Associated Press c. Budowich

En cours Élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Presse / Journaux
  • Résultat
    Motion accordée
  • Numéro de Cas
    1:25-cv-00532 (TNM)
  • Région et Pays
    États-Unis, Amérique du Nord
  • Organe Judiciaire
    Tribunal de première instance
  • Type de Loi
    Droit constitutionnel
  • thèmes
    Liberté de la presse, Modération du contenu
  • Mots-Cles
    Discours du gouvernement ou de l'État, Pluralisme des médias

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Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

Un tribunal fédéral des États-Unis a accordé une injonction provisoire contre la décision du gouvernement fédéral d’exclure un grand organe de presse de certains événements médiatiques organisés à la Maison-Blanche. En effet, l’administration avait retiré à ce média l’accès aux disponibilités du press pool et à des briefings à accès restreint, après que celui-ci eut refusé de modifier son guide de style pour remplacer les mentions du « golfe du Mexique » par la terminologie privilégiée du gouvernement, « golfe d’Amérique ». La Cour a jugé que, dès lors que le gouvernement ouvre des espaces restreints à certains journalistes, il ne peut en exclure d’autres en raison de leur point de vue, et que l’exclusion du média constituait à la fois une discrimination fondée sur le point de vue et une mesure de représailles prohibé par Premier Amendement de la Constitution des États-Unis. Le tribunal a également estimé que la mesure litigieuse constituait un acte de représailles à l’encontre de l’exercice légitime de la liberté d’expression du média, en violation du Premier Amendement.  Relevant que les forums non publics tels que le Bureau ovale et les salles de briefing imposent un régime d’accès raisonnable et neutre au regard du point de vue, la juridiction a conclu que le média était susceptible de l’emporter au fond et qu’il subirait, à défaut de protection immédiate, un préjudice irréparable. En conséquence, elle a ordonné au gouvernement de restaurer sans délai son accès et a maintenu l’injonction jusqu’à nouvelle décision de la cour.


Les Faits

Le 20 janvier 2025, le président des États-Unis, Donald Trump, a signé le décret présidentiel n° 14172 (« Restaurer les noms qui honorent la grandeur américaine »), qui prévoyait notamment de renommer le « golfe du Mexique » en « golfe d’Amérique ». Environ trois semaines plus tard, le 11 février, la porte-parole du président, Karoline Leavitt, a convoqué une réunion avec Zeke Miller, correspondant en chef de l’Associated Press (AP) pour l’exécutif (Maison-Blanche), afin de l’informer que l’agence serait exclue des événements réservés au press pool si elle refusait de modifier son guide de style pour utiliser l’expression « golfe d’Amérique » à la place de « golfe du Mexique ».

Historiquement, le droit d’accès de la presse à la Maison-Blanche s’organise en deux instances principales. La première est le press pool, groupe alternance représentant environ 1 à 2 % des journalistes accrédités auprès de la Maison-Blanche, désignés par l’association privée des correspondants de presse de la Maison-Blanche (WHCA). Depuis plus d’un siècle, l’AP bénéficie de deux places permanentes au sein du pool : l’une pour un journaliste de presse écrite et l’autre pour un photographe. La seconde instance est le corps de presse titulaire du hard pass, soit environ 1 355 journalistes, devant suivre un processus d’accréditation rigoureux pour obtenir ce laissez-passer leur donne accès à l’ensemble des installations de presse de la Maison-Blanche entre 5 h 30 et 22 h 30. Ces journalistes assistent aux événements quotidiens en réservant des places au préalable, notamment dans la salle de briefing James S. Brady (49 places) et dans la salle Est (180 places). Quant à lui le press pool permet de participer à des événements dont la capacité est limitée, incluant les activités se tenant dans l’espace de travail officiel du président (Bureau ovale), les réunions du Cabinet, les déplacements présidentiels à bord d’Air Force One, ainsi que certains briefings occasionnels à Mar-a-Lago (résidence privée du président Trump). D’autres zones réservées à la presse incluent « Pebble Beach » sur le terrain nord et la pelouse sud de la Maison-Blanche. Jusqu’en février 2025, l’AP a bénéficié sans restriction de cet accès, conformément aux procédures établies par la WHCA, couvrant le président aux côtés des autres médias accrédités sans interférence de l’exécutif.

