Respect de la vie privée, protection des données et rétention
Conseil Fédéral de l’Ordre des Avocats Brésiliens c. le Président Bolsonaro
Brésil
Affaire résolue Résultat mitigé
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En janvier 2021, la Cour constitutionnelle de l’Équateur a jugé que le stockage et le partage de photographies sexuelles sans le consentement de la victime constituaient une violation de ses droits constitutionnels à la protection des données personnelles, à la réputation et à l’intimité. La victime a intenté une action en habeas data contre la défenderesse, qui avait trouvé ses photographies sur un ordinateur familial, les avait enregistrées sur une clé USB puis envoyées aux parents de la victime. La Cour a estimé que ces images intimes étaient des données personnelles envoyées exclusivement au partenaire de la défenderesse et ne pouvaient être utilisées sans le consentement préalable de celle-ci. La sauvegarde et le partage des photographies a causé un préjudice et violé ses droits à la dignité et l’autodétermination informationnelle.
Selon la plaignante, les 14 et 15 août 2014, elle a reçu plusieurs appels téléphoniques et messages lui ordonnant de démissionner de son emploi, faute de quoi des photos à caractère sexuel seraient partagées avec sa famille et ses collègues. Elle a effectivement reçu des photos intimes qui, selon elle, ont été prises il y a un certain temps mais immédiatement effacées. Les photos ont également été envoyées à ses parents, qui travaillaient dans la même institution qu’elle. Elle a affirmé qu’elle ne savait pas comment la défenderesse avait eu accès aux photos car elles n’étaient stockées que sur son téléphone et avaient été effacées immédiatement après avoir été prises. La diffusion des photos a affecté ses relations professionnelles et personnelles et l’a amenée à suivre un traitement médicamenteux pour soigner ses problèmes de santé mentale.
La défenderesse admet avoir trouvé les photos la nuit du 14 août dans le dossier « Images » d’un ordinateur partagé avec son mari. Elle admet avoir partagé les photos avec les parents de la demanderesse, mais assure qu’elle ne les a partagées avec personne d’autre et qu’elle n’en a fait qu’une copie sur une clé USB pour la présenter au tribunal.
En août 2014, la plaignante a déposé une action en Habeas Data demandant des informations sur la façon dont la défenderesse est entrée en possession des photos et à qui elles ont été envoyées, ainsi que leur suppression immédiate. Le tribunal civil de première instance a accordé la protection, en ordonnant la suppression des photos et en exigeant que la défenderesse remette une déclaration sous serment signée indiquant qu’elle n’avait plus de copies des photos et qu’elle ne les utiliserait plus.
Cependant, la Cour a refusé la réparation intégrale, de sorte que la plaignante a fait appel de la décision. La Cour d’appel des affaires familiales a annulé l’ensemble de la décision et a considéré que la plaignante était celle qui avait volontairement envoyé les photos à un tiers, de sorte qu’aucun droit personnel n’avait été violé. Par conséquent, l’habeas data ne pouvait pas se poursuivre.
La plaignante a intenté une action en protection extraordinaire contre la décision de la cour d’appel, qui a été portée devant la Cour constitutionnelle de l’Équateur.
La juge Carmen Corral Ponce a rendu l’arrêt pour la Cour constitutionnelle. La question principale devant la Cour était de savoir si la défenderesse avait violé les droits constitutionnels de la victime en matière de protection des données, d’honneur et de réputation en sauvegardant et en partageant des photos à caractère sexuel sans son consentement.
La plaignante a fait valoir qu’elle ne savait pas comment la défenderesse avait eu accès aux photos intimes et que son intimité avait été violée lorsqu’elles avaient quitté son téléphone. Elle a souligné que les photos étaient hautement sexuelles et devaient donc être strictement protégées. Sans son consentement préalable, les photos ont été partagées avec des personnes – y compris ses parents – ce qui a porté atteinte à sa réputation et à son image personnelle. Pour tout cela, elle a demandé la suppression des photos et la réparation intégrale des dommages.
