Constitutionnalité du Décret Législatif n°540 de 2020

Affaire résolue Élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Transmission audio visuelle, Communication électronique / basée sur l'internet
  • Date de la Décision
    juin 24, 2020
  • Résultat
    Loi ou action maintenue
  • Numéro de Cas
    C-197/20
  • Région et Pays
    Colombie, Amérique latine et Caraïbes
  • Organe Judiciaire
    Cour constitutionnelle
  • Type de Loi
    Droit constitutionnel
  • thèmes
    Droits numériques, Licences / réglementation des médias
  • Mots-Cles
    Internet, COVID-19, État d'urgence

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Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

La Cour constitutionnelle de Colombie a déclaré constitutionnel le décret n° 540. Le décret, signé par le Président, a été promulgué en vertu des pouvoirs découlant de la précédente déclaration de l’état d’urgence dans le contexte de la pandémie COVID-19. Le décret contient deux mesures visant à répondre à la demande accrue de services de télécommunications en raison de l’isolement et de la distanciation sociale requis, ce qui a créé de sérieux problèmes quant à la satisfaction, entre autres, aux droits à l’éducation, au travail, à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. La Cour a conclu qu’en réduisant les charges administratives en rapport avec la prestation des services de télécommunications, ainsi que les coûts des services mobiles au profit des personnes à revenus limités, le décret atténue les difficultés résultant de la crise et contribue à garantir l’exercice des droits et libertés fondamentaux.


Les Faits

Le 17 mars 2020, le Président colombien a pris le décret n° 417 dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 “par lequel un état d’urgence économique, sociale et écologique est déclaré sur l’ensemble du territoire national. » Le décret confère à la présidence le pouvoir de prendre des décrets législatifs dans les conditions énoncées à l’article 215 de la Constitution. Sur la base de la déclaration de l’état d’urgence, le Président a publié, entre autres, le décret législatif n°540 de 2020 “en vertu duquel des mesures sont adoptées pour élargir l’accès aux télécommunications dans le contexte de l’état d’urgence économique, sociale et écologique”, qui a été déféré à la Cour constitutionnelle pour contrôle.

L’article premier du décret établit une procédure spéciale pour le traitement des demandes de licence pour la construction, la connexion, l’installation, la modification ou l’exploitation de tout équipement pour la fourniture de services de télécommunications. Plus précisément, le délai à observer pour que le silence administratif positif soit constaté dans le traitement de telles demandes est réduit de deux mois à 10 jours. L’article 2 déclare les services de téléphonie mobile et d’Internet exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pendant les quatre mois suivant la publication du décret.

Le secrétariat juridique auprès du cabinet du président de la République, le ministère des technologies de l’information et des communications, le ministère des finances et du crédit public et la commission de régulation des communications ont pris part au processus pour défendre la constitutionnalité du décret législatif n° 540 de 2020.

Le cabinet du président a fait valoir que l’utilisation d’Internet et de la téléphonie mobile a augmenté principalement en raison des mesures de distanciation sociale prises pendant la pandémie nécessitant le déroulement de plusieurs activités et la fourniture de produits et services de base à travers les réseaux de télécommunications. Cette utilisation génère des schémas de flux différents de ceux prévus au moment de la conception des réseaux en temps normal, c’est-à-dire qu’au lieu de concentrer le flux , par exemple, dans les sites d’étude et de travail pendant la majeure partie de la journée, il doit être orienté vers les foyers tout au long de la journée, ce qui provoque une plus grande pression au niveau du réseau. Il devient donc essentiel d’accélérer les procédures pour le déploiement de l’infrastructure nécessaire, afin d’assurer une bonne mise à disposition.

D’autre part, le cabinet a déclaré que l’exonération de la TVA sur les services de téléphonie mobile et d’Internet garantit l’accès aux utilisateurs disposant de moins de ressources. En raison de l’impact de la pandémie et les actions de lutte contre la propagation de la COVID-19, il était nécessaire de mettre en œuvre des mesures garantissant l’accès à certains biens et services de base pour que les habitants puissent faire leur travail et leurs activités éducatives et exercer leurs droits et libertés fondamentaux associés aux services de télécommunications.

Le Bureau de l’inspecteur général a estimé que le décret répondait aux exigences matérielles et formelles exigées par la Constitution et par la loi.

 


Aperçu des Décisions

La principale question soumise à la Cour constitutionnelle de Colombie était la constitutionnalité du décret législatif n° 540 de 2020.

D’abord, la Cour a expliqué que les télécommunications étaient considérées comme un service public bien avant la Constitution politique colombienne de 1991 et que la prestation de ces services était associée à la satisfaction de divers droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression, l’accès à l’information et à la culture, dont la garantie contribue à la construction d’une société pluraliste, pacifique, démocratique et participative.