Le 13 février, un journaliste de presse écrite de l’AP s’est vu refuser l’accès à une conférence de presse dans la salle Est malgré a confirmation préalable de sa participation, tandis qu’un photographe de l’agence et que des journalistes d’autres médias concurrents y entraient sans difficulté. Cette exclusion a entravé la capacité de l’AP à assurer une couverture en temps réel, ses journalistes ayant dû attendre la retransmission vidéo avant de diffuser des alertes d’actualité, ce qui a entraîné des retards significatifs dans la publication d’informations de dernière minute. Deux jours plus tard, le chef adjoint du cabinet présidentiel, Taylor Budowich, a confirmé publiquement que cette exclusion résultait du refus de l’AP d’adopter la nouvelle terminologie imposée par l’administration.

À la suite de cet incident, les titulaires d’un hard pass affiliés à l’AP ont été systématiquement exclus des rotations du press pool pour les disponibilités au Bureau ovale, les vols présidentiels à bord d’Air Force One et d’autres événements exclusivement réservés au pool. Les journalistes de l’AP ont par ailleurs été à plusieurs reprises empêchés d’accéder à des événements à accès restreint, notamment des conférences de presse dans la salle Est, un discours au Grand Hall du ministère de la Justice, ainsi que d’autres briefings de premier plan, alors même que les agences de presse concurrentes continuaient d’y être admises presque quotidiennement. Les correspondants étrangers de l’AP ont pu occasionnellement participer à ces événements, mais uniquement lorsqu’ils accompagnaient des délégations de dignitaires étrangers en visite, et non par les voies régulières de leur accréditation permanente.

Le 18 février 2025, Susan Wiles, cheffe de cabinet du président Trump, a répondu aux plaintes formulées par l’AP en déclarant que le Stylebook de l’agence avait, à plusieurs reprises, abusé et parfois instrumentalisé son influence éditoriale. Elle a exigé que les références au « golfe d’Amérique » soient intégrées afin de respecter l’autorité présidentielle. Le même jour, le président Trump a publiquement critiqué le refus de l’AP d’adopter la nouvelle terminologie et a confirmé que l’accès de l’agence aux conférences de presse serait suspendu.

Le 21 février 2025, environ dix jours après les premiers indices de son exclusion du press pool, l’AP a engagé une action en justice contre la cheffe de cabinet de la Maison-Blanche, son adjointe chargée des communications et la porte-parole du président devant le tribunal fédéral de district du District of Columbia. L’agence a demandé l’émission une injonction provisoire ordonnant au gouvernement de rétablir son accès aux événements réservés au press pool et aux événements à accès restreint pendant la durée du litige. Lors d’une première audience relative à sa demande d’ordonnance de protection temporaire (temporary restraining order, TRO), mesure d’urgence destinée à maintenir le statu quo dans l’attente d’une audience plus complète, le tribunal a rejeté la requête. Il a souligné des différences substantielles avec des litiges antérieurs portant sur l’accès à la Maison-Blanche, notamment l’arrêt Sherrill c. Knight, et a relevé en particulier que le statut de titulaire d’un hard pass de l’AP demeurait inchangé. Il a en outre estimé que les questions essentielles concernant l’étendue de l’exclusion et son impact sur l’activité journalistique de l’agence nécessitaient l’établissement d’un dossier plus complet.

Le 25 février 2025, soit quatre jours après le dépôt de l’action, la Maison-Blanche a annoncé qu’elle assumerait désormais la responsabilité de sélection des titulaires d’un hard pass pouvant accéder au press pool, responsabilité exercée depuis des décennies par l’association des correspondants de la Maison-Blanche (WHCA) et non par l’exécutif.