Néanmoins, bien que la défenderesse ait admis avoir eu accès aux photos, elle a soutenu qu’aucun consentement préalable n’était requis. La défenderesse a affirmé que la plaignante avait volontairement envoyé les photos à son mari en utilisant WhatsApp et que celles-ci avaient été automatiquement téléchargées sur un ordinateur partagé à la maison. En outre, elle affirme que les photos ont été copiées dans une seule clé USB et partagées uniquement avec les parents de la demanderesse, ce qui représente un « usage personnel et domestique ». Par conséquent, les actions de copie et de partage sont exclues de la règle du consentement préalable selon la réglementation sur les données personnelles. En conclusion, la défenderesse a soutenu qu’aucun droit à la vie privée n’avait été violé et que l’action en protection extraordinaire devait être rejetée.
La Constitution équatorienne a consacré la protection des données personnelles comme un droit humain fondamental et l’habeas data comme le mécanisme procédural pour le garantir. En outre, la Constitution reconnaît le droit à l’intimité et à l’honneur ainsi que l’obligation de l’État de prévenir les atteintes abusives ou arbitraires à la vie privée.
La Cour a exposé la problématique juridique en demandant si la défenderesse a effectué un traitement non autorisé des photos intimes et, dans l’affirmative, si ce traitement a violé les droits constitutionnels à la protection des données, à l’image, à la réputation et à l’intimité. Comme il s’agit d’une Cour constitutionnelle, l’analyse s’est limitée aux droits constitutionnels et à la protection des données en habeas corpus, laissant les autres questions juridiques, telles que les menaces émises pour contraindre à la démission, aux tribunaux pénaux et/ou civils.
Pour la première question, la Cour a examiné si les photos constituaient des données personnelles. Selon les preuves, les photos se trouvaient toutes dans le même dossier « WhatsApp Images » et sous le même nom avec une numérotation différente. Même si l’on ne voyait pas son visage sur toutes les photos, la plaignante était reconnaissable sur celles-ci. La Cour a estimé que « sans grand effort, il [était] facile de voir qu’elles appartenaient à la même personne et que cette personne [était] clairement la demanderesse, puisque son visage [était] vu sur certaines photos » [paragraphe 149]. Pour cette raison, la Cour a conclu que les images constituaient des données personnelles bénéficiant d’une protection constitutionnelle en vertu du processus d’habeas data.
La Cour a ensuite examiné si la défenderesse avait effectivement traité les photos. La défenderesse a admis avoir ouvert les photos sur l’ordinateur, puis les avoir enregistrées sur une clé USB et les avoir partagées avec les parents de la plaignante. La Cour a estimé que ces trois actions différentes constituaient un « traitement de données » aux termes de la Constitution équatorienne et du Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne. La Cour a noté que, bien que l’Équateur n’ait pas de loi sur la protection des données personnelles, le gouvernement avait approuvé un Guide pour le traitement des données personnelles dans l’administration publique qui suivait le modèle européen de protection de la vie privée [paragraphe 83].
Considérant l’argument de la défenderesse selon lequel elle a obtenu les photos par WhatsApp sur l’ordinateur de son mari et que, par conséquent, aucun consentement n’était nécessaire, la Cour a analysé l’attente raisonnable en matière de vie privée lors de l’utilisation d’applications de messagerie instantanée. Dans ce sens, la Cour a distingué trois différents types d’espaces virtuels : public, privé et hybride (semi-privé ou semi-public), chacun d’entre eux permettant un degré différent d’interférence de la part de tiers privés ou du gouvernement [paragraphe 115].
Selon la Cour, les attentes des utilisateurs varient en fonction du type d’application qu’ils utilisent (ouverte ou fermée), du nombre de destinataires (messages individuels ou de groupe), du type d’information partagée (publique ou confidentielle) et des obligations légales ou contractuelles entre les participants à la conversation. La Cour a conclu que la plaignante pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ses photos ne soient pas divulguées à des tiers en raison du moyen utilisé (messages individuels) et du contenu (photos à caractère sexuel sans intérêt public).
Pour cette raison, la Cour a estimé que le consentement préalable était l’une des principales garanties du droit à la protection des données. Le fait qu’elle ait volontairement envoyé les photos à quelqu’un n’autorise pas automatiquement le destinataire, et encore moins un tiers, à les utiliser. Selon la Cour, l’ancienne règle du consentement était requise pour tout type de traitement au-delà de l’usage personnel et ne tenait pas compte des relations familiales ou des liens avec les destinataires des informations. « Lorsque le propriétaire de l’information était celui qui partageait librement et volontairement ses données, en principe, la seule chose qui était claire était que le simple accès aux données (observation) avait été autorisé par la personne à qui elles avaient été envoyées ou avec qui elles avaient été partagées, (…), exclusivement sur le support électronique vers lequel elles avaient été envoyées » [paragraphe 169]. La défenderesse avait la charge de démontrer qu’elle avait l’autorisation préalable du demandeur pour traiter les photos, ce qu’elle n’a pas fait. Par conséquent, la Cour a conclu que le traitement n’était pas autorisé.
