Ahmadi c. The Guardian

Affaire résolue Élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Presse / Journaux
  • Date de la Décision
    mai 14, 2025
  • Résultat
    Décision - Résultat de la procédure, Rejeté
  • Numéro de Cas
    [2025] EWHC 1191
  • Région et Pays
    Royaume-Uni, Europe et Asie Centrale
  • Organe Judiciaire
    Tribunal de première instance
  • Type de Loi
    Droit de la diffamation
  • thèmes
    Diffamation / réputation
  • Mots-Cles
    Diffamation civile, LGBTI

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Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

Cette décision de la Haute Cour d’Angleterre et du pays de Galles (King’s Bench Division) rejette la demande d’un ressortissant afghan qui soutenait que The Guardian l’avait diffamé en publiant sa photographie dans un article portant sur le meurtre d’un homme gay par les Talibans. L’article traitait du décès de Hamed Sabouri, un étudiant en médecine homosexuel, et incluait par erreur une photographie de Safiullah Ahmadi, sans lien avec l’affaire. Ahmadi faisait valoir que l’image laissait entendre qu’il était homosexuel, portant atteinte à sa réputation au sein des communautés afghane, iranienne et musulmane résidant en Angleterre et au pays de Galles. Après avoir examiné la jurisprudence pertinente et le cadre législatif applicable, la Cour a conclu que les valeurs sociales avaient évolué depuis les années 1960 et qu’aucun « membre raisonnable de la société ne considérerait généralement une personne comme moins estimable en raison de son orientation sexuelle ou du fait qu’elle entretient une relation avec une personne du même sexe ». En conséquence, la Cour a estimé que The Guardian n’avait pas diffamé Ahmadi.


Les Faits

Le 18 octobre 2022, le journal britannique The Guardian a publié un article intitulé : « Un étudiant afghan gay assassiné par les talibans alors que les violences anti-LGBTQ+ augmentent », accompagné du sous-titre : « La mort de Hamed Sabouri s’inscrit dans une vague d’attaques, les organisations de défense des droits avertissant que des milliers de personnes se cachent ou tentent de fuir le pays. » [p. 7] L’article rapportait que les talibans avaient enlevé, torturé et tué Hamed Sabouri, un étudiant en médecine homosexuel vivant à Kaboul. Il comportait une photographie d’Ahmadi, un ressortissant afghan n’ayant aucun lien avec Sabouri, accompagnée de la légende suivante : « La famille et le partenaire de Hamed Sabouri affirment qu’il a été arrêté à un poste de contrôle à Kaboul en août, torturé pendant trois jours puis abattu. Photographie : Handout. » [p. 8]

Plus tard dans la journée, après avoir constaté que l’image ne représentait pas Sabouri, The Guardian a retiré la photographie d’Ahmadi de l’article et inséré une brève note indiquant : « L’image principale de cet article a été remplacée le 18 octobre 2022 », sans autre précision. [p. 10]

Le 8 août 2023, Ahmadi a envoyé à The Guardian une lettre préalable à une action en justice, sollicitant une clarification publique, des excuses, ainsi que 250 000 £ de dommages-intérêts pour diffamation. The Guardian a affirmé ne pas avoir reçu cette première lettre, mais a reconnu avoir reçu une lettre de relance le 21 septembre 2023, à laquelle il a répondu de manière détaillée. Le journal n’a reçu aucune correspondance supplémentaire jusqu’au 24 janvier 2024, lorsque les représentants d’Ahmadi ont transmis l’exposé détaillé de la demande déjà déposée. À la suite de discussions entre les parties portant sur des questions procédurales, l’affaire a été transférée devant la Haute Cour d’Angleterre et du pays de Galles.


Vue d’ensamble de la décision

Le juge Johnson de la Haute Cour d’Angleterre et du pays de Galles (King’s Bench Division) a présidé l’affaire. La principale question à trancher était de déterminer si The Guardian avait diffamé Safiullah Ahmadi en publiant un article portant sur le meurtre d’un étudiant afghan homosexuel tout en utilisant la photographie d’Ahmadi, laissant ainsi entendre qu’il était homosexuel.

Ahmadi a fait valoir que l’article laissait faussement entendre qu’il était homosexuel, alors qu’il est hétérosexuel et que sa vie et son identité sont profondément ancrées dans la société afghane, où l’homosexualité est criminalisée et peut être punie de mort. Il a soutenu que l’article l’avait diffamé en le présentant comme un homme homosexuel s’étant caché par crainte des talibans. Il a également soutenu que, même si un lecteur se rendait compte qu’il n’était pas la personne décrite dans l’article, il en conclurait néanmoins qu’il appartenait à la communauté LGBTQ+. Il a fait valoir que le critère permettant de déterminer si une déclaration est diffamatoire devrait tenir compte des opinions des communautés afghane, iranienne et musulmane résidant en Angleterre et au pays de Galles.