Afin de permettre la construction d’un dossier factuel plus complet, le tribunal a ordonné une procédure accélérée concernant la demande d’injonction provisoire de l’AP et a autorisé chaque partie à présenter jusqu’à deux témoins. Le 13 mars 2025, l’AP a appel a témoigner ses deux journalistes titulaires d’un hard pass les plus expérimentés au sein du bureau de la Maison-Blanche, tandis que le gouvernement a choisi de ne présenter aucun témoin. Une fois les mémoires complétés et l’audition des preuves clôturée, l’affaire a été déclarée en état d’être tranchée.

L’AP a soutenu que les mesures adoptées par la Maison-Blanche portaient atteintes à ses droits garantit par le Premier Amendement de la Constitution des États-Unis. Celui-ci prévoit notamment que : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement d’une religion, ou qui en interdise le libre exercice ; qui restreigne la liberté d’expression ou de la presse ; ou qui empêche le peuple de s’assembler pacifiquement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour obtenir réparation des torts subis. »


Aperçu des Décisions

Le juge Trevor N. McFadden, siégeant à la Cour de district des États-Unis pour le District of Columbia, a rendu la décision. La question centrale soumise au tribunal était de déterminer si l’exclusion de l’AP des événements relevant du press pool et des briefings à accès restreint à la Maison-Blanche – à la suite du refus de l’agence d’utiliser l’expression « golfe d’Amérique » imposée par le président Trump – constituait une atteinte au Premier Amendement, en ce qu’elle constituait une discrimination fondée sur le point de vue et une mesure de représailles contre un discours protégé.

L’AP a soutenu que le gouvernement, sous l’autorité du président, avait restreint son accès à des événements médiatiques essentiels au seul motif que l’agence refusait de modifier son Stylebook afin de substituer « golfe d’Amérique » à « golfe du Mexique ». Une telle exclusion, notamment du press pool du Bureau ovale et des événements se tenant dans la salle Est, constituerait une sanction résultant directement de son point de vue éditorial, portant ainsi atteinte au Premier Amendement, qui prohibe le gouvernement d’imposer des charges ou restrictions en raison du contenu ou du point de vue d’une expression. L’AP a reconnu qu’il n’existe pas, en soi, de droit garanti par le Premier Amendement d’accéder à des espaces gouvernementaux fortement contrôlés, tels que le Bureau ovale. Toutefois, en ouvrant volontairement de tels lieux à un groupe déterminé de journalistes, le gouvernement aurait créé un forum non public dans lequel il conserve de larges pouvoirs de régulation, sous réserve que toute restriction demeure à la fois raisonnable et neutre à l’égard du point de vue exprimé. L’agence a affirmé que la décision d’exclusion était directement motivée par sa ligne éditoriale, comme en témoignaient les déclarations publiques de hauts responsables conditionnant l’accès aux événements à la modification de la terminologie du Golfe dans son guide de style. Elle a ajouté que les activités journalistiques réalisées au Bureau ovale, notamment l’observation en temps réel et la diffusion immédiate de reportages, relèvent d’un comportement expressif protégé par le Premier Amendement. Enfin, en se fondant sur l’arrêt Price c. Garland, elle a rappelé que les restrictions imposées à des conduites non directement communicatives doivent également répondre aux exigences de raisonnabilité et de neutralité à l’égard du point de vue, et ne sauraient sanctionner des choix éditoriaux spécifiques.

