquelle des tentes et des installations sanitaires ont été installées, pourrait être qualifiée de rassemblement. Contrairement au terrain de sport utilisé de la même manière, la parcelle 65 n’était pas la propriété de l’État et donc aucune autorisation en vertu de la loi sur les rassemblements ne pouvait être accordée.
Le 14 mars 2018, le requérant a introduit un recours pour obtenir une décision déclaratoire définissant la parcelle 65, en tant que zone d’hébergement de nuit, comme zone protégée en vertu du droit à la liberté de réunion prévue respectivement à l’art. 8 de la Loi fondamentale allemande (Grundgesetz, GG) et la Loi sur les rassemblements. Le tribunal administratif d’Aix-la-Chapelle a rejeté le recours, car le terrain n’était utilisé que pour un campement de nuit et ne faisait donc pas partie des rassemblements protégés en vertu de l’art. 8 de la Loi fondamentale : « le simple séjour de personnes dans un camp à des fins d’hébergement et leur intention de participer à des réunions ne peuvent en soi être considéré comme une formation collective d’opinion et d’expression d’opinion dans le but d’influencer la formation de l’opinion publique » [para. 23]. Le Tribunal a estimé que la parcelle 65 était soumise à la « protection initiale » (Vorfeldschutz) de la liberté de réunion, ce qui signifiait cependant que « pour d’éventuelles mesures étatiques à cet égard – en l’absence d’un rassemblement – la Loi sur les rassemblements n’est pas pertinente, mais que […] la loi générale relative à l’ordre public est applicable » [para. 32].
Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal administratif supérieur de Münster. Le 16 juin 2020, le Tribunal a rendu la décision déclaratoire demandée considérant que « la parcelle était couverte en tant que zone de rassemblement par le droit fondamental de rassemblement en vertu de l’article 8 (1) de la Loi fondamentale allemande parce que son utilisation dans le cadre de l’assemblée permanente « Camp climatique en Rhénanie 2017″ avait un lien fonctionnel et conceptuel suffisant avec ce rassemblement » [para. 70ff.].
Le défendeur, l’État de Rhénanie du Nord-Westphalie, a interjeté appel devant le Tribunal administratif fédéral en vue de faire rétablir le jugement du tribunal de première instance. Il a fait valoir qu’il y avait une distance entre la parcelle 55 et la parcelle 65 et que, par conséquent, le « camp réservé aux tentes » n’était pas utilisé spécifiquement pour le rassemblement, mais simplement pour faciliter l’accès au rassemblement principal. Si un tel campement sans caractère fonctionnel spécifique aux rassemblements était qualifié de rassemblement, il ne pourrait être régi que sur la base de la Loi sur les rassemblements et non en vertu de loi sur la police générale et l’ordre public. Il y avait un risque que, dans des cas similaires, le simple fait de camper et d’assiéger une propriété soit qualifié de rassemblement et soit donc placé sous protection particulièrement élevée, imposée par la Loi sur les rassemblements sans avoir nécessairement besoin d’exprimer une opinion.
Le Tribunal devait déterminer si une parcelle de terrain agricole (parcelle 65), utilisée comme lieu de campement pour les manifestants lors du « Camp climatique 2017 », était couverte par la liberté de réunion pacifique en vertu de l’article 8 de la Loi fondamentale allemande (Grundgesetz, GG) et de la Loi allemande sur les rassemblements (Versammlungsgesetz, VersammlG).
Au départ, le Tribunal a estimé que le « camp climatique » était un camp de protestation qui constitue une « nouvelle forme de protestation collective de plus en plus répandue ». Les camps se tiennent généralement dans un endroit qui a un rapport avec le problème soulevé par chacune de ces manifestations. Cependant, la nature des camps de protestation dépend davantage de leur durée que de l’endroit dans lequel ils se déroulent » [para. 17]. De ce caractère spécifique des camps de protestation découle « un besoin spécifique des participants du camp en matière d’infrastructures, notamment pour les soins, l’hébergement et les installations sanitaires qui risquent d’occuper un espace considérable sur le site réservé aux camps » [ibid.]
Premièrement, compte tenu du caractère spécifique et de la longue durée des camps de protestation, le Tribunal a énoncé les principales normes relatives à l’étendue de la protection des rassemblements en vertu de la loi sur les rassemblements et de la Loi fondamentale (1) et a examiné si un camp de protestation comme le « camp climatique », en tant qu’événement continu (Dauerveranstaltung), est inclus dans ce domaine de protection (2).
Deuxièmement, le Tribunal devait alors déterminer si les infrastructures du « camp climatique » sur la parcelle 65 tombaient également sous la protection de la Loi sur les rassemblements et de la Loi fondamentale (article 8).
En accord avec le Tribunal administratif supérieur, le Tribunal a jugé que « l’infrastructure d’un camp de protestation, qualifié de rassemblement, ne jouit pas seulement de la protection directe accordée en vertu de l’article 8 de la Loi fondamentale […], si elle a un lien de fond avec l’expression d’opinion prévue par le camp. Au contraire, la protection est également accordée si elle est nécessaire du point de vue logistique pour le camp spécifique et est spatialement attribuable à celui-ci » [para. 27]. Le Tribunal s’est référé à une jurisprudence qui exige une « relation fonctionnelle ou symbolique » entre un camp de protestation qualifié de rassemblement et une infrastructure, de sorte que cette dernière entre directement dans le champ d’application de la protection de la liberté de réunion en vertu de l’article 8 de la Loi fondamentale allemande. Le fait que le lieu de rassemblement n’appartienne pas aux pouvoirs publics, mais à une personne privée n’a aucune importance, si le rassemblement s’y tient avec le consentement du propriétaire. Le tribunal a souligné que la portée du droit à la liberté de réunion est également pleinement ouverte sur la propriété privée.
En l’espèce, le Tribunal s’est référé aux constatations factuelles pertinentes du Tribunal administratif supérieur lequel a constaté que « tous les espaces occupés par le camp climatique formaient une unité spatiale » [para. 33]. De plus, « la possibilité de participer au camp climatique, qui a été conçu comme un rassemblement continu, dépendait (également) de l’infrastructure de la parcelle 65 en tant que zone d’hébergement pour la nuit […] parce qu’il n’y avait pas d’autres possibilités d’hébergement dans cette région rurale » [ibid.].
Ainsi, le « camp climatique » n’aurait pas pu avoir lieu sans l’utilisation de la parcelle 65 comme aire d’hébergement et était donc nécessaire sur le plan logistique pour l’organisation et la réalisation du camp. Par conséquent, le Tribunal a conclu que les installations d’infrastructure sur la parcelle 65 correspondant au « camp climatique » constituaient un rassemblement au sens de l’article 8 de la Loi fondamentale allemande et également au sens de la Loi sur les rassemblements et bénéficiaient de la protection directe du droit à la liberté de réunion.
Le Tribunal a rejeté l’appel du défendeur et a confirmé la décision déclaratoire rendue par le Tribunal administratif supérieur de Münster.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
La décision du Tribunal administratif fédéral étend la protection du droit à la liberté de réunion, car elle établit que les camps de protestation ainsi que leurs infrastructures spécifiques relèvent de son champ de protection et du champ d’application de la loi sur la liberté de réunion. La protection directe au titre de la loi sur l’Assemblée et du droit à la liberté de réunion implique un examen approfondi des mesures prises par les autorités de l’État. Dans le cas contraire, si la loi sur les réunions n’est pas applicable, les mesures prises par l’État, y compris celles qui concernent les réunions, sont examinées sur la base du droit général de la police et de l’ordre public.
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