The Guardian a soutenu que l’article faisait clairement référence à Hamed Sabouri, et non à Ahmadi. Il a plaidé que tout lecteur reconnaissant Ahmadi sur la photographie supposerait que son inclusion était une erreur, ou que Sabouri lui ressemblait fortement. Le journal a soutenu qu’être homosexuel ou entretenir une relation avec une personne du même sexe n’était pas « contraire aux valeurs communes et partagées de notre société » [p. 28]. Il a fait valoir que la législation contemporaine reconnaissant et protégeant les droits des couples de même sexe reflétait les valeurs sociétales dominantes et démontrait qu’une telle imputation ne pouvait, en droit anglais, être considérée comme diffamatoire.

La Cour a examiné si l’article avait eu un effet négatif sur la façon dont « les membres sensés de la société » percevaient Ahmadi, afin de déterminer s’il constituait une diffamation en common law [p. 17]. Elle a évalué si la publication pouvait laisser entendre que celui-ci avait adopté un comportement ou exprimé des opinions contraires aux « valeurs communes et partagées de la société, ou illégales ou immorales selon les normes de la société dans son ensemble » [p. 19].

La Cour s’est référée à l’affaire Monroe c. Hopkins [2018] EWHC 433 (QB), qui s’écarte des précédents anciens et constate qu’« une déclaration n’est pas diffamatoire si elle n’a d’effet négatif que sur l’attitude d’une certaine partie de la société » [p. 17]. Elle a ainsi rejeté l’argument d’Ahmadi selon lequel il conviendrait de centrer l’analyse sur les opinions de communautés spécifiques, telles que les communautés afghane, iranienne ou musulmane, ou de se référer au Code pénal afghan de 2018.

La Cour a ensuite cité les affaires Kerr c. Kennedy [1942] 1 KB 409 et Liberace c. Daily Mirror Newspapers Ltd, dans lesquelles le fait de qualifier une personne d’homosexuelle avait été considéré comme diffamatoire. Cependant, elle a relevé que les perceptions sociales avaient fortement évolué. Par exemple, dans Prophit c. BBC [1997] SLT 745, le terme « lesbienne » n’était plus jugé diffamatoire. La Cour a mentionné d’autres décisions, telles que Quilty c. Windsor (1999) SLT 346 et Brown c. Bower [2017] EWHC 2637 (QB), où les tribunaux ont jugé que qualifier quelqu’un d’homosexuel n’était généralement pas diffamatoire.

Tout en tenant compte de cette évolution des valeurs sociales, la Cour a également examiné le cadre juridique interne au Royaume-Uni : la dépénalisation de l’homosexualité par le Sexual Offences Act 1967, les protections contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle prévues par la Convention européenne des droits de l’homme et par l’Equality Act 2010, ainsi que la reconnaissance juridique des droits des couples de même sexe à adopter et à se marier. Selon la Cour, la jurisprudence nationale reconnaît que les couples homosexuels ont droit au même respect et à la même dignité que les couples hétérosexuels.

La Cour a également relevé qu’il est diffamatoire de qualifier une personne d’homophobe, comme dans Alam c. Guardian News and Media Limited [2023] EWHC 2847 (KB). Elle a déclaré que le droit risquerait d’être incohérent si l’homosexualité et l’homophobie pouvaient toutes deux constituer des imputations diffamatoires.

La Cour a également cité Gatley on Libel and Slander (13ᵉ éd., 2024), selon lequel : « On a déjà considéré comme diffamatoire d’affirmer qu’une personne était homosexuelle, mais cette opinion a aujourd’hui très peu de chances de prévaloir… Il semble hautement improbable qu’un juge considère diffamatoire de dire qu’un homme est un homosexuel pratiquant. » [p. 39]

La Cour a ensuite examiné des décisions australiennes, notamment Rivkin v Amalgamated Television Services Pty Ltd[2001] NSWSC 432, où il a été jugé qu’aucun membre raisonnable de la communauté n’aurait une opinion moindre d’une personne en raison de son homosexualité. De même, dans John Fairfax Publications Pty Ltd v Rivkin (2003) 201 Aust LR 77, la Haute Cour d’Australie a estimé que les allégations de comportements homosexuels privés et consensuels n’étaient généralement pas diffamatoires, bien que la conclusion puisse varier selon « l’époque, la personnalité et les circonstances » [p. 34]. La Cour a également cité la jurisprudence américaine, notamment Albright v Morton, 321 F Supp 2d 130 (D Mass 2004), selon laquelle, de même qu’il était autrefois diffamatoire de qualifier une personne blanche de personne noire, ce qui n’est plus le cas, l’imputation d’homosexualité ne peut plus être considérée comme diffamatoire.