Outre ses allégations de discrimination fondée sur le point de vue, l’AP a soutenu que le comportement du gouvernement constituait une mesure de représailles illicite à l’encontre d’une expression protégée par la Constitution. L’agence a rappelé que le gouvernement ne peut refuser un avantage, tel que l’accès à des lieux essentiels à la collecte d’information, en réaction à l’exercice du droit à la liberté d’expression. Elle a fait valoir que le lien direct et explicite entre son refus de modifier son Stylebook et son exclusion des événements démontrait une intention de représailles dépourvue de tout objectif réglementaire légitime. Elle a ensuite exposé les effets préjudiciables de cette exclusion sur sa mission journalistique, notamment un désavantage significatif en matière de couverture photographique et des retards importants dans la diffusion des informations de dernière minute, ses journalistes de fil d’agence étant empêchés d’assister à des événements présidentiels essentiels. L’AP a distingué la présente affaire de celle Baltimore Sun Co. c. Ehrlich, en soutenant que, contrairement aux simples désagréments relevés dans cette précédente instance – où les journalistes avaient seulement été encouragés à solliciter des sources autres que le personnel du gouverneur –, elle subissait ici un préjudice matériel substantiel compromettant à la fois sa situation économique, sa réputation professionnelle et sa capacité à remplir pleinement sa mission de grande agence de presse. Enfin, l’AP a soutenu qu’elle subirait un préjudice irréparable en l’absence de mesures injonctives, en raison de la présente atteinte à ses droits garantis par le Premier Amendement et des conséquences professionnelles et économiques résultant de son exclusion systématique.

Le Gouvernement a soutenu que l’AP n’était pas entièrement exclue des événements de la Maison-Blanche et que ses journalistes, titulaires d’un hard pass, demeuraient, à la discrétion du Président, admissibles à une sélection pour participer aux activités du press pool ou à d’autres briefings à accès restreint. Il a fait valoir que le chef de l’exécutif dispose d’un pouvoir inhérent pour contrôler l’accès à des espaces restreints et sensibles tels que le Bureau ovale ou Air Force One, décisions motivées selon lui par des impératifs logistiques, sécuritaires et organisationnels plutôt que par les positions éditoriales des médias concernés. Tout en reconnaissant les déclarations publiques liées à la controverse du « golfe d’Amérique », le Gouvernement a affirmé que l’exclusion de l’AP ne traduisait aucune hostilité à son égard, mais procédait uniquement de son refus d’intégrer dans son guide de style ce que le Président considérait être une nouvelle dénomination officielle. Il a ajouté que l’analyse fondée sur la nature du forum (forum analysis) ne saurait s’appliquer au Bureau ovale, les activités qui s’y déroulent relevant, selon lui, du « pré-discours » plutôt que d’une expression protégée par le Premier Amendement. Se référant à l’arrêt Price c. Garland, il a soutenu que la présence brève et essentiellement passive des journalistes dans le Bureau ovale – par exemple lors de prises d’images ou de brefs commentaires présidentiels – ne transforme pas cet espace en forum soumis au contrôle constitutionnel. Il en a conclu que la Maison-Blanche conserve une large marge de manœuvre pour déterminer quels journalistes peuvent être admis à ces activités.

Se référant à l’affaire Baltimore Sun Co. c. Ehrlich, le Gouvernement a comparé la présente affaire à des situations dans lesquelles des responsables publics décident de ne pas interagir directement avec des journalistes qu’ils estiment biaisés, soutenant que le contrôle des interactions avec la presse inclut la faculté discrétionnaire de déterminer quels journalistes peuvent assister à des événements présidentiels sensibles. Il a ajouté que l’AP n’avait pas démontré l’existence d’un préjudice irréparable, présentant ses prétentions comme la manifestation d’un simple désir d’obtenir un « accès spécial supplémentaire » auquel elle ne saurait prétendre automatiquement et qui dépasserait celui accordé aux autres organes de presse comparables [p. 40]. Le Gouvernement a ainsi cherché à qualifier le litige comme un différend politique plutôt qu’une atteinte constitutionnelle, invitant le tribunal à respecter la large discrétion de l’exécutif en matière de contrôle de l’accès aux plus hauts niveaux du pouvoir.

