Avis consultatif sur la requête No. 001/2020 par l’Union panafricaine des avocats (UPA)

Affaire résolue Élargit l'expression

Key Details

  • Mode D'expression
    Expression non verbale
  • Date de la Décision
    juillet 16, 2021
  • Résultat
    Résultat de la décision (Disposition/Verdict), Loi ou action maintenue
  • Numéro de Cas
    Request No. 001/2020
  • Région et Pays
    Tanzanie, République-Unie de, Afrique
  • Organe Judiciaire
    Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
  • Type de Loi
    Droit international/régional des droits de l'homme
  • thèmes
    Expression politique
  • Mots-Cles
    COVID-19, élections, État d'urgence

Ce cas est disponible dans d'autres langues:    Voir en : English    Voir en : Español

Analyse de Cas

Résumé du Cas et Résultat

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a statué que les États parties peuvent décider de la manière d’organiser des élections dans le contexte d’une urgence de santé publique ou d’une pandémie, mais seulement si les organes électoraux consultent les autorités sanitaires et les acteurs politiques, y compris les représentants de la société civile, et respectent le droit international des droits de l’homme. L’Union panafricaine des avocats avait soumis une demande d’avis consultatif alors que 22 pays d’Afrique devaient organiser des élections en 2020, pendant la pandémie de Covid-19. La Cour a souligné l’importance d’élections régulières, transparentes, libres et équitables et a souligné que le report des élections constitue une limitation des droits et doivent donc respecter les principes selon lesquels elles doivent être tenues conformément à la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique.


Les Faits

En juin 2020, l’Union panafricaine des avocats (UPA), basée à Arusha, en Tanzanie, a soumis une demande d’avis consultatif à la Cour africaine des droits de l’homme. Elle a noté que 22 États membres de l’Union africaine prévoyaient d’organiser des élections présidentielles et/ou législatives et/ou locales en 2020, et a exprimé ses préoccupations quant aux mesures prises par les États membres de l’UA pendant la pandémie de Covid-19 qui risquent d’avoir un impact négatif sur l’observation des élections et les campagnes électorales.

L’UPA a sollicité de la Cour un avis consultatif sur trois questions : 1) les obligations des États « d’assurer une protection efficace du droit du citoyen à participer à la direction des affaires publiques dans le cadre d’une élection qui se tient sous un contexte d’état déclaré de catastrophe ou d’urgence de santé publique, telle que la crise de la COVID-19» ; 2) « les normes juridiques fondées sur le droit des traités applicables aux États parties qui choisissent d’organiser des élections par rapport à ceux qui s’abstiennent de le faire en raison de la crise de la COVID-19 ou des mesures d’urgence » ; et 3) « les normes juridiques applicables aux États qui, en raison d’une urgence de santé publique, telle que celle provoquée par la pandémie de COVID-19, ne sont pas en mesure d’organiser des élections qui fondent le mandat démocratique du gouvernement ? ». [para. 8]

En avril 2021, le SOAS Centre for Human Rights Law, une organisation basée à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres, a soumis un mémoire en qualité d’amicus curiae.


Aperçu des Décisions

La décision a été rendue par Imani Aboud, Présidente ; Blaise Tchikaya, Viceprésident ; Ben Kioko, Rafaậ Ben Achour, Suzanne Mengue, M-Thérèse Mukamlisa, Tujilane R. Chizumila, Chafika Bensaoula , Stella I. Anukam, Dumisa Ntsebeza, Modibo Sacko – Juges ; et Robert Eno, Greffier de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour). La question centrale à examiner par la Cour concernait les obligations des États membres de l’UA d’assurer la participation des citoyens à la direction des affaires publiques par le biais d’élections.

L’UPA a fait valoir que la tenue d’élections était essentielle pour garantir le droit de participer effectivement à la direction des affaires publiques et qu’elle respectait les normes de bonne gouvernance inscrites dans le droit des traités. Elle a soutenu que les mesures prises par les États membres pour protéger le droit à la vie pendant la pandémie de Covid-19 restreignaient « les libertés de mouvement, de réunion, d’association et d’information, ainsi que le droit des citoyens à participer effectivement à la direction des affaires publiques de leurs pays respectifs », ce qui restreint la « concurrence démocratique » et « empêche l’observation des élections ». [para. 57 et 58] L’UPA a soutenu qu’en « l’absence de dérogations formelles », les États parties restent liés par leurs obligations de protéger le droit des citoyens de participer effectivement à la direction des affaires publiques de leurs pays. [para. 59]