Compte tenu de ces changements sociétaux depuis les années 1960, la Cour a conclu qu’aucun « membre sensé de la société ne mépriserait généralement quelqu’un en raison de son orientation sexuelle ou parce qu’il entretient une relation homosexuelle » [p. 39].

La Cour a insisté sur la nécessité de déterminer « le sens naturel et ordinaire unique de la publication, c’est-à-dire le sens que le lecteur hypothétique raisonnable lui attribuerait » [p. 20]. Sur ce point, elle a estimé qu’à l’exception de la photographie, rien dans l’article ne pouvait raisonnablement être compris comme faisant référence à Ahmadi, car il décrivait de manière explicite une autre personne, avec un autre nom, un autre parcours et d’autres circonstances. Un lecteur raisonnable connaissant Ahmadi ne conclurait pas que l’article le concernait, ni qu’il suggérait qu’il était homosexuel. Quant à la photographie, la Cour a estimé qu’elle serait interprétée comme une erreur ou une coïncidence liée à une ressemblance. Elle a rejeté l’argument selon lequel un lecteur raisonnable pourrait considérer l’image comme représentant un membre de la communauté LGBTQ+ autre que Sabouri.

La Cour a rappelé qu’« une déclaration n’est diffamatoire que si sa publication a causé ou est susceptible de causer un préjudice grave » à la réputation du demandeur, conformément à l’article 1 du Defamation Act 2013 [p. 21]. Étant donné que la publication n’était pas diffamatoire en common law et qu’Ahmadi n’avait fourni aucune preuve de préjudice réel porté à sa réputation en Angleterre et au pays de Galles, la Cour a rejeté sa demande et a rendu un jugement sommaire en faveur de The Guardian.


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Élargit l'expression

La décision de la Cour élargit la liberté d’expression en affirmant que les déclarations laissant entendre qu’une personne est homosexuelle ne sont plus diffamatoires en vertu du droit anglais, ce qui reflète l’évolution des attitudes et des valeurs sociétales. La Cour souligne que le demandeur doit démontrer un préjudice clair porté à sa réputation aux yeux des membres sensés de la société. Ainsi, le jugement réaffirme que les tribunaux doivent tenir compte de l’évolution des normes sociales et que des stigmates aujourd’hui dépassés ne sauraient constituer le fondement d’une action en justice. Ce faisant, la décision limite les usages abusifs des actions en diffamation.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Normes, droit ou jurisprudence nationales

  • U.K., Monroe v. Hopkins [2017] EWHC 433 (QB)
  • U.K., Tolley v Fry [1930] 1 KB 46.
  • U.K., Dyson v Channel Four [2023] EWCA Civ 884 [2023] 4 WLR 67
  • U.K., Koutsogiannis v. The Random House Group Ltd, [2019] EWHC 48 (QB)
  • U.K., Lachaux v. Independent Print Ltd (2019), UKSC 27
  • U.K., Mahmudov v Sanzberro [2021] EWHC 3433 (QB).
  • U.K., Liberace v Daily Mirror Newspapers Ltd The Times, 163 NLJ 7565.
  • U.K., Kerr v Kennedy [1942] 1 KB 409.
  • Scot., Prophit v BBC [1997] SLT 745 .
  • U.K., Paisley v Linehan [2024] EWHC 1976 (KB).
  • U.K., Alam v Guardian News and Media Limited [2023] EWHC 2847 (KB).
  • U.K., Brown v Bower [2017] EWHC 2637 (QB).

Autres normes, lois ou jurisprudences nationales

  • Austl., Fairfax Publications Pty Ltd v. Rivkin, [2003] HCA 50
  • Austl., Rivkin v Amalgamated Television Services Pty Ltd [2001] NSWSC 432 (SC).
  • U.S., Stern v Cosby 645 F Supp 2d 258 (SDNY 2009).
  • U.S., Albright v Morton 321 F Supp 2d 130 (D Mass 2004).
  • U.S., Yonaty v Mincolla 97 AD 3d 141, 945.

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

Documents Officiels du Cas

Documents Officiels du Cas:


Pièces Jointes:

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