Le tribunal a ensuite procédé à l’analyse des exigences applicables à une demande d’injonction provisoire conformément à l’arrêt Winter c. Natural Resources Defense Council, Inc., à savoir l’existence d’une probabilité substantielle de succès au fond, d’un risque réel de préjudice irréparable en l’absence de mesure, d’une balance des inconvénients favorable à l’octroi de l’injonction et d’une mesure conforme à l’intérêt public. Il a rappelé qu’en présence d’une opposition gouvernementale, la balance des inconvénients et l’intérêt public se confondent, les deux critères se résumant à déterminer si l’octroi de l’injonction est conforme à l’intérêt supérieur de la collectivité.

La Cour a estimé que l’AP avait démontré une forte probabilité de succès sur ses arguments tirés du Premier Amendement concernant la discrimination fondée sur le point de vue et les représailles illicites. Sur le premier aspect, elle a qualifié le Bureau ovale, la salle Est et d’autres espaces à accès restreint de la Maison-Blanche de forums non publics, c’est-à-dire des lieux appartenant au gouvernement et qui ne sont pas, par nature, destinés à l’expression publique. Elle a toutefois souligné que, si l’AP ne possède pas de droit constitutionnel à accéder au Bureau ovale, elle dispose en revanche du droit de ne pas être écartée en raison de son point de vue éditorial, l’ouverture volontaire de ces espaces à certains journalistes imposant à l’exécutif une obligation de neutralité à l’égard des opinions exprimées [p. 21]. Se référant aux arrêts Cornelius c. NAACP Legal Defense Fund et Perry Education Assn c. Perry Educators’ Assn, la Cour a précisé qu’une fois l’accès accordé à certains journalistes, le gouvernement ne peut en exclure d’autres en se fondant sur leur orientation éditoriale.

La Cour a estimé que les éléments produits au dossier démontraient l’existence d’un lien direct entre le refus de l’AP de modifier la terminologie « golfe du Mexique » dans son guide de style et son exclusion subséquente d’événements relevant du press pool. Elle a relevé que ce lien ressortait de manière explicite des déclarations publiques de hauts responsables, notamment celle du chef adjoint de cabinet Budowich selon laquelle, si le « droit de l’AP à un journalisme irresponsable et malhonnête » était protégé par le Premier Amendement, une telle protection ne garantissait pas pour autant un accès à des espaces restreints [p. 6]. La Cour a considéré que ces propos constituaient une preuve directe d’un mobile discriminatoire et a écarté l’argument du Gouvernement fondé sur l’arrêt Price c. Garland, relevant que les journalistes de l’AP s’engagent, lors de la couverture d’événements en temps réel, dans une expression à part entière et non dans une activité simplement préparatoire.

Enfin, la Cour a jugé que l’affaire Baltimore Sun Co. c. Ehrlich n’était pas transposable, distinguant la simple décision de responsables d’éviter des échanges directs avec certains journalistes dans cette affaire, du refus opposé ici à l’AP d’accéder physiquement à des forums auxquels ses concurrents continuaient d’être admis [p. 29].

S’agissant de l’allégation de représailles, la Cour a appliqué le critère issu de l’arrêt Baltimore Sun Co. c. Ehrlich, selon lequel le demandeur doit démontrer que le gouvernement a réagi à une activité protégée par la Constitution par un comportement ou des propos susceptibles de dissuader l’exercice de cette activité ou d’y porter atteinte [p. 33]. La Cour a reconnu que la décision éditoriale de l’AP de maintenir l’usage du terme « golfe du Mexique » dans son guide de style relevait de la protection constitutionnelle et a estimé que le mécontentement exprimé publiquement par le gouvernement – notamment les annonces explicites restreignant l’accès de l’agence au Bureau ovale, à Air Force One et aux événements organisés dans la salle Est – constituait une réaction manifestement défavorable à cette position éditoriale. La Cour a jugé que le lien de causalité était établi, relevant qu’aucune explication bénigne n’avait été présentée pour justifier les décisions du gouvernement et rappelant que celui-ci avait reconnu, lors de l’audience probatoire, l’existence de mobiles discriminatoires fondés sur le point de vue exprimé par l’AP [p. 33]. Elle a conclu que la capacité de l’agence à recueillir et à diffuser l’information avait été substantiellement entravée et que les conséquences pour l’AP avaient été indéniablement préjudiciables, de sorte qu’elle disposait d’une forte probabilité de succès sur ce chef de réclamation [p. 33].