Le SOAS Centre for Human Rights Law a reconnu que les pays de l’UA pouvaient choisir le moment de la tenue d’élections en cas d’urgence de santé publique, mais que « ce qui compte », c’est que ces élections se déroulent conformément aux traités internationaux. [para. 49] Il a fait valoir que toute restriction liée au Covid-19 devrait être « maintenue au strict minimum nécessaire ». [para. 63] Le Centre SOAS a fait valoir qu’en cas de report, il convient de déterminer qui a le pouvoir de décider des nouvelles dates, des nouveaux mécanismes et autres questions connexes. Il a évoqué les préoccupations soulevées par les experts électoraux concernant le « manque de consultation des acteurs concernés et de transparence » dans la prise de décisions, et a fait référence à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui considère un report comme une « restriction à la périodicité des élections ». [para. 89 et 90]

La Cour a souligné que les États membres de l’UA avaient « adopté la démocratie comme système politique et se sont engagés à respecter les principes de l’État de droit et à protéger les droits de l’homme et des peuples ». [para. 50] Il a expliqué que pour remplir ces obligations, la tenue régulière d’élections transparentes, libres et équitables était nécessaire et que cela permettait à l’électorat « d’évaluer régulièrement et de sanctionner politiquement la performance de ces élus, par le suffrage universel ». [para. 51]

En ce qui concerne les pouvoirs de décision en matière d’élections, la Cour a noté qu’il était permis aux États parties de décider du moment de la tenue des élections – « dans les délais prévus par la loi » – s’ils le jugent possible, « nonobstant la situation de la pandémie de Covid-19 ». [para. 51] La Cour a ajouté que les organes compétents de l’État avaient le pouvoir de reporter les élections conformément à leur droit interne et que ce pouvoir découlait de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine) et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (ACDEG). La Cour a ajouté que lorsqu’il n’y a pas de dispositions qui traitent spécifiquement du report des élections, les dispositions qui régissent « la programmation et la tenue des élections » seraient applicables, et que « ceux qui peuvent programmer des élections doivent également être en mesure de les annuler ou de les reporter si les conditions de la tenue des élections ne sont pas remplies en raison de la situation d’urgence, comme c’est le cas avec la pandémie de Covid-19 ». [para. 53] Dans les situations d’urgence sanitaire, bien que la décision d’organiser ou non des élections reste du ressort des organes électoraux, la consultation des autorités sanitaires et politiques et de la société civile « est nécessaire pour garantir l’inclusivité du processus ». [para. 54] La Cour a décrit le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et les élections comme une « source d’inspiration importante » pour obtenir l’accord des acteurs politiques lorsqu’il s’agit d’apporter des modifications importantes aux lois électorales dans les six mois précédant les élections. [para. 55]

La Cour a reconnu que la tenue d’élections dans des situations d’urgence telles que la pandémie de Covid-19, où une maladie pouvant facilement se propager par contact humain et par des objets, nécessitait des mesures appropriées, sans porter atteinte à l’intégrité du processus électoral. Elle a noté, qu’en sa qualité d’organe judiciaire, elle ne pouvait pas élaborer de directives politiques à l’intention des États sur la manière de mener des élections dans une situation d’urgence. Elle peut, cependant, « partager […] les normes juridiques applicables aux restrictions ou à la suspension des droits garantis par la Charte et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme ». [para. 72] Faisant observer que, la Charte africaine ne prévoyant pas de dispositions relatives aux dérogations aux droits dans les situations d’urgence, la Cour a souligné que les États parties qui choisissent d’organiser des élections pendant l’état d’urgence doivent respecter les droits de l’homme et que toute mesure doit être conforme aux dispositions de l’article 27(2) de la Charte africaine, qui stipule que «[l]es droits et libertés de chaque individu doivent être exercés dans le respect des droits de l’homme et de la liberté. La sécurité collective, la moralité et l’intérêt commun » et l’article 2 de la Charte africaine, qui interdit la discrimination. La Cour s’est également référée à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) pour souligner que les mesures restreignant les droits de l’homme doivent être proportionnées et non discriminatoires.

En évaluant les objectifs des restrictions aux élections, la Cour a souligné qu’elles doivent poursuivre un but légitime et qu’elles doivent être « appropriées à l’objectif visé, y compris leur étendue territoriale et leur durée dans le temps » et être nécessaires dans une société démocratique. [para. 79]. La Cour a ajouté que les mesures restrictives des droits « ne doivent pas nier le contenu essentiel des droits restreints ». [para. 80]

Appliquant ces principes à la présente affaire, la Cour est d’avis que certains aspects font partie du contenu essentiel du droit des citoyens de participer librement à la gouvernance de leur pays par le biais des élections, notamment « la campagne, l’accès juste et équitable aux médias contrôlés par l’État ; le suivi du processus électoral par les candidats, les partis politiques et les institutions publiques compétentes en matière d’inscription sur les listes électorales ; le scrutin secret ; la participation des partis politiques, des candidats et de tout autre acteur pertinent pour la transparence des élections au processus de vote, de dépouillement et de publication des résultats des élections ; la possibilité de contester les résultats devant les instances administratives et judiciaires compétentes ». [para. 80] La Cour a estimé que ces aspects ne pouvaient être supprimés, même dans une situation d’urgence telle que la pandémie de Covid-19, « sans porter atteinte à l’intégrité du processus électoral ». [para. 81]