La Cour a mentionné que le régime actuel de réglementation des télécommunications est prévu par la loi 1341 de 2009, qui établit le cadre général pour la formulation des politiques publiques régissant le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) et promeut, entre autres, l’utilisation efficace des réseaux et du spectre électromagnétique « permettant à la population du territoire national d’accéder librement et sans discrimination à la Société de l’information. » Il reconnaît également le rapport intrinsèque entre l’accès à l’information et d’autres droits constitutionnels fondamentaux, et répond à la nécessité d’établir des programmes différenciés en faveur des groupes vulnérables dans le but de contribuer à combler la fracture numérique.

L’irruption de la pandémie actuelle a déclenché une série d’effets à plusieurs niveaux auxquels les États, y compris la Colombie, ont essayé de faire face afin d’éviter que la crise ne s’aggrave ou ne se propage. A cet égard, la Cour a admis que de larges pans de la population, tels que les étudiants et les travailleurs, ont dû transférer leurs activités vers des environnements généralement destinés à la vie familiale et au repos. Toutefois, une telle nécessité ne devrait et ne pourrait pas présenter un risque d’interrompre brusquement et violemment l’exercice normal de droits importants tels que l’éducation, le travail, la liberté d’expression et l’accès à l’information.

En outre, la Cour constitutionnelle a souligné que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Union internationale des télécommunications (UIT), dans une déclaration conjointe datée du 20 avril 2020, ont jugé que les technologies et les services de communication remplissaient trois rôles importants, à savoir la réponse au besoin de tous d’accéder aux informations de santé dont ils ont besoin; l’autonomisation des gens tout en étant en sécurité dans leur isolement, pour rester productifs et connectés; et le développement d’activités médicales et de santé telles que la télémédecine, la connexion au réseau médical et hospitalier et l’analyse en temps réel des données de diagnostic pour “mieux contenir et prédire plus rapidement les épidémies.”

La Cour s’est appuyée également sur les travaux du Bureau du rapporteur spécial pour la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme qui a estimé que compte tenu de l’importance de l’exercice des droits fondamentaux dans le monde numérique, il est expressément reconnu que l’article 13 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, qui garantit le droit de chacun à la liberté d’expression “s’applique pleinement aux communications, aux idées et aux informations diffusées sur Internet.” Le Bureau du rapporteur spécial a souligné que cette question avait également été expressément abordée par l’ONU. La Cour a rappelé aussi que le principe de l’accès universel “fait référence à la nécessité de garantir la connectivité et l’accès à l’infrastructure Internet et à d’autres services TIC de manière universelle, omniprésente, équitable, vraiment abordable et de qualité adéquate dans l’ensemble du territoire. » Il a, enfin, indiqué que “des mesures devraient être prises pour promouvoir progressivement l’accès universel non seulement à l’infrastructure, mais aussi à la technologie nécessaire à son utilisation et à la plus grande quantité possible d’informations disponibles sur Internet; éliminer les obstacles arbitraires à l’accès à l’infrastructure, à la technologie et à l’information en ligne et adopter des mesures de discrimination positive pour permettre l’exercice effectif de ce droit aux personnes ou aux communautés qui font face à la marginalisation et à la discrimination.”

En ces termes, la Cour a considéré que dans l’urgence de répondre aux besoins de télécommunications, le délai de deux mois pour constater le silence administratif positif concernant la demande de licences est jugé excessif. De plus, le mandat prévu à l’article 1 du décret législatif n° 540 de 2020 n’a pas pour effet d’éliminer ou de passer outre les exigences d’obtention de la licence, mais simplement de réduire le délai dont disposent les autorités territoriales pour vérifier si les informations répondent aux exigences réglementaires et techniques.

En ce qui concerne les mesures prévues à l’article 2 du décret législatif, la Cour a constaté que les effets économiques négatifs des mesures d’isolement social visant à prévenir la propagation de la pandémie ont généré une utilisation intensive d’Internet et de la téléphonie mobile, étant donné qu’un nombre important d’activités ainsi que la fourniture de biens et services de premier besoin, doivent être effectués à travers ces canaux.

La Cour a conclu qu’en réduisant les coûts des services mobiles au profit des personnes à revenus limités, le décret allège le fardeau financier provoqué par de la crise et contribue à garantir l’exercice des droits et libertés fondamentaux associés au service de télécommunications.

Pour ces motifs, la Cour a décidé de déclarer constitutionnel le décret législatif n° 540 de 2020.

 


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Élargit l'expression

La décision étend l’expression dans la mesure où elle reconnaît que dans des situations d’urgence telles que la pandémie de la COVID-19, la prestation de services de télécommunications est essentielle pour garantir une multitude de droits fondamentaux tels que l’accès à l’information, la liberté d’expression et l’éducation, notamment pour les catégories les plus vulnérables de la population affectée par les politiques d’isolement et de distanciation sociale.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Lois internationale et/ou régionale connexe

  • ACHR, art. 13

Normes, droit ou jurisprudence nationales

  • Colom., Constitution of Colombia (1991), art. 215.
  • Colom., Law 1341, 2009

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

Documents Officiels du Cas

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