Dans son examen du critère relatif au préjudice irréparable, la Cour a estimé que l’AP avait démontré une probabilité concrète de subir un tel préjudice. Se fondant sur l’arrêt Nat’l Treasury Employees Union c. United States, elle a rappelé que la perte, même momentanée, des libertés garanties par le Premier Amendement constitue un préjudice irréparable dès lors que le demandeur établit que ses droits constitutionnellement protégés sont menacés ou effectivement entravés au moment où il sollicite une mesure de sauvegarde [p. 37]. La Cour a relevé que la capacité de l’AP à recueillir et à diffuser rapidement des informations relatives à l’activité présidentielle avait été compromise en raison de son exclusion du press pool et des événements à accès restreint, précisant que de tels retards dans la couverture des actualités urgentes peuvent être catastrophiques pour le fonctionnement d’une agence de presse [p. 35]. Constatant que cette exclusion portait une atteinte profonde aux activités de l’AP, tant sur le plan financier qu’en termes d’opportunités professionnelles perdues, et que son modèle économique se fragilisait à mesure que ses clients se tournaient vers d’autres sources, la Cour a conclu que le préjudice subi revêtait indéniablement un caractère irréparable [p. 37-38].

Dans son appréciation de la balance des inconvénients, la Cour a reconnu l’intérêt légitime de la Maison-Blanche à assurer la sécurité et la maîtrise logistique des événements soumis à des restrictions d’accès, tout en soulignant que des considérations d’ordre politique « ne sauraient jamais prévaloir sur la Constitution », se référant à l’arrêt Karem c. Trump. Elle a estimé que l’intérêt public militait fortement en faveur de l’octroi d’une injonction, la sauvegarde des libertés garanties par le Premier Amendement constituant « toujours » un objectif d’intérêt public supérieur [p. 39]. La Cour a par ailleurs rejeté l’argument du Gouvernement selon lequel l’AP chercherait à obtenir un « accès spécial supplémentaire », rappelant que l’agence revendiquait seulement un traitement équivalent à celui des autres médias se trouvant dans une situation comparable.

La Cour a dès lors conclu que l’AP disposait d’une probabilité élevée de succès au fond de ses prétentions fondées sur le Premier Amendement, le Gouvernement ayant, en l’excluant du press pool et d’événements à accès restreint, illégalement discriminé son point de vue éditorial et exercé des représailles à l’encontre de choix rédactionnels protégés. Elle a constaté que cette exclusion portait une atteinte concrète et irréparable à la capacité de l’agence de recueillir et de diffuser en temps réel des informations sur l’activité présidentielle. En conséquence, le tribunal a accueilli la demande d’injonction provisoire formulée par l’AP et a interdit au Gouvernement, jusqu’à nouvel ordre, d’exclure l’Associated Press de tout événement relevant du press pool ou de tout briefing à accès limité de la Maison-Blanche en raison du point de vue exprimé ou en représailles à des choix éditoriaux protégés.


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Élargit l'expression

Cette décision élargit la portée de la liberté d’expression consacrée par le Premier Amendement en réaffirmant que, dès lors que certains journalistes sont autorisés à accéder à des espaces restreints, le gouvernement ne peut en exclure d’autres en raison de leur position éditoriale. Elle consolide la protection du travail de collecte d’information contre les représailles gouvernementales et actualise l’application de principes constitutionnels anciens aux réalités contemporaines de l’accréditation et de l’accès des journalistes à la Maison-Blanche.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Normes, droit ou jurisprudence nationales

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

Ce cas n'a pas créé de précédent contraignant ou persuasif, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de sa juridiction. L'importance de ce cas n'est pas déterminée à ce jour.

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