La Cour a noté que le droit de circulation des personnes pendant la période électorale devrait faire l’objet d’une attention particulière et que les restrictions ne devraient pas être absolues et que d’autres mesures devraient être prises pour atténuer les restrictions, telles que les réunions virtuelles, l’amélioration des réseaux de communication et l’autorisation d’une utilisation plus large des plateformes en ligne, telles que les médias sociaux, en levant les restrictions. La Cour a souligné la nécessité de mesures de protection telles que la distanciation sociale, le port du masque et la désinfection pendant les scrutins et les évènements électoraux regroupant beaucoup de monde, et que ces mesures devraient être non discriminatoires sans créer d’avantages pour le parti au pouvoir ou les candidats. La Cour a déclaré que les élections devraient idéalement respecter le calendrier électoral et que, dans des situations d’urgence telles que la pandémie de Covid-19, les États parties avaient le pouvoir de choisir le calendrier électoral tout en garantissant la santé publique et l’intégrité des élections.

En ce qui concerne les obligations des États parties lorsqu’ils décident de reporter des élections, la Cour a réaffirmé que les élections doivent se tenir régulièrement dans les délais prévus, et que les reports constituent donc une « exception à ce principe ». [para. 91] La Cour a statué que la Charte et l’ACDEG s’en remettent au droit interne pour définir les conditions relatives à la participation des citoyens à la direction des affaires publiques de leur pays par le biais d’élections, ce qui inclut le report des élections, car ces instruments ne réglementent pas directement de tels aspects, et qu’il incombe donc au droit interne d’établir les critères de report et le processus pour les situations où le mandat des représentants élus expire sans élections. La Cour a souligné que ces réglementations nationales doivent s’aligner sur les normes internationales afin de garantir que les droits des citoyens ne soient pas complètement annulés. Elle a ajouté que les réglementations nationales sur les critères de report des élections sont soumises à des conditions spécifiques : « Le report doit être fait en application d’une loi générale, viser un but légitime, être proportionné au but recherché et ne doit pas porter atteinte au contenu essentiel des droits ». [para. 98]

La Cour a estimé que le report des élections est légitime s’il permet de préserver la santé publique et de « créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections transparentes, libres et justes ». [para. 101] Elle a souligné que, pour être proportionné, le report devait être un dernier recours et que « la période de report ne peut être utilisée pour porter atteinte à l’obligation de légitimation régulière des élus et devenir une forme de prolongation indue de leur mandat ». [para. 101 à 103]

La Cour a relevé que des élections peuvent être reportées et se tenir malgré tout avant la fin du mandat des élus, en ajustant tout simplement le calendrier électoral sans affecter ledit mandat. Mais dans le cas où les élections ont lieu après la fin du mandat, l’on se trouve dans une situation de « forclusion des organes [para. 104] Étant donné que la législation nationale régit le report des élections, elle doit également déterminer comment gérer les mandats expirés, y compris les mécanismes de remplacement provisoire ou les arrangements de gestion intérimaire. La Cour a noté que chaque État partie devrait idéalement disposer d’une législation pour de tels cas et que, dans le cas contraire, une nouvelle législation par des organes compétents est nécessaire, impliquant la consultation d’autres acteurs politiques et sociaux.

 


Direction De La Décision

Info Rapide

La direction de la décision indique si la décision élargit ou réduit l'expression sur la base d'une analyse de l'affaire.

Élargit l'expression

La Cour a reconnu l’importance d’élections transparentes, libres et justes comme moyen pour les citoyens de participer à la gestion des affaires publiques et d’évaluer la performance des élus, et a reconnu que les restrictions imposées en raison d’urgences devraient être minimales, respectant autant que possible les droits des citoyens. L’accent mis par la Cour sur la nécessité de consulter les autorités sanitaires, les acteurs politiques et la société civile pour prendre des décisions relatives aux élections en situation d’urgence suggère que le processus devrait impliquer des discussions ouvertes et la prise en compte de divers points de vue, conformément aux principes de la liberté d’expression et de la participation démocratique, en veillant à ce que les différentes voix soient entendues et prises en compte dans l’élaboration des décisions relatives aux élections.

Perspective Globale

Info Rapide

La perspective globale montre comment la décision de la Cour a été influencée par les normes d'une ou de plusieurs régions.

Tableau Des Autorités

Lois internationale et/ou régionale connexe

Importance du Cas

Info Rapide

L'importance du cas fait référence à l'influence du cas et à la manière dont son importance évolue dans le temps.

La décision établit un précédent contraignant ou persuasif dans sa juridiction.

Documents Officiels du Cas

Pièces Jointes:

Vous avez des commentaires?

Faites-nous savoir si vous remarquez des erreurs ou si l'analyse de cas doit être révisée.

Envoyer un Retour D'information