En ce qui concerne la deuxième question, à savoir si le traitement a violé des droits constitutionnels, la Cour a distingué quatre revendications différentes : la protection des données, l’honneur, l’image personnelle et l’intimité.
En ce qui concerne la protection des données personnelles, la Cour a reconnu l’autonomie de ce droit qui était distinct des autres. Bien que la Cour constitutionnelle ait lié ce droit à d’autres valeurs, telles que l’honneur et la réputation, dans des arrêts antérieurs, il est désormais considéré comme un droit indépendant et applicable en soi, fondé sur l’autodétermination informationnelle de la personne. Selon l’analyse de la Cour, en l’espèce, il y a eu violation du droit à la protection des données personnelles car la défenderesse a traité des données personnelles sans le consentement de la victime et au-delà de l’usage personnel ou domestique.
Le droit à l’honneur et à la bonne réputation est étroitement lié à la dignité individuelle et à l’estime de soi. La Cour a estimé que l’honneur de la victime a été atteint lorsque les photos ont été partagées avec ses parents. Il existait un lien de causalité fort entre cette exposition et les atteintes à la réputation et à l’estime de soi. « S’agissant d’une femme majeure, mère de famille et chef de famille, il était évident que le fait de divulguer à ses parents, probablement l’une des sphères les plus intimes de sa personne, comportait un degré de violation suffisamment grave pour porter atteinte au fondement même du droit à l’honneur » [paragraphe 200].
Le droit à l’image personnelle vise à protéger le pouvoir de chacun de décider de rendre publiques ou non les caractéristiques physiques de sa personne. Ce droit comprend non seulement les images qui représentent clairement la personne, mais aussi celles dans lesquelles l’individu est reconnaissable. Suivant son raisonnement sur le consentement préalable et la sensibilité du contenu, la Cour a conclu qu’il y avait eu atteinte à l’image personnelle de la plaignante.
En ce qui concerne le droit à l’intimité, la Cour a souligné la grande sensibilité des photos. Les activités et décisions sexuelles font partie des décisions les plus intimes et bénéficient donc d’une protection plus forte. Il y a eu une violation claire de l’intimité de la plaignante, et la défenderesse n’avait aucune raison légitime de partager les photos avec les parents de la plaignante.
En conclusion, la Cour constitutionnelle a estimé qu’il y avait eu un traitement non autorisé des données personnelles de la plaignante. La défenderesse a stocké et partagé les photos sans le consentement de la propriétaire des données. Ce traitement a porté atteinte aux droits constitutionnels de la plaignante à la protection des données, à l’honneur, à l’image et à l’intimité. En conséquence, le tribunal a ordonné à la défenderesse de fournir une déclaration sous serment indiquant qu’elle supprimerait les copies des images et ne les utiliserait plus à aucune fin. Compte tenu de la nature hautement sensible du contenu divulgué dans le cadre de la procédure judiciaire, la Cour a supprimé des dossiers et des arrêts toute référence personnelle aux parties.
La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.
La Cour constitutionnelle de l’Équateur a rendu une décision dans laquelle elle a examiné les droits à la protection des données personnelles, à l’honneur et à la réputation d’une personne non publique dans une affaire de « porno divulgation ». Bien que la décision restreigne la liberté de diffuser des images intimes sans consentement, la Cour a mis en balance les droits concurrents. Au vu des circonstances de l’affaire, la Cour a pesé en faveur du droit au respect de la vie privée, estimant que les images dans lesquelles la personne est reconnaissable sont considérées comme des données à caractère personnel et que, à ce titre, son consentement est nécessaire pour effectuer tout traitement au-delà de l’usage domestique. Cela inclut leur stockage et leur partage avec des tiers, indépendamment de la finalité et/ou de la relation familiale avec la victime.
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